La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/02/2024 | FRANCE | N°23NC01388

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 29 février 2024, 23NC01388


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



M. E... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 11 août 2022 par lesquel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés



Par un jugement nos 2207271, 2207273 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejet

leurs demandes.



Procédures devant la cour :



I. Par une requête enregistrée le 4 m...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. E... C... et M. D... C... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 11 août 2022 par lesquel la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés

Par un jugement nos 2207271, 2207273 du 5 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 4 mai 2023 sous le n° 23NC01388, M. E... C..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207271 du tribunal administratif de Strasbourg du 5 janvier 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 août 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cet intervalle une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini, avocate de MM. C..., de la somme de 1 500 euros HT au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision refusant de renouveler un titre de séjour :

- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;

- en méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Une mise en demeure a été adressée le 8 janvier 2024 à la préfète du Bas-Rhin.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

15 juin 2023.

II. Par une requête enregistrée le 4 mai 2023 sous le n° 23NC01389, M. D... C..., représenté par Me Andreini, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2207273 du tribunal administratif de Strasbourg du

5 janvier 2023 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 août 2022 pris à son encontre par la préfète du Bas-Rhin ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cet intervalle une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Andreini, avocate de MM. C..., de la somme de 1 500 euros HT au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, à titre subsidiaire, en cas de rejet de sa demande d'aide juridictionnelle 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soulève les mêmes moyens que son père dans la requête n° 23NC01388.

Une mise en demeure a été adressée le 8 janvier 2024 à la préfète du Bas-Rhin.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du

15 juin 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport B... Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... C... et son épouse Mme C... née A..., ressortissants kosovars, nés respectivement les 16 octobre 1962 et 12 janvier 1966, sont entrés irrégulièrement en France le

17 octobre 2016 en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 11 août 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 9 novembre 2017. Le 30 novembre 2017, Mme C... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire valable du 22 janvier 2018 au 21 janvier 2019. M. E... C..., en qualité de membre de famille d'un étranger admis au séjour pour raison de santé a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour à compter du 26 septembre 2018, régulièrement renouvelées. Par la suite, Mme C... s'est vue délivrer une carte de séjour pluriannuelle valable du 14 juin 2019 au 13 juin 2021 en raison de son état de santé. Parallèlement, M. D... C..., né le 30 octobre 1996, fils B... et Mme C... est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er août 2017. Sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA le 30 avril 2018, puis par la CNDA le 21 décembre 2018. M. D... C... s'est vu délivrer des autorisations provisoires de séjour à compter du 26 septembre 2018, régulièrement renouvelées, en qualité de membre de famille d'un étranger admis au séjour pour raison de santé. Le 31 mai 2021, Mme C... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de son état de santé. Le même jour, MM. C... ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

2. Par des arrêtés du 11 août 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de renouveler un titre de séjour à MM. C..., les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le même jour, Mme C... a fait l'objet d'un même arrêté de la préfète du

Bas-Rhin. Par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre, MM. C... relèvent appel du jugement nos 2207271, 2207273 du 5 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

Sur les décisions de refus de renouvellement de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, M. E... C..., est entré en France, en octobre 2016, accompagné de son épouse, et a été rejoint par son fils majeur, au cours de l'année 2017. Ainsi qu'il a été dit dans l'arrêt n° 23NC01388 rendu le même jour, Mme C... ne séjourne plus régulièrement sur le territoire français. Ainsi, l'ensemble de la famille C... fait l'objet de mesures d'éloignement et a donc vocation à reconstituer la cellule familiale en dehors du territoire français. Si MM C... peuvent justifier d'une durée de présence en France supérieure à cinq années à la date des décisions contestées et, s'agissant B... E... C..., d'une intégration professionnelle certaine, ils n'établissent cependant pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine et ne justifient pas, par ailleurs, d'autres liens familiaux ou privés qui seraient intenses et stables sur le territoire français. Dans ces conditions, les décisions refusant renouveler un titre de séjour n'ont pas porté au droit de MM. C... au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces décisions ont été prises. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".

6. D'une part, en se prévalant uniquement de sa durée de présence sur le territoire français, M. D... C..., qui ne justifie d'aucune intégration professionnelle particulière ou que sa présence serait absolument nécessaire auprès de sa mère, ne peut pas être regardé comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1.

7. D'autre part, si M. E... C..., qui réside en France depuis près de six années à la date de la décision contestée, peut se prévaloir d'avoir exercé, à temps partiel, un total inférieur à deux mois, les fonctions d'agent d'entretien au titre des années 2019 à 2021, puis à compter du

1er janvier 2022, d'un contrat à durée indéterminée pour exercer les mêmes fonctions à temps partiel, cette circonstance ne saurait suffire à justifier l'existence de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1.

8. Par suite, il ne ressort pas des pièces des dossiers que la préfète du Bas-Rhin aurait entaché ses décisions de refus de renouvellement de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas, à titre exceptionnel, la situation administrative des intéressés.

Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit précédemment qu'il n'est pas établi que les décisions refusant de renouveler un titre de séjour seraient illégales. Par suite, MM. C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions portant obligation de quitter le territoire français seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions de refus de renouvellement de titre de séjour, ni, partant, que les décisions fixant le pays de destination seraient illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que MM. C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, les conclusions des requêtes à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de MM. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C..., à M. D... C..., à Me Andreini et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : A. Heim

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Heim

2

Nos 23NC01388, 23NC01389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01388
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : ELEOS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23nc01388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award