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27/06/2024 | FRANCE | N°23NC01932

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 27 juin 2024, 23NC01932


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler d'une part l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et d'autre part l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Saône l'a assigné à résidence dans le départem

ent de la Haute-Saône pendant une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 23...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler d'une part l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et d'autre part l'arrêté du même jour par lequel le préfet de la Haute-Saône l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Saône pendant une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2300481 du 24 mars 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, a rejeté les conclusions de la requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, interdiction de retour sur ce territoire, assignation à résidence et fixant le pays de destination. Il a par ailleurs renvoyé à une formation collégiale le surplus des conclusions de la requête.

Par un jugement n° 2300481 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 24 mars 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour pendant une durée de deux ans ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 mars 2023 par lequel le préfet de la Haute-Saône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination et l'a interdit de retour pendant une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un certificat de résident algérien " vie privée et familiale " ou plus accessoirement " salarié " dans un délai de deux mois suivant notification de l'arrêt à intervenir et en l'attente et sous huit jours, la remise d'un récépissé de première demande de titre de séjour avec droit au travail ou à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivants notification de la décision à intervenir, à renouveler en l'attente du réexamen du droit au séjour et sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour, celle-ci tenant en :

* une méconnaissance de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* une erreur manifeste d'appréciation ;

* la circonstance qu'il ne représente pas un danger pour l'ordre public ;

s'agissant de la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- il ne représente pas un danger pour l'ordre public ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- il ne représente pas un danger pour l'ordre public ;

s'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :

- il ne représente pas un danger pour l'ordre public ;

s'agissant de l'assignation à résidence :

- il ne représente pas un danger pour l'ordre public ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2023, le préfet de la Haute-Saône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 18 avril 1982, est entré régulièrement en France le 3 octobre 2015 sous couvert d'un visa de type C. Il se serait ensuite maintenu sur le territoire national. N'ayant pas cherché à régulariser sa situation, il a fait l'objet d'obligations de quitter le territoire français les 3 mai 2016 et 8 juin 2018 qu'il n'a pas exécutées. Le 3 septembre 2021, il a présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 9 mars 2023, le préfet de la Haute-Saône a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence dans le département. Par un jugement du 24 mars 2023 dont l'intéressé interjette appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon, statuant sur le fondement de l'article R. 776-15 du code de justice administrative, a rejeté les conclusions de la requête dirigées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, interdiction de retour sur ce territoire, assignation à résidence et fixant le pays de destination. Par un jugement du 29 mars 2023, une formation collégiale du tribunal administratif de Besançon a rejeté les conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. ".

3. L'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit que M. B... ne peut utilement soutenir que le préfet a méconnu ces dispositions en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

4. Les stipulations de l'accord franco-algérien n'interdisent toutefois pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

5. M. B... se prévaut de sa prise en charge au sein de la communauté Emmaüs de Vesoul depuis plus de trois ans et l'avis favorable de cette structure. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement en France depuis presque six ans, qu'il n'a pas déféré à de précédentes mesures d'éloignement édictées les 3 mai 2016 et 8 juin 2018, qu'il n'a cherché que très tardivement à régulariser sa situation, qu'il n'a pas d'enfant et n'est pas marié en France et qu'il ne pouvait ignorer la précarité de sa situation. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Saône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure prise sur sa situation personnelle, à supposer même que son comportement ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Sur le moyen tiré de l'absence de menace à l'ordre public :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :" L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public; (...) ".

7. Il ressort des mentions mêmes de la décision attaquée que pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet n'a pas fondé sa décision sur la circonstance qu'il représente une menace pour l'ordre public. En effet, après avoir visé les seuls 2° et 3° de l'article L. 611-1 précité, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé n'est pas reparti dans son pays à l'expiration de son visa, qu'il n'a jamais tenté de régulariser sa situation, qu'il s'est maintenu irrégulièrement et volontairement sur le territoire français pendant six ans avant d'entreprendre les démarches visant à la régularisation de sa situation et qu'il ne s'est pas conformé à deux précédentes mesures d'éloignement. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance du 5° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne le refus de délai de départ volontaire :

8. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

9. Pour refuser d'octroyer à M. B... un délai de départ volontaire, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur l'existence d'un risque de soustraction à l'obligation de quitter le territoire français établi par la circonstance que M. B... s'est déjà soustrait, par deux fois, à une décision d'éloignement. Si le préfet a mentionné dans son arrêté que l'intéressé est également défavorablement connu de ses services et que son comportement trouble l'ordre public, cette mention ne constitue qu'un élément de contexte et non un des motifs de la décision. Par suite, M. B... ne peut utilement se prévaloir de ce que le préfet aurait fait une inexacte application des dispositions du 1° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

10. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, et dix ans en cas de menace grave pour l'ordre public. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, le préfet assortit, en principe et sauf circonstances humanitaires, l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour. La durée de cette interdiction doit être déterminée en tenant compte des critères tenant à la durée de présence en France, à la nature et l'ancienneté des liens de l'intéressé avec la France, à l'existence de précédentes mesures d'éloignement et à la menace pour l'ordre public représentée par la présence en France de l'intéressé.

11. M. B... soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que pour estimer le contraire, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur une exploitation irrégulière de fichiers policiers. Toutefois, ce faisant le requérant n'établit pas l'existence de circonstances humanitaires telles que le préfet ne pouvait assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

12. Si M. B... soutient qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et que pour estimer le contraire, le préfet de la Haute-Saône s'est fondé sur une exploitation irrégulière de fichiers policiers, il n'assortit pas ce moyen à l'appui de ses conclusions à fin d'annulation de la décision portant assignation à résidence des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation présentées contre les décisions portant obligation de quitter sans délai le territoire français, interdiction de retour sur ce territoire, assignation à résidence et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme réclamée au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01932


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01932
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;23nc01932 ?
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