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21/02/2024 | FRANCE | N°22NC02973

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 21 février 2024, 22NC02973


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société S2IA a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 21 septembre 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme totale de 40 448 euros, correspondant à 36 200 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs et de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement.



Par un jugement n°

2003029 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.



Pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société S2IA a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 21 septembre 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme totale de 40 448 euros, correspondant à 36 200 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs et de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement.

Par un jugement n° 2003029 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 novembre 2022, la société S2IA, représentée par Me Zarrouk, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 septembre 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 21 septembre 2020 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme totale de 40 448 euros, correspondant à 36 200 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs et de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 21 septembre 2020 est insuffisamment motivée ;

- la décision du 21 septembre 2020 est entachée d'incompétence dès lors que son signataire ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

- la décision du 21 septembre 2020 est entachée d'une erreur dans la matérialité des faits dès lors que ni M. B... ni M. A... n'étaient ses salariés.

La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 19 octobre 2019, à la suite d'un contrôle réalisé par les agents de l'inspection du travail de Meurthe-et-Moselle, la société S2IA, spécialisée dans l'installation de la fibre optique, a été destinataire d'un procès-verbal constatant l'emploi, par cette société, de deux salariés étrangers démunis d'un titre de séjour les autorisant à exercer une activité salariée en France, MM. Walid B... et Teih A.... Par un courrier du 6 juillet 2020, la société S2IA a été informée de la mise en œuvre à son encontre des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de celles de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 21 septembre 2020, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme totale de 40 448 euros, correspondant à 36 200 euros au titre de la contribution spéciale pour l'emploi irrégulier de deux travailleurs et de 4 248 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative de frais de réacheminement. Par un jugement n° 2003029 du 28 septembre 2022 dont la société S2IA interjette appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 21 septembre 2020.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Selon l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Il résulte de ces dispositions qu'une décision qui met à la charge d'un employeur la contribution spéciale et la contribution forfaitaire prévues respectivement aux articles L. 8253-1 du code du travail et L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent ces sanctions.

3. La décision prise le 21 septembre 2020 par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne les articles L. 8251-1, L. 8253-1 et R. 8253-2 du code du travail, les articles L. 626-1 et R. 626-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine, lesquels définissent les manquements à la législation relative à l'emploi de travailleurs étrangers ainsi que leurs sanctions et déterminent leur mode de calcul. Elle indique également que les sanctions, dont le montant, en l'absence de minoration ou de majoration, se déduisait en l'espèce directement des dispositions du I de l'article R. 8253-2, s'agissant de la contribution spéciale, et de l'arrêté du 5 décembre 2006, s'agissant de la contribution forfaitaire, étaient infligées en raison de l'emploi irrégulier de deux salariés étrangers. Par suite, cette décision qui a été prise après un examen particulier de la situation de la société S2IA est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, Mme D... C..., adjointe à la cheffe du service juridique et contentieux a reçu délégation de signature, par arrêté du 3 juillet 2019, régulièrement publiée le 15 juillet suivant au bulletin officiel du ministère de l'intérieur, à l'effet de signer au nom du directeur générale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'ensemble des décisions relatives aux contributions spéciale et forfaitaire. Par suite, Mme C... était compétente pour signer la décision du 21 septembre 2020.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Il est également interdit à toute personne d'engager ou de conserver à son service un étranger dans une catégorie professionnelle, une profession ou une zone géographique autres que celles qui sont mentionnées, le cas échéant, sur le titre prévu au premier alinéa. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention. L'Etat est ordonnateur de la contribution spéciale. A ce titre, il liquide et émet le titre de perception. Le comptable public compétent assure le recouvrement de cette contribution comme en matière de créances étrangères à l'impôt et aux domaines. ". Et, aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. A cet effet, il peut avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers dans les conditions définies par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. ".

6. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre une décision mettant à la charge d'un employeur la contribution spéciale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail, pour avoir méconnu les dispositions de l'article L. 8251-1 du même code, de vérifier la matérialité des faits reprochés à l'employeur et leur qualification juridique au regard de ces dispositions. Il lui appartient, également, de décider, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions applicables au litige, soit d'en décharger l'employeur. Par ailleurs, pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 8251-1 du code du travail, il appartient à l'autorité administrative de relever, sous le contrôle du juge, les indices objectifs de subordination permettant d'établir la nature salariale des liens contractuels existant entre un employeur et le travailleur qu'il emploie.

7. S'agissant tout d'abord de M. B..., pour mettre en œuvre à l'encontre de la société S2IA les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et de celles de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que cette société salariait l'intéressé, ressortissant tunisien démuni de titre autorisant le séjour comme de titre autorisant le travail. Pour établir l'existence d'une relation de travail salarié entre cette personne, en situation irrégulière, contrôlée en position de travail lors d'une visite du 19 octobre 2019, et la société S2IA, l'Office français de l'immigration et de l'intégration s'est appuyé sur le procès-verbal d'infraction n° 28/20 du 3 juin 2020. Pour contester la matérialité des faits qui lui sont reprochés, la société S2IA soutient que M. B... est en réalité un prestataire de services employé par la société R3W Télécommunications avec laquelle il aurait conclu un contrat de travail. Il résulte toutefois de l'instruction que les deux sociétés ont signé le 5 septembre 2019, un " contrat cadre de prestation de services ". En vertu de cette convention, la société S2IA informe la société R3W Télécommunications, dont M. B... est par ailleurs le gérant, de la durée de la mission, de son lieu d'exécution, de sa nature, elle lui indique aussi le prix proposé pour l'exécution de la mission et, en cas d'acceptation de la mission par R3W télécommunication, cette dernière doit indiquer à la société S2IA " le/les salariés ou le/les techniciens affectés à l'exécution de la mission ". Or comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la société S2IA ne produit aucun contrat signé entre elle et la société R3W Télécommunications pour les travaux effectués le 19 octobre 2019. De surcroît, la société R3W Télécommunications n'était qu'en cours de constitution au 5 septembre 2019 et ses statuts ne devaient être déposés que le 19 novembre 2019, soit postérieurement au contrôle de l'inspection du travail. Par ailleurs, il ressort des constatations opérées par l'inspection du travail que M. B... a fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche le 12 février 2019 par la société S2IA, que l'URSSAF de Lorraine ne dispose d'aucune information concernant une activité indépendante de M. B..., alors que la société appelante a effectué auprès de l'URSSAF une déclaration sociale nominative de l'intéressé de février 2019 à août 2019. Enfin, M. B... a déclaré lors du contrôle être employé par la société S2IA comme technicien sous contrat à durée indéterminée depuis six mois. Il résulte de ce qui précède que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société S2IA était l'employeur de M. B....

8. S'agissant ensuite de M. A..., la société S2IA se borne à contester qu'il faisait partie de ses effectifs. Il résulte toutefois de l'instruction que M. A..., contrôlé le 19 octobre 2019 en position de travail, a déclaré aux agents de l'inspection du travail qu'il était employé depuis environ deux semaines en contrat à durée déterminée par la société S2IA, circonstance confirmée par les déclarations d'un de ses collègues. Par suite, l'appelante n'établit pas par ses seules allégations que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la société S2IA était l'employeur de M. A....

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société S2IA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société S2IA est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société S2IA et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 février 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC02973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02973
Date de la décision : 21/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : ZARROUK

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-21;22nc02973 ?
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