La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2024 | FRANCE | N°23NC01904

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 4ème chambre, 04 juillet 2024, 23NC01904


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 mai 2023, par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.





Par un jugement n° 2303300 du 2 juin 2023, la

magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 10 mai 2023, par lequel le préfet du Haut-Rhin l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a assorti l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2303300 du 2 juin 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 10 mai 2023 et lui a enjoint de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2303300 du 2 juin 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 10 mai 2023 faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays à destination duquel il doit être éloigné et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Il soutient que le moyen d'annulation retenu par le premier juge, à savoir celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, n'est pas fondé et qu'aucun des moyens de la requête de première instance n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 21 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Demir, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est fondé dès lors que l'arrêté contesté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien, né le 23 octobre 1983, entré irrégulièrement sur le territoire français selon ses déclarations le 15 juin 2016, a fait l'objet d'un arrêté du préfet de police de Paris du 8 juillet 2016 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, demeurée non exécutée. L'intéressé a présenté le 8 janvier 2018 une demande d'asile qui a été rejetée par une décision du 31 mai 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 29 mai 2019 par la Cour nationale du droit d'asile. A la suite de son interpellation, le préfet du Haut-Rhin a édicté à son encontre un arrêté du 10 mai 2023 portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de son renvoi et lui interdisant de revenir sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 2 juin 2023, dont le préfet du Haut-Rhin relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressé, entré en France le 15 juin 2016 selon ses déclarations et dont la continuité du séjour n'est pas établie s'agissant des années 2019 à 2022, est veuf, sans charges de famille en France et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il a la nationalité, la Côte d'Ivoire, où résident ses frères et sœurs et où il a vécu, au moins, jusqu'à l'âge de 32 ans. La seule circonstance qu'il occupe depuis le mois de janvier 2023 un emploi à mi-temps en qualité d'employé polyvalent au sein d'une résidence dédiée pour l'essentiel au logement de salariés d'entreprises étrangères et soit apprécié de son employeur qui l'héberge à titre gracieux ne saurait suffire à démontrer qu'il a désormais fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France. Ainsi, l'arrêté litigieux n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet du Haut-Rhin n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par suite, c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en litige au motif que le préfet du Haut-Rhin a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....

Sur l'autre moyen soulevé par M. B... :

5. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ".

6. Si M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision du 31 mai 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée le 29 mai 2019 par la Cour nationale du droit d'asile, soutient que l'arrêté en litige méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'apporte pas de précisions suffisantes permettant d'apprécier la portée et le bien-fondé de ce moyen qui ne peut, par suite, qu'être écarté.

7. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée par M. B... devant le tribunal et reprise en appel doit être rejetée.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2303300 du 2 juin 2023 de la magistrate désignée par le tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 23NC01904


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01904
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Mariannick BOURGUET-CHASSAGNON
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : DEMIR

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23nc01904 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award