Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité congolaise et née le 11 mai 1984 à Pointe-Noire (République du Congo) est entrée régulièrement en France le 2 octobre 2017, munie d'un visa long séjour, valable du 29 septembre 2017 au 29 septembre 2018. Un titre de séjour " étudiant " lui a été délivré le 15 novembre 2018. A l'issue de l'année universitaire 2020/2021, elle a obtenu un master en hygiène sécurité et environnement. La préfecture de l'Aube lui a délivré le 18 novembre 2021 un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi / création d'entreprise " valable du 28 mars 2022 au 27 décembre 2022. Elle a obtenu un contrat à durée déterminée du 2 janvier 2023 au 30 septembre 2023 pour occuper les fonctions de chargée de qualité, hygiène, sûreté, environnement mais il a été mis fin à sa période d'essai le 13 janvier 2023. Entre temps, elle a sollicité auprès des services préfectoraux de la Marne un changement de statut le 2 octobre 2022 afin d'obtenir un titre de séjour " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 27 janvier 2023, le préfet de la Marne lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté préfectoral du 27 janvier 2023.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que la requérante est entrée en France régulièrement le 2 octobre 2017 afin de suivre des études. Elle a obtenu, avec succès, à l'issue de l'année universitaire 2020/2021, un Master 2 " en hygiène sécurité et environnement ". Le préfet lui a alors délivré un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi/création d'entreprise " valable du 23 mars 2022 au 27 novembre 2022. Alors que la requérante a été embauchée le 2 janvier 2023 par un institut pour un contrat à durée déterminée pour un poste correspondant à son diplôme, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'attestation du 15 février 2023 de cet institut, que sa période d'essai a été rompue car la requérante s'est trouvée dans l'impossibilité d'obtenir son permis de conduire, faute de disposer dans les délais d'un titre de séjour. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... vit en concubinage avec un ressortissant français, avec lequel elle a conclu un pacte civil de solidarité le 21 septembre 2021. Le couple s'est inscrit dans un protocole de procréation médicalement assistée, des embryons ayant été congelés en décembre 2022. Par ailleurs, le père de la requérante est décédé, sa mère réside en France régulièrement, ses deux demi-frères vivent au Canada, un autre à Dubai, de sorte que la dernière attache qu'elle a dans son pays d'origine se limite à un seul frère. Ainsi, au regard des conditions de séjour en France de Mme B..., laquelle a au demeurant démontré la possibilité de s'insérer professionnellement, la décision de refus de titre de séjour a, dans les circonstances très particulières de l'espèce, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et doit être annulée pour ce motif ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation ci-dessus retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance à Mme B... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Marne de délivrer ce titre à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2300499 du 13 juin 2023 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et l'arrêté du 27 janvier 2023 du préfet de la Marne sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Marne de délivrer à Mme B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant expressément à travailler.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
La rapporteure,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
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N° 23NC02233