Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 1er décembre 2022 par lequel la préfète de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 2300098 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 août 2023, M. A..., représenté par Me Lombardi, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Aube de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont insuffisamment répondu au moyen tiré de l'insuffisance de motivation du refus de titre de séjour ;
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
- la décision en litige est entachée de défaut de motivation ;
- elle est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu, tel que garanti à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'il s'agisse de sa présence en France, de ses attaches sur le territoire, des risques qu'il court en cas de retour dans son pays d'origine, de l'existence d'un domicile fixe et de son insertion ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- son comportement ne caractérise pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, la préfète de l'Aube, représentée par Me Ancelet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Brodier, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né en 1993, est entré irrégulièrement en France le 18 décembre 2017 selon ses déclarations, à l'âge de 24 ans et a sollicité l'asile le 22 janvier 2018. Le 10 juillet 2018, le préfet de l'Aube a pris un arrêté de transfert aux autorités italiennes. La demande d'asile de l'intéressé a néanmoins été examinée par les autorités françaises et a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 novembre 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 1er février 2022. Par un arrêté du 7 mars 2022, le préfet de l'Aube lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. L'OFPRA a rejeté la demande de réexamen de sa demande d'asile par une décision du 29 juillet 2022. Le 31 août 2022, l'intéressé a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 1er décembre 2022, la préfète de l'Aube a refusé de faire droit à sa demande. M. A... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En écartant le moyen tiré de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour au motif que " l'arrêté contesté énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ", les premiers juges n'ont pas méconnu les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
4. Il ressort de la décision par laquelle la préfète de l'Aube a refusé de régulariser M. A... à titre exceptionnel sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'elle rappelle les conditions dans lesquelles il s'est maintenu en France dans le cadre de sa demande d'asile et précise qu'il n'apporte pas la preuve de la continuité de son séjour depuis décembre 2017, qu'il n'a pas d'attache familiale en France et ne justifie pas y avoir tissé des liens privés, intenses et stables, qu'il est sans domicile fixe, ne dispose d'aucune source de revenus et ne justifie d'aucune insertion particulière, indique qu'il est connu défavorablement des services de police pour des faits de violences sur une personne chargée de mission de service public, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui et conclut qu'il ne peut être regardé comme justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels. La décision en litige comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, le refus de titre de séjour en litige n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. M. A... ne saurait ainsi utilement se prévaloir des dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adressent en tout état de cause pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 / (...) ".
7. En admettant même que M. A... ait résidé de manière continue sur le territoire français depuis décembre 2017, ce qu'il n'établit pas par les seules pièces qu'il produit, il s'y est maintenu initialement en dépit de la décision de transfert vers les autorités italiennes prononcée à son encontre le 10 juillet 2018, puis en dépit de l'arrêté du 7 mars 2022 lui faisant obligation de quitter le territoire français à l'issue du rejet de sa demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile. Il ne dispose d'aucune attache familiale en France. S'il indique entretenir une relation amoureuse avec un ressortissant français, l'attestation de témoin et l'attestation d'hébergement rédigées par ce dernier, au demeurant postérieurement à la décision en litige, ne permettent pas, dans les termes dans lesquelles elles sont rédigées, de l'établir. Par ailleurs, les quelques attaches personnelles dont il fait état de même que sa participation aux activités d'une association ne sont pas telles qu'il pourrait être regardé comme ayant désormais ancré en France l'essentiel de sa vie privée. Enfin, s'il se prévaut de risques pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine, compte tenu de son homosexualité, il ne produit aucune pièce permettant d'établir que sa situation caractériserait des circonstances humanitaires, alors d'ailleurs que l'OFPRA et la CNDA ont rejeté sa demande d'asile au motif que ses déclarations quant à son orientation sexuelle étaient peu circonstanciées et cohérentes. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de son séjour en France, et alors même qu'il n'est pas établi qu'il présenterait une menace pour l'ordre public, le requérant ne justifie pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard des motifs qu'il invoque. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En quatrième lieu, M. A... ne dispose pas, ainsi qu'il a été dit au point précédent, d'attache familiale en France et ne justifie pas y avoir noué des liens d'une intensité telle que le refus de lui délivrer un titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts en vertu desquels il a été adopté. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En dernier lieu, le refus de titre de séjour en litige ne procédant pas à la détermination du pays à destination duquel M. A... pourrait être éloigné d'office, le requérant ne saurait utilement se prévaloir des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er décembre 2022. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Lombardi et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Aube.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bauer, présidente,
- Mme Brodier, première conseillère,
- Mme Roussaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.
La rapporteure,
Signé : H. Brodier La présidente,
Signé : S. Bauer
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
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N° 23NC02571