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23/07/2024 | FRANCE | N°21NC02165

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 23 juillet 2024, 21NC02165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 6 décembre 2018 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour un montant de 20 105,35 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.



L'ONIAM a conclu au rejet de cette demande et, par des conclusio

ns reconventionnelles, a demandé de condamner la SHAM au paiement d'une somme de 20 105,35 euros,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 6 décembre 2018 par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour un montant de 20 105,35 euros et de la décharger de l'obligation de payer cette somme.

L'ONIAM a conclu au rejet de cette demande et, par des conclusions reconventionnelles, a demandé de condamner la SHAM au paiement d'une somme de 20 105,35 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 et de la capitalisation des intérêts, d'une somme de 3 015,80 euros au titre de la pénalité prévue à l'article L. 1142-15 du code de la santé publique et au remboursement des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1905021 du 8 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre exécutoire, déchargé la SHAM de l'obligation de payer la somme de 20 105,35 euros, mis à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros à verser à l'assureur au titre des frais d'instance et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 juillet 2021 et le 22 décembre 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par Me Birot, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 juin 2021 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande de première instance de la SHAM et, subsidiairement, en cas d'annulation du titre exécutoire pour un motif de légalité externe, de la condamner à lui verser la somme de 20 105,35 euros ;

3°) par la voie de conclusions reconventionnelles, de condamner la SHAM à lui verser la somme de 3 015,80 euros au titre de la pénalité prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ainsi que les frais d'expertise ;

4°) d'assortir les sommes qui lui seront allouées des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, date de réception du titre exécutoire par la SHAM, et la capitalisation des intérêts ;

5°) d'appeler en déclaration de jugement commun la Mutuelle de l'Est ;

6°) de mettre à la charge de la SHAM la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- en tant qu'établissement public doté d'un comptable, il est compétent pour émettre un titre exécutoire pour recouvrer sa créance subrogatoire en application de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ;

- la créance subrogatoire n'est pas prescrite, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dès lors que le délai de dix ans, prévu par l'article L. 1148-28 du code de la santé publique est suspendu, en vertu de l'article L. 1142-7 du même code, par la saisine de la commission de conciliation et d'indemnisation jusqu'au terme de la procédure qui doit être l'acceptation par la victime de l'offre définitive faite par l'office ;

- les Hôpitaux civils de Colmar ont commis une maladresse fautive en ligaturant l'uretère pelvien ; cette faute est de nature à engager leur responsabilité ;

- les préjudices indemnisés ont été reconnus par les experts et sont justifiés ;

- le titre exécutoire est régulier en la forme ;

- il est fondé à solliciter une indemnité de 15 % compte tenu du refus de l'assureur d'indemniser la victime ;

- la demande reconventionnelle concernant les intérêts moratoires et leur capitalisation est recevable et justifiée en cas de reconnaissance de la validité du titre exécutoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2022, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) devenue la société Relyens Mutual Insurance, représentée par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'ONIAM en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la créance de l'ONIAM est prescrite ;

- aucune faute n'a été commise par les Hôpitaux civils de Colmar ;

- le montant des indemnités accordées par l'ONIAM est contestable ;

- le titre exécutoire est irrégulier en raison de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la demande d'indemnité au titre de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique est irrecevable et le refus d'indemniser la victime n'est pas dilatoire compte tenu des conclusions du rapport d'expertise ;

- les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM au titre des intérêts moratoires et de leur capitalisation soulèvent un litige distinct ;

- la mise en cause de la Mutuelle de l'Est n'est pas nécessaire, ni justifiée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux,

- les conclusions de M. Marchal, rapporteur public,

- et les observations de Me Demailly, représentant la société Relyens Mutual Insurance.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 novembre 2005, Mme A... a subi aux Hôpitaux civils de Colmar une hystérectomie totale avec annexectomie bilatérale. Deux échographies ont mis en évidence un épanchement pleural gauche conduisant à une réintervention chirurgicale, le 13 novembre 2005, au cours laquelle il a été décidé de réaliser une néphrostomie. La patiente a été réopérée le 16 février 2006 au sein de l'hôpital Pasteur où elle a bénéficié d'une réimplantation

urétéro-vésicale gauche. Dans les suites de l'opération, elle a ressenti un épisode de pollakiurie dont les symptômes ont persisté. L'intéressée a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) d'Alsace qui a fait diligenter une expertise dont le rapport a été remis le 4 avril 2008. Par un avis du 21 mai 2008, la CRCI d'Alsace a estimé que la réparation des préjudices de la victime incombait à l'assureur des Hôpitaux civils de Colmar au motif qu'il résultait du rapport d'expertise que la ligature de l'uretère gauche survenue au décours de l'intervention du 7 novembre 2005 résultait d'une maladresse du chirurgien et constituait, dans les circonstances de l'espèce, une faute médicale de nature à engager la responsabilité des Hôpitaux civils de Colmar. Par un courrier du 23 mai 2008, la SHAM, assureur des Hôpitaux civils de Colmar, a informé l'ONIAM de son refus d'indemniser la victime. Par un protocole d'indemnisation transactionnelle partielle conclu le 13 octobre 2008 et un autre définitif du 18 mars 2013, l'ONIAM a versé à Mme A... la somme globale de 20 105,35 euros. Sa demande de régularisation amiable du 8 juillet 2013 étant restée vaine, il a émis, le 6 décembre 2018, un titre exécutoire à l'encontre de la SHAM pour obtenir le remboursement de cette somme. A la suite d'une opposition à exécution, par un jugement du 8 juin 2021, dont l'ONIAM fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire, déchargé la SHAM de l'obligation de payer la somme en cause et rejeté les conclusions reconventionnelles de l'ONIAM.

Sur la régularité du jugement :

2. Lorsqu'il a versé une indemnité à la victime en application de l'article

L. 1142-15 du code de la santé publique, il appartient à l'ONIAM, s'il a connaissance du versement à cette victime de prestations mentionnées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, d'informer les tiers payeurs concernés afin de leur permettre de faire valoir leurs droits auprès du tiers responsable, de son assureur ou du fonds institué à l'article L. 426-1 du code des assurances. Il incombe également à l'office d'informer les tiers payeurs, le cas échéant, de l'émission d'un titre exécutoire à l'encontre du débiteur de l'indemnité ainsi que des décisions de justice rendues sur le recours formé par le débiteur contre ce titre. En revanche, il ne résulte ni de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que les tiers payeurs ayant servi des prestations à la victime en raison de l'accident devraient être appelés en la cause lorsque le débiteur saisit le juge administratif d'une opposition au titre exécutoire. Par suite et en tout état de cause, les conclusions de l'ONIAM tendant à la mise en cause de la Mutuelle de l'Est doivent être rejetées.

Sur la responsabilité des Hôpitaux civils de Colmar :

3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".

4. Lorsque l'ONIAM a émis un titre exécutoire en vue du recouvrement de la somme versée à la victime en application de l'article L. 1142-15, le recours du débiteur tendant à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge invite le juge administratif à se prononcer sur la responsabilité du débiteur à l'égard de la victime aux droits de laquelle l'office est subrogé, ainsi que sur le montant de son préjudice. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.

5. Il résulte de l'instruction, notamment, du rapport des experts désignés par la CRCI d'Alsace, que l'hystérectomie totale subie par Mme A..., le 7 novembre 2005, était justifiée par la probable présence d'un fibrome pédiculé, en l'absence de toute autre cause que les différentes voies exploratoires ont permis d'éliminer. Les experts ont mentionné que les soins, investigations et actes annexes ont été exécutés dans le respect des règles de l'art et que la ligature de l'uretère, survenue au cours de cette intervention, constitue une complication rare et connue pour ce type d'intervention, indépendamment de l'expérience ou de la dextérité du chirurgien. Par ailleurs, le compte-rendu opératoire n'a mentionné aucun problème dans le déroulement de l'intervention chirurgicale. L'avis critique produit par l'ONIAM, qui s'appuie sur l'absence de difficultés particulière lors de l'opération, sur la bonne connaissance de la partie de la région pelvienne où l'intervention a été pratiquée, nécessitant un repérage préalable de l'uretère et des artères et l'absence d'anomalie anatomique, ne suffit pas à caractériser l'existence d'une maladresse fautive du chirurgien. Par suite, la ligature de l'uretère lors de l'hystérectomie ne peut être regardée comme étant imputable à une faute du chirurgien de nature à engager la responsabilité des Hôpitaux civils de Colmar.

6. Il s'ensuit que la créance subrogatoire de 20 105,35 euros dont se prévaut l'ONIAM au titre de l'ensemble des indemnités versées à la victime n'est pas fondée.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'ONIAM n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre exécutoire du 6 décembre 2018, déchargé la SHAM de l'obligation de payer la somme de 20 105,35 euros et rejeté ses conclusions reconventionnelles.

Sur les frais de l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Relyens Mutual Insurance , qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par l'ONIAM, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 000 euros à verser à la société Relyens Mutual Insurance , au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'ONIAM est rejetée.

Article 2 : L'ONIAM versera à la société Relyens Mutual Insurance la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la société Relyens Mutual Insurance.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- M. Barteaux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2024.

Le rapporteur,

Signé : S. BARTEAUXLa présidente,

Signé : S. BAUER

Le greffier,

Signé : F. LORRAIN La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier :

F. LORRAIN

N° 21NC02165 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02165
Date de la décision : 23/07/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BIROT - RAVAUT ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-23;21nc02165 ?
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