Vu la procédure suivante :
Par un arrêt avant-dire droit du 4 mai 2021, auquel il est fait expressément référence, la cour, avant de statuer sur l'appel formé par l'établissement départemental public d'accompagnement médico-social (EDPAMS) Jacques Sourdille contre le jugement n° 1602480 du 29 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) à lui verser plusieurs indemnités, a ordonné une expertise.
Par des mémoires enregistrés les 20 et 30 novembre 2023, la SARL BET Gilbert Jost, représentée par Me Lebon, de la SCP Lebon et associés, conclut au rejet des conclusions dirigées à son encontre, subsidiairement à ce que l'engagement de sa responsabilité soit limité à hauteur de 10 % des seuls dommages indemnisables et à ce que la société Qualiconsult, la Sarl Tardiveau, représentée par Me Raulet, son mandataire liquidateur, et la société Richter Architectes, soient condamnées à la garantir de toute condamnation et enfin à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Qualiconsult, de la Sarl Tardiveau, représentée par Me Raulet, son mandataire liquidateur, et de la société Richter Architectes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le recours de la SMABTP est irrecevable en l'absence de subrogation ;
- le recours de la SMABTP ne saurait reposer sur le fondement de la garantie décennale dès lors qu'il est intervenu avant réception ; sa responsabilité contractuelle ne peut être retenue ;
- elle s'en rapporte à justice s'agissant de l'appréciation d'une éventuelle impropriété à destination ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;
- aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée ;
- les dommages immatériels et les pénalités de retard ne sont pas indemnisables ; le coût des travaux de réfection s'élève à 344 547,37 euros, les intérêts devant être déduits ;
- la sanction de majoration des intérêts au taux légal doublé ne peut être prononcée, dès lors que la demande de l'établissement requérant sur le fondement des articles L. 242-1 et L. 243-1 du code des assurances n'est pas fondée et qu'une telle sanction ne pourrait être répercutée par l'assureur dommages-ouvrage sur les constructeurs ;
- la société Tardiveau a commis une faute dans l'exécution des travaux, de nature à engager sa responsabilité délictuelle et quasi-délictuelle à son encontre ;
- elle devra être entièrement garantie par la société Richter Architectes, ou à tout le moins à hauteur de 80%, sur un fondement contractuel, ou subsidiairement délictuel et quasi-délictuel, dès lors que le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) qu'elle a rédigé n'est pas en cause dans les désordres ;
- la société Qualiconsult n'a pas assuré correctement sa mission relative à la solidité des ouvrages et à la prévention des aléas techniques, de sorte qu'elle doit la garantir, sur un fondement délictuel et quasi-délictuel ;
- les conclusions d'appel en garantie dirigées à son encontre ne sauraient prospérer dès lors qu'il n'a commis aucune faute.
Par un mémoire, enregistré le 28 novembre 2023, la société Richter Architectes, représentée par Me Puybaret, de la SELAS interbarreaux Larrieu et associés, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, au rejet de toutes les conclusions dirigées contre elle, à titre plus subsidiaire, à ce qu'une part de responsabilité soit laissée à la charge de la Sarl Tardiveau, représentée par Me Raulet, son mandataire liquidateur et à ce que la société Qualiconsult et le BET Gilbert Jost soient condamnés in solidum à la garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge, et enfin à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SMABTP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la prise de position de la SMABTP était intervenue dans le délai de 60 jours et qu'elle était assez motivée ;
- la SMABTP ne saurait invoquer la responsabilité décennale dans le cadre de son appel en garantie, en l'absence de réception des travaux ;
- la survenance des désordres ne lui est pas imputable ;
- elle n'a commis aucune faute dans l'exercice de ses missions de maîtrise d'œuvre et est intervenue à plusieurs reprises auprès de la société Tardiveau pour qu'elle reprenne ses ouvrages ;
- la société Tardiveau a commis une faute en réalisant un béton trop poreux ;
- sa responsabilité dans les désordres est prépondérante ;
- le BET Gilbert Jost, chargé des études relatives aux planchers chauffants, a permis la construction d'un ouvrage non conforme ;
- la société Qualiconsult a manqué à sa mission de contrôle de la solidité des ouvrages.
Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2023, l'établissement départemental public d'accompagnement médico-social (EDPAMS) Jacques Sourdille, représenté par la SCP Blocquaux et associés, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner la SMABTP à lui verser la somme de 441 930,70 euros avec intérêts de droit à compter de la requête initiale, outre 10 000 euros pour résistance abusive ;
2°) de condamner la SMABTP aux dépens, comprenant les frais d'expertise d'un montant de 24 668,04 euros ;
3°) de mettre à la charge de la SMABTP une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'expert a retenu que les désordres affectant la chape d'enrobage des éléments de plancher chauffant étaient de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination ;
- l'assureur doit être condamné à verser les sommes retenues par l'expert et le sapiteur ;
- il doit être condamné à lui verser 10 000 euros pour résistance abusive.
Par un mémoire enregistré le 1er décembre 2023, la SAS Qualiconsult, représentée par la SCP Raffin et Associés, conclut :
- au rejet de la requête ;
- subsidiairement, au rejet des conclusions présentées à son encontre par la SMABTP ;
- plus subsidiairement, à la condamnation de la SARL Richter Architectes, la SARL Jost Gilbert BET et la société Tardiveau à la relever et garantir de toutes conclusions susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
- à ce qu'il soit mis à la charge de la SMABTP une somme de 7 000 euros au titre des frais d'instance.
Elle soutient que :
- le recours subrogatoire dirigé à son encontre par la SMABTP et fondé sur l'article L. 121-12 du code des assurances est irrecevable, dès lors que l'assureur n'a procédé à aucun règlement ;
- ce recours subrogatoire est sans objet, du fait de la régularité du refus de garantie opposé par la SMABTP ;
- ce recours, qui ne peut être exercé que sur le fondement contractuel, n'est pas fondé, dès lors que le désordre ne lui est pas imputable et qu'il a accompli les diligences que requérait sa mission ;
- subsidiairement, les sommes demandées par l'EDPAMS Jacques Sourdille doivent être réduites à de plus justes proportions ; les travaux de reprise ont été évalués à 344 547,37 euros et les dommages immatériels ont été évalués par le sapiteur à 43 749 euros ; seul l'assureur dommages-ouvrage pourrait être débiteur du doublement des intérêts au taux légal, sanction prévue au 5ème alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances ; les pénalités de retard ne sont dues que par la société Tardiveau ;
- le contrôleur technique ne saurait faire l'objet d'une condamnation solidaire ;
- la SARL Richter Architectes, la SARL Jost Gilbert BET et la société Tardiveau ont commis des fautes qui justifient qu'elles soient appelées à la garantir d'éventuelles condamnations ;
- dès lors qu'elle n'a commis aucune faute, les autres constructeurs ne sont pas fondés à l'appeler en garantie.
Les parties ont été informées, par un courrier du 8 novembre 2023, que le dossier était susceptible d'être inscrit à une audience en décembre 2023 ou janvier 2024 et qu'une clôture d'instruction était susceptible d'intervenir à compter du 23 novembre 2023, sur le fondement de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
La clôture d'instruction a été prononcée, avec effet immédiat, par ordonnance du 21 décembre 2023.
Un mémoire, présenté pour la SMABTP, a été enregistré le 19 janvier 2024, soit après la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.
Vu :
- l'ordonnance du 17 novembre 2021 par laquelle la présidente de la cour a désigné M. C... A... comme expert ;
- l'ordonnance du 7 mars 2022 par laquelle la présidente de la cour a désigné la société MCI Thermique et le cabinet B2M comme sapiteurs ;
- le rapport d'expertise, enregistré le 17 juillet 2023 ;
- l'ordonnance du 6 octobre 2023 par laquelle la présidente de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 17 686,44 euros TTC, ceux du cabinet B2M à 10 000 euros TTC et ceux de la société MCI Thermique à 3 024 euros TTC.
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Lebon, pour la SARL BET Gilbert Jost.
Considérant ce qui suit :
1. L'établissement départemental public d'accompagnement médico-social (EDPAMS) Jacques Sourdille a entrepris la construction d'un foyer pour adultes handicapés sur le territoire de la commune d'Acy Romance. La maîtrise d'œuvre de cette opération a été attribuée à un groupement conjoint non solidaire comprenant cinq cotraitants, dont la société Richter Architectes, mandataire et le BET Gilbert Jost, chargé des fluides. Les lots n° 14 " chauffage, ventilation " et n° 15 " plomberie sanitaire " ont été confiés à la société Tardiveau. Cette dernière a sous-traité ses travaux à la société Bâti Ela. Le contrôle technique de cette opération de construction a été attribué à la société Qualiconsult. En cours de travaux, des dégradations ont été observées sur la chape enrobant les éléments des planchers chauffants ainsi que des défectuosités dans les joints de fractionnement. Une expertise, réalisée le 7 février 2011 à la demande de l'EDPAMS Jacques Sourdille, a conclu à la nécessité de démolir la chape pour remédier à ces désordres, alors que celle-ci était déjà partiellement recouverte de carrelages posés par la société APE. L'EDPAMS Jacques Sourdille a alors adressé plusieurs déclarations de sinistre, dès le 9 février 2011, à la société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), avec laquelle il a conclu, le 31 décembre 2009, un contrat d'assurance prenant effet au 31 juillet précédent, comprenant une assurance dommages-ouvrage, une assurance responsabilité civile du maître d'ouvrage et enfin, une garantie des dommages en cours de travaux (" tous risques chantier "). La SMABTP a opposé un refus d'indemnisation au titre des assurances dommages-ouvrage et garantie des dommages en cours de travaux. Par une demande du 9 avril 2013, rejetée le 23 mai suivant par la SMABTP, l'EDPAMS Jacques Sourdille a demandé à son assureur de l'indemniser au titre des préjudices subis correspondant au coût des travaux de reprise du plancher chauffant qu'elle a engagés et des frais annexes en résultant. Le 10 mai 2014, l'EDPAMS Jacques Sourdille a assigné la SMABTP devant le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières. Par une ordonnance du 23 novembre 2016, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Charleville-Mézières a jugé que l'action de l'EDPAMS Jacques Sourdille contre son assureur, fondée sur le contrat d'assurance, ne relevait pas de la compétence du juge judiciaire, mais de celle du juge administratif et a sursis à statuer sur les appels en garantie formés par la SMABTP contre les assureurs des constructeurs. Le 5 décembre 2016, l'EDPAMS Jacques Sourdille a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la SMABTP à l'indemniser au titre des dommages matériels et immatériels subis. Par un jugement du 29 janvier 2019, dont l'EDPAMS Jacques Sourdille relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur la méconnaissance par la SMABTP des obligations résultant des articles L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances :
2. Par un arrêt avant-dire droit du 4 mai 2021, la cour a estimé que l'EDPAMS Jacques Sourdille n'était pas fondé à demander la condamnation de la SMABTP à l'indemniser de ses préjudices sur le fondement de la méconnaissance des obligations résultant des articles L. 242-1 et A. 243-1 du code des assurances.
Sur la garantie des dommages en cours de travaux prévue par la convention dommages-ouvrage :
En ce qui concerne la prescription de l'action :
3. Aux termes de l'article L. 114-1 du code des assurances : " Toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance. / Toutefois, ce délai ne court : 1° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l'assureur en a eu connaissance ; 2° En cas de sinistre, que du jour où les intéressés en ont eu connaissance, s'ils prouvent qu'ils l'ont ignoré jusque-là (...) ". L'article L. 114-2 de ce code, dans sa rédaction applicable, dispose que : " La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité ".
4. A supposer même que le délai de prescription ait commencé à courir à compter de la déclaration de sinistre, le 9 février 2011, il a été interrompu par le refus de garantie opposé par courrier du 11 avril 2011. Ce délai a, à nouveau, été interrompu par la demande indemnitaire du 9 avril 2013, qui invoquait les conditions de fond pour bénéficier de la garantie prévue par la convention dommages-ouvrage. Il a enfin, été interrompu par l'assignation devant le tribunal de grande instance le 10 mars 2014, qui a abouti à l'ordonnance du 23 novembre 2016 précédemment mentionnée retenant l'incompétence du juge judiciaire, puis à la saisine du tribunal administratif le 5 décembre 2016. Dans ces conditions, le délai de prescription prévu par les dispositions citées au point précédent n'étant pas expiré, la SMABTP n'est pas fondée à soutenir que l'action de l'EDPAMS Jacques Sourdille était prescrite.
En ce qui concerne les conditions de mise en jeu de la garantie :
5. Il résulte de l'instruction que l'article 1.1 des conditions générales de la convention dommages-ouvrage litigieuse, qui reprend les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances, prévoit que la garantie peut être mise en œuvre, en dehors de toute recherche de responsabilité, pour le paiement des travaux de réparation des dommages de " la nature dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du code civil ", à savoir ceux qui compromettent la solidité des ouvrages constitutifs de l'opération de construction ou qui, affectant ces ouvrages dans l'un de leurs éléments constitutifs ou l'un de leurs éléments d'équipement, les rendent impropres à leur destination. L'article 4.1.1 de ce même contrat stipule que la garantie est acquise, avant réception " lorsque, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution par celui-ci de son obligation de réparer ". En conséquence, l'assuré peut bénéficier de la garantie dommages-ouvrage à la double condition, d'une part, que le contrat conclu avec l'entrepreneur après mise en demeure restée infructueuse ait été résilié pour inexécution de ses obligations contractuelles, et d'autre part, que les désordres revêtent un caractère décennal. La cour, par son arrêt avant-dire droit du 4 mai 2021, a estimé que la première condition, relative à la résiliation du contrat conclu par l'EDPAMS Jacques Sourdille avec la société Tardiveau, était satisfaite. Elle a en revanche considéré que les différentes analyses produites ne lui permettaient pas de savoir si la seconde condition, tenant à la nature des désordres affectant la chape d'enrobage des éléments des planchers chauffants, était satisfaite, ni de déterminer la nature des travaux utiles pour y mettre fin et leur montant, et a en conséquence ordonné une expertise avant dire droit. L'expert ayant déposé son rapport, il appartient à la cour de se prononcer sur la nature des désordres.
6. Le rapport d'expertise retient que la porosité trop élevée de la chappe mise en œuvre par le titulaire du lot chauffage entraînait un affaiblissement considérable de la conductivité thermique du matériau dans lequel est incorporé le réseau tube de chauffage et que la transmission de chauffage par le sol ainsi contrariée provoquait inéluctablement une baisse de rendement de l'installation de chauffage. Le rapport d'un sapiteur évoque, pour sa part, une déperdition de chaleur de l'ordre de 20 ou 22 %. Au regard de ces éléments, et de l'ensemble des documents soumis à l'instruction, le vice en question fait obstacle à ce que l'établissement puisse recevoir le chauffage nécessaire à sa destination, qui est d'accueillir des personnes handicapées.
7. Il suit de là que le sinistre que l'EDPAMS Jacques Sourdille a demandé à la SMABTP d'indemniser remplit les deux conditions cumulatives permettant de mobiliser la garantie des dommages en cours de travaux.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité :
8. Les conditions générales de la convention dommages-ouvrage conclue entre l'EDPAMS Jacques Sourdille et la SMABTP reprennent les dispositions de l'annexe II de l'article L. 243-1 du code des assurances, qui précise : " La garantie couvre le coût de l'ensemble des travaux afférents à la remise en état des ouvrages ou éléments d'équipement de l'opération de construction endommagés à la suite d'un sinistre, ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code./ Pour les constructions destinées à un usage autre que l'habitation, la garantie peut être limitée au montant du coût total de construction déclaré aux conditions particulières ou à un montant inférieur au coût total de construction déclaré aux conditions particulières, si ce coût est supérieur au montant prévu au I de l'article R. 243-3 du présent code, sans toutefois pouvoir être inférieur à ce dernier montant./ Le montant de garantie est revalorisé selon les modalités prévues aux conditions particulières, pour tenir compte de l'évolution générale des coûts de construction entre la date de souscription du contrat et celle de la réparation du sinistre./Les conditions particulières précisent les modalités de reconstitution de la garantie après sinistre./Le coût total de la construction déclaré s'entend de celui résultant du montant définitif des dépenses de l'ensemble des travaux afférents à la réalisation de l'opération de construction, toutes révisions, honoraires, taxes et, s'il y a lieu, travaux supplémentaires compris. Ce coût intègre la valeur de reconstruction des existants totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code. En aucun cas ce coût ne peut toutefois comprendre les primes ou bonifications accordées par le maître de l'ouvrage au titre d'une exécution plus rapide que celle prévue contractuellement ni se trouver amputé des pénalités pour retard infligées à l'entrepreneur responsable d'un dépassement des délais contractuels d'exécution ".
9. Les conditions particulières de la convention dommages-ouvrage prévoient l'indemnisation des " dommages immatériels consécutifs " dans la limite de 10 % du coût total de construction, sans pouvoir excéder 305 000 euros. L'article 4.3 de ces conditions particulières prévoit également que le souscripteur déclare bénéficier du régime de la TVA à taux réduit, soit 5,5 %, et que les sinistres seront réglés avec ce taux de TVA, tout en réservant la situation du changement de situation fiscale du bénéficiaire.
10. Au regard de la teneur de ses dernières écritures, l'EDPAMS Jacques Sourdille doit être regardé comme ayant renoncé à sa demande de condamnation portant sur des frais dont la société APE aurait été susceptible de lui demander le paiement, et qui correspondaient en tout état de cause à des sommes qu'elle ne pouvait avoir à payer, compte tenu du caractère définitif du décompte du marché qui le liait à cette entreprise.
11. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que les coûts HT de reprise comprennent la démolition du plancher chauffant, pour 72 610 euros, la repose d'un plancher chauffant, pour 130 323,82 euros, la réalisation d'une nouvelle chape, pour 66 761,70 euros, des travaux supplémentaires de peinture, pour 3 150 euros, l'enlèvement d'ouvrages déjà posés pour 2 586,94 et 3 340 euros. Sont également indemnisables, en tant que préalables nécessaires à la détermination des travaux à envisager pour remédier aux désordres, l'expertise d'un ingénieur conseil ainsi que les sondages pour un montant respectif de 660 et 8 212 euros hors taxe. Les travaux ayant été indemnisés au regard du coût effectivement exposé, il n'y a pas lieu à actualisation. Compte tenu des stipulations incluses dans les conditions particulières de la convention dommages-ouvrage, mentionnées au point 9, il y a lieu d'appliquer un taux de TVA de 5,5 %, de sorte que les travaux de reprise, d'un montant total HT de 287 644,46 euros, doivent donner lieu à une indemnisation à hauteur de 303 464,90 euros TTC.
12. En revanche, la facture liée à un constat concernant les travaux ayant abouti aux désordres en vue de leur mise en régie est sans lien, par elle-même, avec la reprise des désordres et ne saurait être indemnisée.
13. De même, les pénalités infligées à l'entreprise Tardiveau, ayant réalisé les travaux qui ont généré les désordres, ne sauraient être prises en considération pour déterminer le coût des travaux de reprise, menés par d'autres entreprises.
14. Par ailleurs, si le sapiteur a proposé une indemnisation en accordant le doublement des intérêts au taux légal, une telle indemnité ne serait due que dans le cadre de la sanction prévue par l'article L. 242-1 du code des assurances, aux termes duquel : " Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. ". Toutefois, ainsi qu'il a été rappelé au point 2, l'arrêt avant-dire droit du 4 mai 2021 a exclu tout droit à indemnisation au titre du dépassement des délais impartis à l'assureur. L'EDPAMS Jacques Sourdille n'a donc pas droit au doublement des intérêts.
15. L'EDPAMS Jacques Sourdille a enfin sollicité l'indemnisation de préjudices découlant de l'indisponibilité des nouveaux locaux à la date prévue. S'agissant du versement de salaires et de charges salariales à des agents en surnombre, comme des frais de location de véhicules et de surconsommation de carburants, la réalité de préjudices présentant effectivement un lien avec les désordres constatés ne résulte pas de l'instruction. Si la location d'un garde-meubles pour stocker le matériel qui avait déjà été livré est en revanche susceptible d'être indemnisée, c'est seulement pour la période liée aux désordres constatés, à l'exclusion de celle découlant du retard pris dans l'exécution des travaux au cours desquels les malfaçons ont été commises. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de retenir une période de 16 mois, les 5 autres mois pour lesquels une indemnisation est sollicitée découlant du retard précédemment mentionné, de sorte que le préjudice indemnisable s'établit à 21 440 euros HT, soit 22 619,20 euros TTC, ce montant n'atteignant pas le maximum indemnisable prévu pour les préjudices dits immatériels par les stipulations de la convention dommages-ouvrage précitées.
16. Il résulte de tout ce qui précède que l'EDPAMS Jacques Sourdille est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande au titre de cette garantie et à demander que la SMABTP soit condamnée, sur ce fondement, à lui verser la somme de 326 084,10 euros TTC.
Sur les intérêts et la capitalisation :
17. D'une part, les intérêts moratoires dus en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. L'EDPAMS Jacques Sourdille, qui doit être regardé comme sollicitant les intérêts à compter de sa demande devant le tribunal administratif, a donc droit aux intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2016, date à laquelle son recours indemnitaire a été enregistré devant le tribunal.
18. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été sollicitée le 5 décembre 2016, dans la demande de l'EDPAMS Jacques Sourdille devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Il y a lieu de faire droit à cette demande, qui était reprise dans les premières écritures de l'EDPAMS Jacques Sourdille devant la cour et à laquelle il ne peut être regardé comme ayant renoncé, à compter du 5 décembre 2017, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les conclusions au titre de la résistance abusive :
19. Il ne résulte pas de l'instruction que l'EDPAMS Jacques Sourdille aurait subi un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi d'intérêts. Dès lors, ses conclusions tendant à ce que la SMABTP soit condamnée à lui verser une somme de 10 000 euros sur le fondement de la résistance abusive ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions de la SMABTP contre les constructeurs :
20. La SMABTP demande à la cour de condamner plusieurs constructeurs à la garantir des condamnations prononcées à son encontre, en se prévalant de la subrogation prévue par l'article L. 121-12 du code des assurances. Toutefois, il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité versée en exécution du contrat d'assurance, au plus tard à la date de clôture de l'instruction. La SMABTP n'a justifié, à la date de la clôture de l'instruction, d'aucun paiement réalisé en exécution du contrat d'assurance en cause. Dès lors, elle ne saurait revendiquer la qualité de subrogé et ses conclusions d'appel en garantie ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les dépens :
21. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ".
22. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les dépens, liquidés et taxés à la somme totale de 30 710,44 euros par ordonnance de la présidente de la cour du 6 octobre 2023, à la charge de la SMABTP, partie perdante.
Sur les frais des instances :
23. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'EDPAMS Jacques Sourdille avait la qualité de partie perdante et ont mis à sa charge une somme à verser à la SMABTP, de sorte que l'article 2 du jugement attaqué doit être annulé.
24. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SMABTP, partie condamnée aux dépens, une somme de 2 000 euros à verser à l'EDPAMS Jacques Sourdille, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et de rejeter le surplus des conclusions présentées par les parties sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1602480 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 janvier 2019 en tant qu'il a rejeté les conclusions de l'EDPAMS Jacques Sourdille fondées sur la garantie des dommages en cours de travaux et l'article 2 sont annulés.
Article 2 : La société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics est condamnée à verser la somme de 326 084,10 euros TTC à l'établissement départemental public d'accompagnement médico-social Jacques Sourdille. Cette somme est assortie des intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2016. Les intérêts échus à la date du 5 décembre 2017 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les dépens, liquidés et taxés à la somme totale de 30 710,44 euros par ordonnance de la présidente de la cour du 6 octobre 2023, sont mis à la charge de la société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics.
Article 4 : La société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics versera à l'établissement départemental public d'accompagnement médico-social Jacques Sourdille une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'établissement départemental public d'accompagnement médico-social Jacques Sourdille, à la SMABTP, à la société Qualiconsult, à la SARL Richter Architectes, à la SARL BET Gilbert Jost et à M. B..., mandataire ad hoc de la SARL Tardiveau.
Copie en sera adressé à M. C... A..., expert, à la société MCI Thermique et au cabinet B2M, sapiteurs.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Samson-Dye, présidente assesseure,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2024.
La rapporteure,
Signé : A. Samson-DyeLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 19NC00929