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06/06/2024 | FRANCE | N°21NC02546

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 1ère chambre, 06 juin 2024, 21NC02546


Vu la procédure suivante :



Procédure devant la cour :





Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2021 et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 mai 2022 et le 6 septembre 2023, la société Parc éolien des Jonquilles, représentée par Me Gelas, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 23 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Meuse a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour exploiter un parc éolien composé de sept aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le

territoire des communes d'Abainville et de Badonvilliers-Gérauvilliers ;

2°) d'enjoindre à la préfète d...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2021 et des mémoires complémentaires enregistrés le 9 mai 2022 et le 6 septembre 2023, la société Parc éolien des Jonquilles, représentée par Me Gelas, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 23 juillet 2021 par laquelle la préfète de la Meuse a rejeté sa demande d'autorisation environnementale pour exploiter un parc éolien composé de sept aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur le territoire des communes d'Abainville et de Badonvilliers-Gérauvilliers ;

2°) d'enjoindre à la préfète de la Meuse de reprendre l'instruction de sa demande d'autorisation environnementale dans un délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté du 23 juillet 2021 est entaché d'incompétence ;

- la préfète de la Meuse a entaché sa décision d'incompétence négative en s'estimant irrégulièrement liée par l'avis du 7 mai 2021 du ministre des armées ;

- l'arrêté du 23 juillet 2021 est insuffisamment motivé ;

- le ministre des armées a entaché son avis d'une erreur d'appréciation dès lors que le projet ne porte pas atteinte aux conditions d'entrainement et à la sécurités des équipages évoluant au sein d'un couloir du réseau très basse altitude (RTBA), que le projet ne vient que densifier une zone déjà impraticables aux aéronefs militaires, que le couloir aérien dans lequel viennent s'installer les éoliennes du projet n'est pas l'unique point de passage des aéronefs sous le tronçon RTBA et que le projet, qui se situe au-delà de 5 kilomètres du radar des forces armées de Nancy, se trouve en " situation d'intervisibilité multiple " puisqu'il se trouve en intervisibilité avec ce radar et le radar de Saint-Dizier, situé à environ 50 kilomètres.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société Parc éolien des Jonquilles ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 août 2023, la préfète de la Meuse conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Parc éolien des Jonquilles ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'aviation civile ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Kerjean-Gauducheau, pour la société Parc éolien des Jonquilles, et de Mme la commissaire Fourmeaux, pour le ministre des Armées.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien des Jonquilles a sollicité le 8 mars 2021 la délivrance d'une autorisation environnementale en vue de la réalisation d'un parc éolien composé de sept aérogénérateurs et de deux postes de livraison sur les communes d'Abainville et de Badonvilliers-Gérauvilliers. La société pétitionnaire demande l'annulation de l'arrêté du 23 juillet 2021 par lequel la préfète de la Meuse a refusé de délivrer cette autorisation.

Sur la légalité de l'arrêté du 23 juillet 2021 :

2. En premier lieu, M. Christian Robbe-Grillet, secrétaire général de la préfecture de la Meuse a reçu délégation de signature, par arrêté du 22 avril 2021, à l'effet de signer au nom de la préfète de la Meuse tous actes et décisions à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions contestées. Par suite, M. A... était compétent pour signer au nom de la préfète de la Meuse l'arrêté du 23 juillet 2021 rejetant la demande d'autorisation environnementale formée par la société Parc éolien des Jonquilles.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 181-32 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " Lorsque la demande d'autorisation environnementale porte sur un projet d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, le préfet saisit pour avis conforme : / (...) 2° Le ministre chargé de la défense (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile : " A l'extérieur des zones grevées de servitudes de dégagement en application du présent titre, l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne, est soumise à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. (...) ". Aux termes de l'article R. 181-34 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / (...) 2° Lorsque l'avis de l'une des autorités ou de l'un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable ; (...) ".

4. Il résulte des dispositions précitées que l'autorité administrative compétente pour délivrer une autorisation unique doit, lorsque l'installation envisagée est susceptible de constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison de son emplacement et de sa hauteur, saisir le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense et que cette autorité est tenue, à défaut d'accord de l'un des ministres dont l'avis est ainsi requis, de refuser l'autorisation demandée.

5. Par suite, la préfète de la Meuse saisie de la demande de délivrance d'une autorisation environnementale en vue de la réalisation d'un parc éolien composé de sept aérogénérateurs et de deux postes de livraison, était tenue de la refuser au seul motif tiré de l'avis défavorable à ce projet émis le 7 mai 2021 par le directeur de la circulation aérienne militaire. Par conséquent, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la préfète de la Meuse se serait, à tort, crue en situation de compétence liée et aurait ainsi entaché sa décision d'incompétence négative. Il en résulte également que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté de la préfète de la Meuse ne peut qu'être écarté comme inopérant.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le site d'implantation du projet déposé par la société Parc éolien des Jonquilles se situe sous un tronçon du réseau de vol à très basse altitude dénommé LF-R 45 N5.2 destiné à protéger les aéronefs des armées qui évoluent à très grande vitesse et ce par toutes conditions météorologiques sans détecter systématiquement les obstacles ou éoliennes en dessous et à proximité immédiate. La réalisation de ce parc éolien conduirait à la création, dans ce tronçon, d'un " mur d'éoliennes " continu de 34,5 kilomètres de long. Cette contrainte supplémentaire ainsi que son effet cumulé avec les autres parcs réalisés ou autorisés dans les environs constituent un important obstacle de nature à compromettre ou empêcher la navigation en toute sécurité pour les aéronefs volant à vue, qu'ils soient militaires ou civils. Par suite, la société Parc éolien des Jonquilles n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la ministre des armées repose sur des faits matériellement inexistants ou qu'elle ait commis une erreur d'appréciation en s'opposant au projet de parc éolien.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par la société Parc éolien des Jonquilles à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Parc éolien des Jonquilles est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Parc éolien des Jonquilles, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la préfète de la Meuse.

Copie en sera adressée au ministre des Armées.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juin 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC02546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02546
Date de la décision : 06/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LPA-CGR

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-06;21nc02546 ?
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