Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 16 septembre 2019 par lesquels la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Grand Est l'a placé en congé de maladie ordinaire pour les périodes du 3 octobre 2018 au 7 janvier 2019, du 8 janvier 2019 au 1er avril 2019, du 2 avril 2019 au 17 juin 2019, du 18 juin 2019 au 9 septembre 2019 et du 10 septembre 2019 au 31 décembre 2019.
Par un jugement nos 1908576, 1908577, 1908578, 1908579, 1908580 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Maetz, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 mai 2021 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 16 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la DIRECCTE de reconnaitre l'imputabilité au service des congés pris à compter du 3 octobre 2018 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'il n'avait pas assorti le moyen tiré de l'erreur de droit des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
- ils ont commis une erreur de droit et une erreur de qualification juridique des faits en jugeant qu'il n'était pas fondé à soutenir que les arrêtés contestés étaient entachés d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation ;
- les arrêtés contestés sont illégaux en raison de l'annulation de la décision du
11 juin 2019 le déclarant apte à l'exercice de ses fonctions ;
- ils sont entachés d'une erreur de droit dès lors que l'administration ne pouvait se fonder sur la seule aptitude au service pour requalifier ses arrêts de travail initialement imputables au service en congés pour maladie ordinaire ;
- ils sont entachés d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors que son état de santé est imputable au service ; son aptitude au service et la consolidation de son état de santé sont sans incidence sur son droit d'être maintenu en congé de maladie imputable au service.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2024, la ministre du travail, de la santé et des solidarités conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, alors en vigueur ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Denizot, premier conseiller,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Picoche pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint administratif au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Grand Est, a été victime de trois accidents reconnus imputables au service en 1994, 2008 et 2013. Par un avis rendu le 2 mai 2019, la commission de réforme de l'Etat a estimé que l'état de santé de l'intéressé était consolidé au 3 octobre 2018, qu'il était apte à reprendre ses fonctions et que ses arrêts de travail au-delà du 3 octobre 2018 relevaient du congé de maladie ordinaire. Par un arrêté du 11 juin 2019, la DIRECCTE a, d'une part, décidé que l'intéressé était apte à reprendre ses fonctions, d'autre part, fixé la date de consolidation au 3 octobre 2018 et, enfin, requalifié les arrêts de travail de l'intéressé en congé de maladie ordinaire à compter de la date de consolidation. Par cinq arrêtés du 16 septembre 2019, la DIRECCTE, d'une part, a retiré les arrêtés du 5 novembre 2018 et des 4 février et 5 avril 2019 plaçant M. A... en congé de maladie imputable au service et, d'autre part, l'a placé en congé de maladie ordinaire pour la période du 3 octobre 2018 au 31 décembre 2019. Par un jugement n° 1905883 du 20 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 11 juin 2019 en tant qu'il déclarait M. A... apte à l'exercice de ses fonctions. M. A... fait appel du jugement nos 1908576, 1908577, 1908578, 1908579, 1908580 du 20 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 16 septembre 2019.
Sur la légalité des arrêtés contestés :
2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique d'Etat, alors applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions, prévus en application de l'article 35. / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident ; (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Un agent victime d'un tel accident a le droit d'être maintenu en congé de maladie, avec bénéfice de son plein traitement, sans autre limitation que celle tenant à sa mise à la retraite ou au rétablissement de son aptitude au service. Le droit au maintien de ce régime est néanmoins soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service demeure en lien direct et essentiel, mais non nécessairement exclusif avec l'accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions. Par ailleurs, la consolidation de l'état de santé de l'agent ne saurait suffire à faire obstacle à la poursuite de la prise en charge des honoraires médicaux et frais directement entraînés par l'accident de service.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié, au titre de la période du
3 octobre 2018 au 31 décembre 2019, du congé spécial de maladie ordinaire avec bénéfice de son plein traitement, prévu par les dispositions précitées du 2° de l'article 34 de la loi du
11 janvier 1984. Par les arrêtés en litige, la DIRECCTE a, suivant l'avis émis par la commission de réforme le 2 mai 2019, mis un terme au bénéfice de ce régime à compter du 3 octobre 2018, au motif que les arrêts de travail de l'agent relevaient alors de la maladie ordinaire. Il ressort des termes du rapport d'expertise établi le 23 juin 2017 par le docteur B... que M. A... présente " un syndrome dépressif (...) en relation directe et déterminante avec l'accident du 19/07/1994, tout comme le syndrome de stress post-traumatique ". Cette appréciation médicale est corroborée par le certificat d'un médecin psychiatre du 18 novembre 2019 ainsi que par la contre-expertise réalisée le 6 décembre 2019 par le docteur C... qui, après avoir rappelé la réalisation d'une expertise en 2012 " en raison d'un état de stress post-traumatique sévère " consécutif à l'accident de travail de 1994, a constaté chez l'intéressé " un état psychopathologique sévère en rapport avec un accident de travail ". Par ailleurs, aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'existence d'un état psychiatrique antérieur à l'accident de service de 1994. Dans ces conditions, et alors que la consolidation d'un état de santé ne fait nullement obstacle à la reconnaissance qu'une pathologie soit imputable au service, il ressort des pièces du dossier que l'état de stress post-traumatique et le syndrome dépressif dont souffre M. A... sont en lien direct avec l'accident de service du 19 juillet 1994.
5. Par suite, en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des arrêts de travail dont M. A... a bénéficié entre le 3 octobre 2018 et le 31 décembre 2019, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est a, dans ses arrêtés du 16 septembre 2019, fait une inexacte application des dispositions précitées.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.
Sur l'injonction :
7. D'une part, il résulte de l'instruction que trois arrêtés du 16 septembre 2019 ont procédé au retrait des arrêtés des 5 novembre 2018, 4 février 2019 et 5 avril 2019 par lesquels la DIRECCTE avait fait bénéficier M. A... des dispositions du deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 et d'un congé à ce titre, au titre de la période globale du 1er octobre 2018 au 17 juin 2019. Dans la mesure où l'annulation pour excès de pouvoir d'une décision de retrait fait nécessairement revivre la décision initiale, il n'y a pas lieu d'enjoindre, au titre de la période du 3 octobre 2018 au 17 juin 2019, à ce que la DIRECCTE fasse bénéficier M. A... du congé spécial prévu par le deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du
11 janvier 1984.
8. D'autre part, par deux arrêtés du 16 septembre 2019, la DIRRECTE a uniquement prolongé le congé de maladie ordinaire de M. A... au titre de la période globale du
18 juin au 31 décembre 2019. Par suite, compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint à la DIRECCTE de faire bénéficier à M. A... du congé prévu au deuxième alinéa du 2° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 pour la période considérée, et de régulariser sa situation administrative en conséquence, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais du litige :
9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 1908576, 1908577, 1908578, 1908579, 1908580 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 mai 2021 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés du 16 septembre 2019 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint à la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Grand Est de placer M. A... en congé de maladie imputable au service au titre de la période du 18 juin 2018 au 31 décembre 2019 et de régulariser sa situation administrative en conséquence, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Délibéré après l'audience du 7 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mai 2024.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : F. Dupuy
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
F. Dupuy
N° 21NC02132 2