Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2021 par lequel le président de la région Grand Est a prononcé sa révocation.
Par un jugement n° 2200158 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le 3 août 2023, Mme B... A..., représentée par Me Athon-Perez, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 24 mai 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 novembre 2021 par lequel le président de la région Grand Est a prononcé sa révocation ;
3°) de mettre à la charge de la région Grand Est une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance ;
4°) de mettre à la charge de la région Grand Est une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant de la régularité du jugement :
- c'est en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative que le tribunal administratif n'a pas communiqué le mémoire que la région Grand Est a produit le 6 mai 2022 ;
s'agissant de la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2021 :
- il repose sur des faits matériellement inexistants :
- contrairement à ce qu'affirme la région Grand Est, elle était régulièrement présente sur son lieu de travail, ne prenait pas des rendez-vous personnels lors de ses heures de travail et ne prenait pas des pauses déjeuners excessivement longues ;
- contrairement à ce qu'affirme la région Grand Est, elle a assuré le management et l'accompagnement de ses collaborateurs ;
- son comportement envers ses collaborateurs a toujours été respectueux et n'a pas été de nature à engendrer un climat délétère au sein du service ;
- son comportement n'a pas été discriminatoire ;
- certains faits qu'elle reconnaît ne peuvent lui être reprochés :
- la falsification de formulaires de remboursement des frais de déplacements et l'utilisation des véhicules de service en dehors des heures prévues est une pratique courante et généralisée au sein des services de la région Grand Est ;
- elle a pu user d'un langage familier mais pas insultant ;
- des faits dont elle ne conteste pas la matérialité ne peuvent être qualifiés de faute :
- il en est ainsi du fait d'avoir utilisé sur une très faible distance une trottinette dans les couloirs du bâtiment ;
- il en est également ainsi de la présence de son chien dans le service le 16 mai 2019 ;
- ses supérieures ont constamment validé ses méthodes de management et fait obstacle à ses demandes de formation sur ce point ;
- elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires ;
- la sanction est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2023, la région Grand Est, représentée par Me Bâtot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors que l'intéressée indique expressément renoncer à ses conclusions de première instance tendant à ce qu'il soit enjoint à la région de la réintégrer ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
- et les observations de Me Achard pour Mme A..., ainsi que celles de Me Bâtot pour la région Grand Est.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., qui a exercé depuis 2002 dans la fonction publique territoriale en qualité d'agent contractuel a été titularisée en 2014 dans le grade d'attaché territorial. Elle était affectée depuis le 1er novembre 2016 au service " Croissance emploi et développement rural de la Champagne-Ardenne " au sein de la direction des fonds européens de la région Grand Est. Par un arrêté du 25 novembre 2021, le président de la région Grand Est a prononcé à son encontre la sanction de la révocation. Par un jugement n° 2200158 du 24 mai 2022 dont Mme A... interjette appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le recours dirigé contre l'arrêté du 25 novembre 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur ou tout mémoire contenant des éléments nouveaux est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. Il ressort des pièces de la procédure devant le tribunal administratif que le mémoire en défense de la région Grand Est a été produit le 6 mai 2022, qu'il a été visé et sommairement analysé sans toutefois être communiqué à Mme A.... Néanmoins, il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que, pour rejeter la requête de Mme A..., le tribunal s'est fondé sur des éléments de fait et de droit qui ont été discutés par les parties devant lui. Il n'est pas établi, ni au demeurant soutenu, que le tribunal se serait ainsi fondé sur des éléments de fait et de droit qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire et que Mme A... n'aurait pas eu la possibilité de discuter. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait entaché son arrêt d'irrégularité, faute d'avoir communiqué ce mémoire en défense de la région Grand Est à Mme A... doit être écarté.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 novembre 2021 :
4. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes du premier alinéa de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : (...) Quatrième groupe : (...) la révocation ".
5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
6. Pour prononcer à l'encontre de Mme A... la sanction de la révocation, le président de la région Grand Est s'est fondé sur les cinq motifs suivants. L'intéressée a manqué, en premier lieu, à ses obligations de service, en ne respectant pas ses horaires de travail, en s'absentant fréquemment de son poste, en ne participant pas à des réunions où sa présence était requise ou en les quittant prématurément, en faisant ainsi preuve délibérément d'un défaut de management. En deuxième lieu, elle a manqué à ses obligations de dignité et de réserve, en adoptant un comportement irrespectueux à l'égard des agents placés sous sa responsabilité en tenant des propos grossiers, insultants ou humiliants, en instaurant un climat de travail délétère, en faisant preuve d'un manque d'exemplarité. En troisième lieu, elle a manqué à son obligation d'obéissance hiérarchique, en utilisant de manière abusive les véhicules de service, en ne respectant pas le protocole sanitaire ou le droit à la déconnexion. En quatrième lieu, elle a manqué à ses obligations de probité, d'intégrité et de moralité, en falsifiant des formulaires de remboursement de frais de déplacement, en utilisant les véhicules de la région à des fins personnelles, en interférant dans l'enquête administrative ouverte sur son comportement et notamment en tentant d'obtenir des témoignages favorables de la part de ses collaborateurs. En cinquième et dernier lieu, elle a manqué à ses obligations de neutralité et de laïcité en tenant des propos racistes ou déplacés à l'égard des femmes enceintes, des mères de famille ou des collaborateurs disposant d'un mandat électif ou syndical.
7. A la suite de plusieurs signalements opérés par des agents placés sous les ordres de Mme A..., la direction des ressources humaines de la région Grand Est a diligenté une enquête administrative dont les conclusions ont fait l'objet d'un compte-rendu écrit le 28 juillet 2021, étayé de près d'une quinzaine de témoignages détaillés et circonstanciés de collaborateurs de Mme A.... Il ressort des pièces du dossier et notamment de ces pièces et documents que l'intéressée ne respectait pas ses horaires de travail, s'absentait fréquemment de son poste, y compris à l'occasion de réunions dont elle était pourtant l'instigatrice. De surcroît, l'administration établit également que l'intéressée n'assurait ni la conduite des opérations, ni la direction des agents qui lui étaient confiés. Il ressort également des pièces du dossier que Mme A... avait affublé nombre de ses collaborateurs de surnoms insultants, vulgaires et mêmes racistes. Elle avait en outre adopté, de manière générale, un comportement irrespectueux en tenant des propos grossiers et humiliants, instaurant par là une ambiance de travail délétère. Par ailleurs, l'appelante reconnaît expressément avoir utilisé des véhicules de service en dehors du cadre prévu à cet effet, et ce notamment pour des déplacements à caractère purement personnel. Plusieurs témoignages concordants établissent que l'appelante s'affranchissait de manière répétée du respect des règles élémentaires de stationnement sur les parkings de l'administration et refusait de revêtir un masque sanitaire durant les périodes où son port était obligatoire. Enfin, l'intéressée reconnaît également avoir falsifié à plusieurs reprises des formulaires de remboursement de frais de déplacement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexacts ni que la sanction de la révocation présente un caractère disproportionné.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête en appel.
Sur les frais d'instance :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand Est, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la région Grand Est, au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la région Grand Est présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la région Grand Est.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Guidi, présidente,
- M. Sibileau, premier conseiller,
- Mme Peton, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2024.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLa présidente,
Signé : L. Guidi
La greffière,
Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
2
N° 22NC02018