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29/02/2024 | FRANCE | N°23NC01390

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 29 février 2024, 23NC01390


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme H... D... née A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.



Par un jugement n° 2207272 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.


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Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme D..., représentée par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme H... D... née A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 11 août 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui renouveler un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Par un jugement n° 2207272 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 mai 2023, Mme D..., représentée par Me Andreini, demande à la cour :

1°) avant dire droit, de surseoir à statuer dans l'attente des avis rendus par le Conseil d'Etat sur les questions posées par le tribunal administratif de Nancy et le tribunal administratif de Lyon, et de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'avis, en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, sur la question de savoir si l'étranger admis au séjour en raison de son état de santé bénéficie d'une présomption d'indisponibilité des soins dans son pays d'origine lorsque le collège des médecins de l'OFII, après avoir estimé que les soins n'étaient pas disponibles, émet par la suite un avis défavorable au motif qu'il ne pourrait disposer d'un traitement dans son pays d'origine ; d'enjoindre à l'administration de communiquer les éléments sur lesquels s'est basé le collège des médecins pour estimer que Mme D... ne peut être traitée et prise en charge médicalement dans son pays d'origine, dont la fiche MedCOI ;

2°) d'annuler le jugement n° 2207272 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 janvier 2023 ;

3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 août 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

4°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cet intervalle une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini, avocate de MM. D..., de la somme de 1 500 euros HT au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la régularité du jugement :

- les premiers juges ont méconnu le principe du contradictoire et l'égalité des armes protégés par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la jurisprudence du conseil constitutionnel et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction afin que l'administration verse au contradictoire le dossier médical du jeune G..., ainsi que les documents sur lesquels le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a fondé son avis ;

S'agissant de la décision refusant de renouveler un titre de séjour :

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;

- en méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la procédure est irrégulière en l'absence de preuve du caractère collégial de l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- il y a lieu de surseoir à statuer dans l'attente des avis rendus par le Conseil d'Etat sur les questions posées par le tribunal administratif de Nancy et le tribunal administratif de Lyon relatives au caractère collégial du collège des médecins de l'OFII ;

- la préfète s'est estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- il incombe à la préfète d'apporter la preuve de la disponibilité du traitement au Kosovo ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète a commis une erreur de droit concernant la disponibilité du traitement de sa pathologie dans son pays d'origine ;

- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- en méconnaissance du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne pouvait, en raison de son état de santé, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2024, présenté pour la préfète du Bas-Rhin, n'a pas été communiqué.

Mme D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport B... Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. M. I... D... et son épouse Mme D..., ressortissants kosovars, nés respectivement les 16 octobre 1962 et 12 janvier 1966, sont entrés irrégulièrement en France le 17 octobre 2016 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 11 août 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 novembre 2017. Le 30 novembre 2017, Mme D... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 22 janvier 2018 au 21 janvier 2019. M. I... D..., en qualité de membre de famille d'un étranger admis au séjour pour raison de santé a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour à compter du 26 septembre 2018, régulièrement renouvelées. Par la suite, Mme D... s'est vue délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable du 14 juin 2019 au 13 juin 2021 en raison de son état de santé. Parallèlement, M. F... D..., né le 30 octobre 1996, fils B... et Mme D... est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er août 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 30 avril 2018, puis par la CNDA le 21 décembre 2018. M. F... D... s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour à compter du 26 septembre 2018, régulièrement renouvelées, en qualité de membre de famille d'un étranger admis au séjour pour raison de santé. Le 31 mai 2021, Mme D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son état de santé. Le même jour, MM. D... ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. Par un arrêté du 11 août 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler un titre de séjour à Mme D..., l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le même jour, MM. D... ont fait l'objet de mêmes arrêtés de la préfète du Bas-Rhin. Mme D... relève appel du jugement n° 2207272 du 5 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté pris à son encontre.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 111-3 du code de justice administrative et tendant au sursis à statuer :

3. Aux termes de l'article L. 111-3 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'État, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'État ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

4. D'une part, la faculté de transmettre le dossier au Conseil d'Etat pour avis prévue par les dispositions précitées constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de Mme E... tendant à ce que la cour saisisse le Conseil d'Etat d'une demande d'avis sur une question de droit ne peuvent qu'être rejetées. D'autre part, par un avis contentieux du 25 mai 2023, le Conseil d'Etat a répondu aux questions posées par les jugements des 10 février et 17 février 2023 des tribunaux administratifs de Nancy et de Lyon concernant le caractère collégial des avis rendus par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Par suite, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'avis contentieux du Conseil d'Etat.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ". L'article L. 425-9 du même code dispose : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / (...) " Selon l'article R. 425-11 de ce code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. " Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) ". L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".

6. En vertu des dispositions précitées, le collège des médecins de l'OFII, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de l'autorisation provisoire de séjour prévue à l'article L. 425-10, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du

27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'OFII. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé de l'enfant du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'OFII. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui concernent son enfant mineur, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'OFII, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

7. Par suite, les premiers juges, qui se sont estimés suffisamment éclairés par les pièces déjà versées au dossier, pouvaient ne pas demander la communication de l'entier dossier médical au vu duquel le collège des médecins a émis l'avis du 29 juillet 2021 ou les sources documentaires utilisées par le collège pour apprécier notamment la disponibilité effective d'un traitement au Kosovo. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'en ne faisant pas usage de leurs pouvoirs d'instruction, les premiers juges ont méconnu les principes du contradictoire, de l'égalité des armes et porté atteinte au droit à un procès équitable.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier.

Sur la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour :

9. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision contestée que la préfète du Bas-Rhin n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée.

10. En deuxième lieu, les dispositions des articles L. 425-9, L. 425-10, R. 425-11 et R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de l'arrêté du 27 décembre 2016 ont modifié l'état du droit antérieur pour instituer une procédure particulière aux termes de laquelle le préfet statue sur la demande de titre de séjour présentée par l'étranger malade au vu de l'avis rendu par trois médecins du service médical de l'OFII, qui se prononcent en répondant par l'affirmative ou par la négative aux questions figurant à l'article 6 précité de l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu d'un rapport médical relatif à l'état de santé du demandeur établi par un autre médecin de l'Office, lequel peut le convoquer pour l'examiner et faire procéder aux examens estimés nécessaires. Cet avis commun, rendu par trois médecins et non plus un seul, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance que, dans certains cas, ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. Par suite, la circonstance alléguée que les trois médecins ayant signé numériquement l'avis de l'OFII du 29 juillet 2021 n'exerceraient pas au même endroit est sans incidence sur la légalité de la décision du 11 août 2022 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler un titre de séjour à Mme D....

11. En troisième lieu, il ressort expressément des termes de la décision contestée que la préfète du Bas-Rhin, qui a indiqué avoir procédé à un examen attentif de la situation de Mme D... au regard de son état de santé, ne s'est pas estimée liée par l'avis du 29 juillet 2021 du collège des médecins de l'OFII. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

13. Pour refuser de renouveler un titre de séjour à Mme D... en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin s'est fondé sur l'avis du 29 juillet 2021 du collège de médecins du service médical de l'OFII qui a estimé que l'état de santé de Mme D... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, elle pouvait voyager sans risque.

14. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., qui bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés pour un taux d'invalidité supérieur à 80 % et d'une carte de mobilité inclusion, est affectée de nombreuses pathologies, principalement d'une insuffisance rénale terminale, qui est traitée par hémodialyse, de pathologies cardiovasculaires et d'une contamination par le virus de l'hépatite C. D'une part, il ne ressort aucunement des pièces du dossier que l'état de santé de Mme D... nécessiterait, à brève échéance, une transplantation rénale ou que cette intervention chirurgicale pourrait être réalisée. A ce titre, le certificat médical du 24 août 2022 dont se prévaut Mme D... indique " qu'il est permis d'envisager une greffe rénale (...) sous réserve de la qualité de l'état vasculaire ". D'autre part, si Mme D... se prévaut de nombreux certificats retraçant ses antécédents médicaux et la nécessité d'une prise en charge en médicale, de tels documents sont néanmoins insuffisants pour remettre en cause le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII sur la possibilité pour l'intéressée de bénéficier de soins de ses pathologies au Kosovo. A ce titre, Mme D... a bénéficié, au Kosovo, à compter de l'année 2008 d'hémodialyses afin de traiter son insuffisance rénale. Enfin, les éléments généraux contenus dans les rapports de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) des 1er septembre 2010, 10 décembre 2013 et 6 mars 2017, lesquels au demeurant n'indiquent pas que les hémodialyses sont inaccessibles au Kosovo ne suffisent pas à établir que Mme D... ne pourrait, à titre personnel, bénéficier de traitements appropriés de ses pathologies dans son pays d'origine. Par suite, en dépit de la circonstance que Mme D... a séjourné régulièrement en France en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de renouveler à Mme D... le titre de séjour qu'elle sollicitait sur le fondement de ces dispositions.

15. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est entrée en France, en octobre 2016, accompagnée de son époux, et a été rejoint par son fils majeur, au cours de l'année 2017. Ainsi qu'il a été dit dans l'arrêt nos 23NC01389, 23NC01390 rendu le même jour, son fils et son époux ne séjournent plus régulièrement sur le territoire français. Ainsi, l'ensemble de la famille D... fait l'objet de mesures d'éloignement et a donc vocation à reconstituer leur cellule familiale en dehors du territoire français. Si Mme D... peut justifier d'une durée de présence en France supérieure à cinq années à la date de la décision contestée, elle n'établit cependant pas être dépourvue de toute attache dans son pays d'origine et ne justifie pas, par ailleurs, d'autres liens familiaux ou privés qui seraient intenses et stables sur le territoire français. Dans ces conditions, la décision refusant de lui renouveler un titre de séjour, au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas porté au droit de Mme D... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été exposé précédemment qu'il n'est pas établi que la décision de refus de séjour serait illégale. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision refusant portant obligation de quitter le territoire français.

18. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment au point 14 du présent arrêt, il ne ressort pas des pièces du dossier que la Mme D... ne pouvait, en application du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en raison de son état de santé.

Sur la décision fixant le pays de destination :

19. Il résulte de ce qui a été dit aux points 17 et 18 qu'il n'est pas établi que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale. Par suite, Mme D... n'est pas fondée à en exciper l'illégalité à l'encontre de la décision refusant fixant le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H... D... née A..., à Me Andreini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : A. Heim

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Heim

2

N° 23NC01390


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01390
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23nc01390 ?
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