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20/06/2024 | FRANCE | N°23NC01165

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 3ème chambre, 20 juin 2024, 23NC01165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.



Par un jugement n° 2203019 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de

Châlo

ns-en-Champagne a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet des Ardennes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière.

Par un jugement n° 2203019 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2023, M. A... B..., représenté par Me Aouidet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203019 du tribunal administratif de

Châlons-en-Champagne du 16 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Ardennes du 2 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil des sommes de 1 500 euros au titre des frais exposés en première instance et de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relatif à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges n'ont pas répondu à son moyen tiré du défaut d'examen et qu'ils ont considéré que l'arrêté contesté était suffisamment motivé ;

- la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- la décision en litige est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- cette décision est également entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que le préfet des Ardennes ne peut être regardé comme ayant renversé la présomption d'authenticité des documents d'état-civil établis à l'étranger instituée à l'article 47 du code civil ;

- il justifie amplement de son identité et de sa nationalité et ne peut avoir procédé, eu égard à son âge lors de son arrivée en France, à des manœuvres frauduleuses ;

- la décision en litige méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant au caractère réel et sérieux du suivi de sa formation et d'une erreur de fait quant à ses liens familiaux dans le pays d'origine ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors que, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Ardennes n'a pas saisi la commission du titre de séjour préalablement à son édiction ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard du pouvoir discrétionnaire du préfet de régularisation à titre exceptionnel ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision en litige est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision portant fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- cette décision a été prise par une autorité incompétente.

La requête a été régulièrement communiquée au préfet des Ardennes, qui n'a pas défendu dans la présente instance.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 avril 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Meisse a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Se déclarant ressortissant ivoirien né le 14 décembre 2004, M. A... B... s'est présenté comme mineur isolé à son arrivée sur le territoire français le 28 février 2020 et a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département des Ardennes par une ordonnance de placement provisoire du 17 juillet 2020 du procureur de la République de Pontoise, confirmée par un jugement en assistance éducative de la juge des enfants du tribunal judiciaire de Charleville-Mézières du 6 octobre 2020. Le 16 septembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 2 décembre 2022, le préfet des Ardennes a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de son éventuelle reconduite d'office à la frontière. M. B... a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 16 mars 2023, qui rejette sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. D'une part, contrairement aux allégations de M. B..., les premiers juges ont répondu, au point 4 de leur jugement, au moyen tiré du défaut d'examen réel et sérieux par le préfet des Ardennes de sa situation personnelle. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que ce jugement serait irrégulier pour ce motif et qu'il devrait, en conséquence, être annulé.

3. D'autre part, si M. B... soutient que les premiers juges ont estimé à tort que l'arrêté en litige du 2 décembre 2022 était suffisamment motivé, un tel moyen, qui ressortit au bien-fondé du jugement contesté, s'avère, en revanche, sans incidence sur sa régularité. Par suite, le moyen contestant la régularité du jugement pour ce motif doit être écarté comme inopérant.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige vise l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. B... ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour sur ces fondements, dès lors que, du fait de la fraude entachant les justificatifs d'état civil produits, il ne démontre pas avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. Cet arrêté comporte, dans ses visas et motifs, l'énoncé des considérations de droit et de fait, qui en constituent le fondement. Il est, de ce fait, suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et il ne peut donc qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne résulte ni des motifs de l'arrêté en litige, ni d'aucune des autres pièces du dossier, que le préfet des Ardennes se serait abstenu de procéder à un examen personnalisé et circonstancié de la situation personnelle de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit également être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes, d'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

8. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l'article L. 421-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'il a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu'en raison de la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

9. Aux termes, d'autre part, de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".

10. Il résulte de ces dispositions de l'article 47 du code civil qu'en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger et pour écarter la présomption d'authenticité dont bénéficie un tel acte, l'autorité administrative procède aux vérifications utiles. Si l'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays, il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve, par tout moyen, du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. En revanche, l'autorité administrative n'est pas tenue de solliciter nécessairement et systématiquement les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont elle dispose sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

11. Pour refuser de délivrer à M. B... une carte de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Ardennes s'est notamment fondé sur un motif tiré de ce que les documents d'état-civil produits par l'intéressé au soutien de sa demande étaient frauduleux et qu'il ne démontrait donc pas avoir été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans.

12. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son identité et de son âge, le requérant a transmis à l'administration une copie intégrale, datée du 19 avril 2021, d'un acte de naissance n° 1375 du 2 juillet 2019, un extrait du registre des actes de naissance pour l'année 2019 et un réquisitoire aux fins de de retranscription du 7 avril 2021, adressé au maire de la commune de Vavoua par le procureur de la République près le tribunal de première instance de Daloa. Il verse également aux débats contentieux devant le tribunal administratif de Nancy une carte d'immatriculation consulaire, valable du 25 août 2021 au 24 août 2024, un récépissé de demande de passeport daté du 25 août 2021, une copie du passeport que l'ambassade de Côte d'Ivoire en France lui a délivré le 24 septembre 2021, ainsi qu'une copie intégrale d'acte de naissance du 27 avril 2020.

13. Pour conclure à l'absence de valeur probante des documents transmis par M. B..., le préfet des Ardennes se prévaut des conclusions défavorables d'un rapport d'examen technique documentaire du 24 août 2022, établi par un analyste en fraude documentaire et à l'identité de la police aux frontières, selon lesquelles les pièces examinées constituent des faux en écriture publique au sens de l'article 441-4 du code pénal. Il résulte plus particulièrement de ce rapport que, alors que l'acte de naissance n° 1375 du 2 juillet 2019 est censé résulter de la transcription d'un jugement supplétif n° 63062 du tribunal de première instance de Daloa du 20 juin 2018, le premier document indique, de façon contradictoire, que cet acte a été établi sur la base d'une déclaration faite par le père du requérant. Ce même document, qui recèle une faute d'orthographe grossière et omet de préciser la région d'appartenance de la commune de Vavoua, ne renseigne pas les rubriques relatives à l'heure d'enregistrement de l'acte de naissance et à l'identité de l'interprète qui en a assuré la traduction. Ces erreurs entachent tant la copie intégrale d'acte de naissance qui a été produite à l'administration que celle qui a été versée au contentieux. Enfin, dans le réquisitoire du procureur de la République, le vocable " transcription " est mal orthographié. En se bornant à faire valoir, sans autre précision, qu'il justifie de son état-civil et que, compte tenu de son âge lors de son arrivée en France, il ne peut être regardé comme s'étant livré à des manœuvres frauduleuses, M. B... ne conteste pas sérieusement l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet des Ardennes en se fondant notamment sur le rapport d'examen technique documentaire du 24 août 2022.

14. Au regard de la nature et de l'importance des anomalies relevées dans ce rapport, propres à renverser la présomption d'authenticité résultant de l'article 47 du code civil, l'autorité préfectorale a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, écarter comme dépourvus de valeur probante les trois documents communiqués par l'intéressé. La même conclusion s'impose pour les autres pièces versées au débat contentieux, qui ont été établies à partir des mentions figurant sur l'acte de naissance n° 1375 du 2 juillet 2019 et qui, en tout état de cause, ne sauraient être assimilés à des documents d'état-civil. Dans ces conditions, et alors au surplus que le jugement supplétif dont cet acte de naissance constitue la transcription n'a pas été porté à la connaissance de l'administration, et n'a pas davantage été produit au contentieux, le préfet a pu en conclure, en l'absence de certitude sur sa date de naissance, que M. B... ne démontrait pas avoir été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans et rejeter en conséquence la demande de titre de séjour présentée par l'intéressé, ce motif suffisant à lui seul à justifier la décision en litige. Par suite, alors même que le requérant remplirait les autres conditions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile concernant notamment le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation et la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; (...) ".

16. Ces dispositions font obligation à l'autorité administrative de saisir la commission du titre de séjour du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions permettant d'obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour et non du cas de tous les étrangers qui sollicitent un tel titre. M. B... ne pouvant prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Ardennes n'était pas tenu de consulter la commission du titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

17. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

18. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est arrivé en France le 28 février 2020 et qu'il a bénéficié d'une prise en charge en qualité de mineur étranger isolé sur la base d'actes d'état civil dont l'authenticité a été remise en cause. Célibataire et sans enfant à charge, il ne justifie pas d'attaches familiales ou même personnelles sur le territoire français. S'il évoque le décès à sa naissance de sa mère, il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vivent notamment son père et sa grand-mère maternelle, qui l'a élevé et avec laquelle il a gardé contact. Le requérant se prévaut de la qualité de son parcours scolaire et, en particulier, de l'obtention, les 12 juillet 2021 et 4 juillet 2022, d'un diplôme d'études en langue française de niveau A2 et d'un certificat d'aptitude professionnelle d'électricien. Il fait valoir que, depuis la rentrée 2021, il est inscrit au lycée Jean-Baptiste Clément de Sedan en vue de l'obtention d'un baccalauréat professionnel dans le domaine de l'électricité. Toutefois, l'implication de l'intéressé dans sa scolarité et ses efforts d'intégration, pour méritoires qu'ils soient, ne suffisent pas à lui conférer un droit au séjour en France. Au regard de l'ensemble des circonstances ainsi rappelées, le refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En sixième et dernier lieu, au regard des circonstances exposées au point précédent, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet des Ardennes, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, aurait commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de son pouvoir discrétionnaire de régularisation à titre exceptionnel. Dès lors, ce dernier moyen ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

20. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour. Au regard des circonstances précédemment rappelées, doivent également être écartés les moyens tirés de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

21. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté en litige a été signé, " pour le préfet et par délégation ", par M. Christian Védélago, secrétaire général de la préfecture. Or, par un arrêté du 7 juillet 2022, régulièrement publié le même jour au recueil n° 61 des actes administratifs de la préfecture, le préfet des Ardennes a consenti à M. C... une délégation de signature à l'effet de signer " les mesures relevant de la réglementation des étrangers en matière de droit au séjour et d'éloignement du territoire, y compris les (...) obligations de quitter le territoire français, la désignation du pays de renvoi (...) ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'autorité signataire de l'acte manque en fait et il doit, dès lors, être écarté.

22. En troisième et dernier lieu, M. B... ne saurait utilement invoquer une méconnaissance de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, pour contester la légalité de la mesure d'éloignement prise à son encontre. En tout état de cause, l'intéressé ne pouvant prétendre à une telle délivrance sur le fondement des dispositions en cause, il n'est pas davantage fondé à soutenir que son droit à bénéficier d'un titre de séjour faisait obstacle à ce que le préfet des Ardennes lui fasse obligation de quitter le territoire français, à supposer même qu'il ait entendu se prévaloir d'une telle erreur de droit. Il suit de là qu'il y a lieu d'écarter ces moyens.

En ce qui concerne la décision portant fixation du pays de destination :

23. Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d'écarter les moyens tirés respectivement de ce que la décision en litige aurait été prise par une autorité incompétente et de ce qu'elle serait illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Ardennes du 2 décembre 2022, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions à fin d'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- M. Meisse, premier conseiller,

- Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : E. Meisse

La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : S. Blaise

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière :

S. Blaise

N° 23NC01165 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01165
Date de la décision : 20/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : AOUIDET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-20;23nc01165 ?
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