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29/02/2024 | FRANCE | N°23NC01335

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 29 février 2024, 23NC01335


Vu les procédures suivantes :



Procédures contentieuses antérieures :



M. C... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 9 mai 2022 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.



Par un jugement nos 2203483, 2203484 du 20 juillet 2022, la vice-présidente désignée par le président...

Vu les procédures suivantes :

Procédures contentieuses antérieures :

M. C... A... et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 9 mai 2022 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année.

Par un jugement nos 2203483, 2203484 du 20 juillet 2022, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 29 avril 2023 sous le n° 23NC01335, Mme A..., représentée par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203484 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juillet 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 mai 2022 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Elle soutient que :

- l'arrêté préfectoral n'est pas suffisamment motivé ;

- en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle risque d'être soumise à de la maltraitance en cas de retour en Macédoine ; les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvois sont illégales ;

- en méconnaissance des dispositions des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'état de santé de son enfant est grave et un retour dans son pays d'origine mettrait en jeu son pronostic vital.

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 29 avril 2023 sous le n° 23NC01336, M. A..., représenté par Me Roussel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203483 du tribunal administratif de Strasbourg du 20 juillet 2022 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 9 mai 2022 pris à son encontre par le préfet du Haut-Rhin ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour.

Il soulève les mêmes moyens que son épouse dans la requête n° 23NC01335.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mars 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... née B..., ressortissante macédonienne née le 15 octobre 1990, et

M. A..., ressortissant macédonien né le 9 novembre 1981, sont entrés régulièrement en France le 24 août 1981, accompagnés de leurs trois enfants mineurs, en vue de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié. Par décisions du 31 janvier 2022, les demande d'asile formées par M. et Mme A... ont été rejetées par l'Office français pour la protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 novembre 2022. Par la suite, M. et Mme A... ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de l'état de santé d'un de leurs enfants. Par deux arrêtés du 9 mai 2022, le préfet du Haut-Rhin a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être renvoyés et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'une année. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. et Mme A... relèvent appel du jugement nos 2203483, 2203484 du 20 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la légalité des arrêtés du 9 mai 2022 :

2. En premier lieu, les décisions refusant de délivrer un titre de séjour à M. et Mme A... se réfèrent aux articles L. 425-9, L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et font état de la situation médicale de l'enfant des intéressés. En outre, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, qui visent notamment les 2°, 3° et 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui font état notamment de la circonstance que M. et Mme A... ont fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour, comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent les fondements. Enfin, les décisions portant interdiction de retour sur le territoire contestées visent les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionnent que l'examen de la situation des intéressés a été fait en tenant compte des critères cités par ce dernier article. Ces décisions précisent que, même si les intéressés ne constituent pas une menace pour l'ordre public et qu'aucune précédente mesure d'éloignement n'a été prise, une interdiction de retour peut être prise à l'encontre des intéressés en tenant compte de leur durée de présence sur le territoire français et l'absence de liens privés et familiaux établis sur le territoire français. Le préfet du Haut-Rhin a ainsi motivé ses décisions au regard de tous les critères prévus à l'article L. 612-10 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, ces décisions sont donc suffisamment motivées, contrairement à ce qu'allèguent M. et Mme A....

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre des décisions faisant obligation à M. et Mme A... de quitter le territoire français qui n'impliquent pas par elles-mêmes le retour des intéressés dans leur pays d'origine.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".

5. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Par un avis du 1er avril 2022, le collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé du fils mineur des requérants nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque.

7. Il ressort des pièces des dossiers que Bujar A..., né le 27 mai 2017, est affecté d'une tétraplégie spastique, ainsi que d'une encéphalopathie épileptique et d'une hydrocéphalie. Pour contester le sens de l'avis du collège des médecins de l'OFII, M. et Mme A... se prévalent principalement de certificats médicaux indiquant que leur fils est nourri par sonde et que, compte tenu de la nécessité de soins réguliers, le retour de l'enfant dans son pays d'origine " entraînerait immédiatement des complications importantes et mettrait en jeu son pronostic vital ". M. et Mme A... se prévalent également d'une attestation d'une infirmière libérale estimant que " personnellement, l'enfant ne peut être transporté en l'état actuel des choses. Cela mettrait son risque vital en jeu ". Toutefois, de telles attestations se montrent insuffisamment circonstanciées sur la nature du traitement médicamenteux pris par Bujar A... et son absence de disponibilité en Macédoine. En outre, il ressort des entretiens des intéressés auprès de l'OFPRA, que Bujar A... a été pris en charge médicalement, dès sa naissance, dans une structure hospitalière en Macédoine. Si les entretiens de M. et Mme A... dénoncent des faits de corruption qui existeraient en Macédoine, il n'est nullement indiqué que leur enfant ne pourrait effectivement bénéficier de soins en Macédoine. Enfin, il ressort également de ces entretiens que M. et Mme A... ont voyagé à plusieurs reprises, avec leur fils, en Turquie, pour des raisons médicales et ont pu rejoindre la France en 2021. Par suite, les seuls éléments médicaux dont se prévalent M. et Mme A... ne permettent donc pas à eux seuls de remettre en cause l'avis du collège de médecins du service médical de l'OFII.

8. Dès lors, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils remplissent les conditions auxquelles les dispositions précitées de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile subordonnent la délivrance, de plein droit, d'une autorisation de séjour, ni par voie de conséquence que cette circonstance ferait obstacle à ce qu'ils puissent légalement faire l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

10. Si M. et Mme A..., qui se prévalent uniquement de leurs entretiens conduits auprès de l'OFRPA lors de l'examen de leur demande d'asile, soutiennent qu'ils encourent des risques de traitements inhumains ou dégradants en raison de leur origine albanaise, ils n'établissent pas la réalité des risques personnels auxquels ils seraient exposés en cas de retour en Macédoine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la violation stipulations et dispositions précitées doit être écarté.

11. En dernier lieu, en se bornant à soutenir que les décisions leur interdisant de retourner sur le territoire français ne sont pas justifiées, M. et Mme A... n'assortissent leur moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la vice-présidente désignée par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 9 mai 2022 du préfet du Haut-Rhin. Par voie de conséquence, les conclusions des requêtes à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme A... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Kohler, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : J. Kohler

La greffière,

Signé : A. Heim

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

A. Heim

2

Nos 23NC01335, 23NC01336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01335
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme KOHLER
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: Mme PICQUE
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;23nc01335 ?
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