Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 4 août 2022, par lequel le préfet du Territoire de Belfort a rejeté sa demande de renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.
Par un jugement n° 2201507 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Woldanski, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Territoire de Belfort du 4 août 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Territoire de Belfort de lui délivrer un titre de séjour temporaire.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juillet 2023, le préfet du Territoire de Belfort conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.
M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience publique.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bourguet-Chassagnon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant mauritanien, né le 28 février 1985, entré sur le territoire français le 10 novembre 2018, a séjourné régulièrement en France sous couvert de cartes de séjour temporaire qui lui ont été délivrées pour motifs de santé, valables pour la période allant du 10 février 2020 au 9 février 2022. Le 24 janvier 2022, l'intéressé a demandé au préfet du Territoire de Belfort le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 4 août 2022, le préfet du Territoire de Belfort a refusé de lui accorder le renouvellement du titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement du 1er décembre 2022, dont M. A... B... relève appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
4. Le préfet du Territoire de Belfort a estimé, au vu notamment de l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 31 mai 2022, que si l'état de santé de M. A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Mauritanie, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays et qu'il peut voyager à destination de la Mauritanie sans risque. M. A... B... produit au dossier plusieurs certificats médicaux établis en 2019 et en 2022 par des praticiens hospitaliers et son médecin généraliste, qui décrivent la pathologie dont il est atteint, à savoir une hémiplégie du côté gauche sévère résultant d'une malformation artérioveineuse, inopérable au plan chirurgical en raison de sa localisation. Ces pièces médicales font état de la nécessité d'un traitement médicamenteux correspondant à l'administration d'un antiépileptique (Dépakine), d'un anxiolytique (Bromazepan) et à des injonctions de toxine botulique dans les muscles, et précisent que le patient bénéficie de soins de kinésithérapie, de soins de réadaptation en centre spécialisé deux fois par an et d'un suivi médical régulier. Ni ces certificats médicaux qui se bornent à conclure à la nécessité de poursuivre les soins en France ni ceux, très peu circonstanciés, établis par des médecins mauritaniens les 6 octobre 2022 et 3 novembre suivant ne suffisent à remettre en cause la teneur de l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration du 31 mai 2022. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que l'examen par IRM, recommandé pour le mois de mars 2024 par le praticien du CHRU de Besançon dans son compte-rendu du 14 novembre 2019, ne pourrait pas être effectué en Mauritanie, à supposer qu'il n'ait pas été réalisé avant l'exécution de la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de M. A... B.... Par ailleurs, le préfet produit en défense la liste des produits remboursables dans ce pays, établie par le ministère de la santé de la république islamique de Mauritanie dont il ressort que la Dépakine et le Bromazepan y figurent et que des médicaments myorelaxants, en remplacement des injections de toxine botulique, y sont disponibles. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de renouveler le titre de séjour en qualité d'étranger malade dont il bénéficiait jusqu'alors, le préfet du Territoire de Belfort aurait fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du Mauritanie, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Le moyen tiré d'une atteinte au droit à la vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant pour contester le refus de renouveler un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sauf dans l'hypothèse où le préfet examine d'office si l'étranger est susceptible de se voir délivrer un titre sur un autre fondement. En l'espèce, pour refuser de renouveler le titre de séjour précédemment accordé à M. A... B..., le préfet n'a pas examiné d'office s'il pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement ou si sa décision était susceptible de porter atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au soutien de ses conclusions à fin d'annulation du refus de titre de séjour en litige.
7. M. A... B... fait valoir qu'il séjourne régulièrement en France depuis le 10 novembre 2018 et qu'il y est bien inséré. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, l'intéressé, dont le séjour n'a été autorisé que pour la durée des soins nécessités par son état de santé, est célibataire, sans charges de famille en France et ne soutient pas être dépourvu d'attaches familiales dans le pays dont il a la nationalité, la Mauritanie, où il a vécu jusqu'à l'âge de 33 ans. Ainsi, la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut être regardée comme portant une atteinte disproportionnée au droit de M. A... B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le préfet du Territoire de Belfort n'a, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en refusant à M. A... B... le renouvellement de son titre de séjour.
8. En troisième lieu, pour les motifs évoqués aux points 4 et 7 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Territoire de Belfort aurait, en rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour que lui avait présentée M. A... B..., entaché d'une erreur manifeste son appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
9. En dernier lieu, pour les motifs précédemment exposés, le refus de délivrance d'un titre de séjour opposé à M. A... B... n'est pas entaché d'illégalité. Par suite, l'exception d'illégalité du refus de titre invoquée à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écartée.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, la requête de l'intéressé doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet du Territoire de Belfort.
Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Kohler, présidente,
- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 février 2024.
La rapporteure,
Signé : M. Bourguet-ChassagnonLa présidente,
Signé : J. Kohler
La greffière,
Signé : A. Heim
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
A. Heim
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N° 23NC01700