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27/06/2024 | FRANCE | N°23NC01637

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 27 juin 2024, 23NC01637


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de vingt-quatre mois.



Par un jugement n° 2203624 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du

12 décembre 2022 en tant qu'il fixe à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour prononcée à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 2203624 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 12 décembre 2022 en tant qu'il fixe à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. B... et rejeté le surplus de conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Noirot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 9 février 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de l'admettre exceptionnellement au séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'intervalle une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté du 12 décembre 2022 est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté du 12 décembre 2022 est entaché d'une erreur de visas dès lors qu'il vise l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'arrêté du 12 décembre 2022 est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'il mentionne à tort qu'il est entré et s'est maintenu irrégulièrement en France ;

- l'arrêté du 12 décembre 2022 méconnaît les articles L. 313-11 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 12 décembre 2022 méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté du 12 décembre 2022 méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision en date du 2 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les observations de Me Noirot pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er février 1985, est entré en France en 2020 selon ses déclarations. Lors d'un contrôle de police, à l'issue duquel son entrée irrégulière sur le territoire et son maintien sur le territoire sans qu'il soit titulaire d'un titre de séjour ont été constatés, le préfet de Meurthe-et-Moselle, par un arrêté du 12 décembre 2022 lui a fait obligation, sur le fondement des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de vingt-quatre mois. Par un jugement n° 2203624 du 9 février 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 12 décembre 2022 en tant qu'il fixe à vingt-quatre mois la durée de l'interdiction de retour prononcée à l'encontre de M. B... et a rejeté le surplus de ses conclusions. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

2. En premier lieu, l'arrêté litigieux, qui n'avait pas à reprendre tous les éléments de la situation personnelle du requérant, précise les dispositions légales sur lesquelles il est fondé et rappelle de manière non stéréotypée les principales considérations relatives à la situation de M. B..., notamment ses conditions d'entrée et de séjour en France, ainsi que sa situation familiale. Par suite le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision doit être écarté. En outre, il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation individuelle de l'intéressé en prenant notamment en compte sa situation administrative et familiale, mais également la formation suivie.

3. En deuxième lieu, si la décision attaquée vise l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 alors que ces stipulations ne sont pas applicables aux ressortissants marocains, il ne ressort d'aucune autre mention de la décision attaquée que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait fait application de cette norme. Il suit de là que l'erreur de visa ainsi commise ne révèle aucune erreur de droit et reste sans influence sur la légalité de la décision attaquée.

4. En troisième lieu, pour obliger M. B... à quitter le territoire français sans délai et fixer le pays à destination duquel il pourra être reconduit, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé séjourne irrégulièrement sur le territoire national. Il ressort des pièces du dossier que le visa de séjour de M. B... était expiré au jour de la décision. Il ne saurait établir la régularité de son séjour par la seule circonstance qu'il ait formé le 8 janvier 2022, soit postérieurement à l'expiration de son visa, une demande de prolongation de séjour en France pour un ressortissant étranger dans l'impossibilité de repartir dans son pays à la suite de la crise sanitaire liée au covid-19. Ainsi, la décision attaquée ne repose pas sur des faits matériellement inexacts.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

6. M. B... soutient que son frère est un ressortissant français, qu'il a travaillé en tant qu'intérimaire et est titulaire d'un diplôme de l'école supérieure de Pau et qu'il suit une formation de contrôleur de gestion. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé n'est en France que depuis environ deux ans, qu'il n'est pas marié et n'a pas d'enfant et qu'il ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté du 12 décembre 2022 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, le préfet de Meurthe-et-Moselle n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

8. L'admission exceptionnelle au séjour, prévue par les dispositions précitées ne constitue pas un cas d'attribution de plein droit d'un titre de séjour. Dès lors que M. B... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC01637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01637
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : HAVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;23nc01637 ?
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