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11/04/2024 | FRANCE | N°23NC03773

France | France, Cour administrative d'appel de NANCY, 2ème chambre, 11 avril 2024, 23NC03773


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Le Port autonome de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 25 novembre 2021 par laquelle le collège territorial de second examen de l'interrégion Est a pris position en faveur de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des redevances versées en contrepartie de l'occupation privative du domaine public fluvial.



Par un jugement n°2203674 du 6 novembre 2023, le tribunal admi

nistratif de Strasbourg a annulé la délibération du 25 novembre 2021 du collège territorial de s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Port autonome de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 25 novembre 2021 par laquelle le collège territorial de second examen de l'interrégion Est a pris position en faveur de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des redevances versées en contrepartie de l'occupation privative du domaine public fluvial.

Par un jugement n°2203674 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 25 novembre 2021 du collège territorial de second examen et a enjoint au directeur des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin de délivrer le rescrit sollicité en vue du non-assujettissement des redevances litigieuses dans un délai de deux mois sous réserve de tout changement dans les circonstances de droit ou de fait, a mis à la charge de l'État une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés sous le n° 23NC03773 respectivement le 21 décembre 2023 et le 19 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour, sur le fondement de l'article R.811-15 du code de justice administrative, de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2023.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé que la prise de position de l'administration qui a admis l'assujettissement des redevances perçues par le Port autonome de Strasbourg en contrepartie de l'occupation privative du domaine public fluvial était entachée d'erreur de droit ; en effet, la mise à disposition à des particuliers d'emplacements de stationnement situés sur le domaine public fluvial aménagés et dotés des installations techniques permettant aux péniches ou bateaux-logements de se raccorder aux réseaux collectifs d'eau potable, d'assainissement, d'électricité et de téléphone constitue une prestation de service portuaire assujettie de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du 2ème alinéa de l'article 256 B du CGI ; à titre subsidiaire, à supposer que l' opération litigieuse ne soit pas composée de prestations de services portuaires au sens de cet article, notamment en ce qui concerne l'occupation du domaine public, et que la redevance d'occupation y afférente ne soit pas dès lors assujettie à la TVA, c'est à tort, en tout état de cause, que le tribunal a estimé que les deux éléments susmentionnés relatifs d'une part au stationnement des péniches et d'autre part au raccordement aux réseaux constituent des éléments d'une opération complexe unique au regard des principes issus de la jurisprudence de la CJUE et repris notamment à l'article 257 ter du CGI ; en particulier, c'est à tort que le tribunal a estimé que la prestation de raccordement aux réseaux publics rendue par le Port autonome de Strasbourg est une prestation accessoire à la prestation de mise à disposition à titre privatif du domaine public fluvial, et doit suivre en conséquence le même régime fiscal que cette prestation principale, ce qui impliquerait le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de la redevance complémentaire d'équipements y afférente en vertu du 1er alinéa de l'article 256 B du CGI ;

- les conclusions à fin d'annulation de la délibération du collège de second examen, présentées en première instance, étaient irrecevables, dès lors que cette délibération n'est qu'un avis sans caractère décisoire ; en vertu notamment de l'article R. 80 CB-4 du livre des procédures fiscales, doit être notifiée au contribuable une nouvelle réponse conforme à la délibération du collège ; en l'occurrence, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, c'est la décision du 31 mars 2022 qui aurait dû faire l'objet du recours pour excès de pouvoir et non pas l'avis rendu par le collège.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 27 mars 2024, le Port autonome de Strasbourg, représenté par Me. Schmitt, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'État sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le ministre ne fait valoir aucun moyen sérieux à l'appui de sa requête ;

- la prestation de raccordement aux réseaux publics constitue une prestation accessoire à la prestation de mise à disposition à titre privatif du domaine public fluvial ; par conséquent, les redevances afférentes tant au stationnement des bateaux-logements qu'au raccordement aux réseaux collectifs ne sauraient être soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- le ministre n'établit pas que les prestations en cause constitueraient des prestations de services portuaires assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée, en vertu du premier paragraphe de l'article 13 de la directive 2006/112 du 26 novembre 2006 et du 2ème alinéa de l'article 256 B du CGI.

Vu :

- la requête n°23NC03772, enregistrée au greffe de la cour le 21 décembre 2023, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a demandé l'annulation du même jugement ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système de la taxe sur la valeur ajoutée

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Martinez, président de chambre.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fins de sursis à exécution :

1. Le Port autonome de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 25 novembre 2021 par laquelle le collège territorial de second examen de l'interrégion Est, a, dans le cadre de la procédure de rescrit prévue au 1° de l'article L. 80-B du livre des procédures fiscales, pris position en faveur de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des redevances versées en contrepartie de l'occupation privative du domaine public fluvial. Par un jugement du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette délibération et a enjoint au directeur des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin de délivrer le rescrit sollicité en vue du non-assujettissement des redevances litigieuses. Par la requête n° 23NC03773 visée ci-dessus, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-25 du code de justice administrative : " Les affaires sont jugées soit par une chambre siégeant en formation de jugement, soit par une formation de chambres réunies, soit par la cour administrative d'appel en formation plénière, qui délibèrent en nombre impair. / Par dérogation à l'alinéa précédent, le président de la cour ou le président de chambre statue en audience publique et sans conclusions du rapporteur public sur les demandes de sursis à exécution mentionnées aux articles R. 811-15 à R. 811-17 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ". En application de ces dispositions, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et par le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun des moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou à confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.

4. Le ministre soutient, à l'appui de sa demande de sursis à exécution, d'une part, que les conclusions à fin d'annulation de la délibération du collège de second examen, présentées en première instance, étaient irrecevables, dès lors que cette délibération n'est qu'un avis sans caractère décisoire, en vertu notamment de l'article R. 80 CB-4 du livre des procédures fiscales. Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est donc, selon le ministre, irrégulier en ce qu'il a admis la recevabilité du recours pour excès de pouvoir dirigée contre cet avis alors que le requérant aurait dû diriger son action contre la décision du 31 mars 2022 prise conformément à cet avis. Le ministre soutient, d'autre part, que c'est à tort que le tribunal a jugé que la prise de position de l'administration qui a admis l'assujettissement des redevances perçues par le Port autonome de Strasbourg en contrepartie de l'occupation privative du domaine public fluvial était entachée d'erreur de droit. Il fait valoir à cet effet que la mise à disposition à des particuliers d'emplacements de stationnement situés sur le domaine public fluvial aménagés et dotés des installations techniques permettant aux péniches ou bateaux-logements de se raccorder aux réseaux collectifs d'eau potable, d'assainissement, d'électricité et de téléphone constitue une prestation de service portuaire assujettie de plein droit à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du 2ème alinéa de l'article 256 B du CGI. Le ministre soutient, à titre subsidiaire, qu'à supposer que l'opération en cause ne soit pas composée de prestations de services portuaires au sens de cet article et que la redevance d'occupation du domaine public ne soit pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, c'est à tort, en tout état de cause, que le tribunal a estimé que les deux éléments susmentionnés relatifs d'une part au stationnement des péniches et d'autre part au raccordement aux réseaux constituent des éléments d'une opération complexe unique au regard des principes issus de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et repris notamment à l'article 257 ter du CGI. Le ministre soutient ainsi que c'est à tort que le tribunal a estimé que la prestation de raccordement aux réseaux publics rendue par le Port autonome de Strasbourg est une prestation accessoire à la prestation de mise à disposition à titre privatif du domaine public fluvial et doit suivre en conséquence le même régime fiscal que la prestation principale, c'est-à-dire le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du 1er alinéa de l'article 256 B du CGI.

5. En l'état de l'instruction, aucun des moyens invoqués par l'appelant ne paraît de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué ainsi que le rejet du recours en excès de pouvoir accueilli par ce jugement.

Sur les frais de l'instance :

6. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, dans la présente instance, de faire droit aux conclusions du Port autonome de Strasbourg présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique tendant à surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 novembre 2023 est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le Port autonome de Strasbourg sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au Port autonome de Strasbourg.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de la région Grand Est et du département du Bas-Rhin.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.

Le premier vice-président de la cour,

président de la 2ème chambre,

Signé : J. Martinez

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

No 23NC03773


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC03773
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. José MARTINEZ
Avocat(s) : SCHMITT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;23nc03773 ?
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