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06/02/2024 | FRANCE | N°23NC00544

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 06 février 2024, 23NC00544


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2300338 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.


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Par une requête et des pièces respectivement enregistrées les ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2300338 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces respectivement enregistrées les 17 février et 14 mars 2023, M. C..., représenté par Me Bourchenin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 20 janvier 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 janvier 2023 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 900 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a commis une erreur de fait sur la durée de son séjour en France ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;

- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant le pays de destination et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans méconnaissent les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mai 2023, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 février 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Roussaux, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 2 février 1983, est entré sur le territoire français en dernier lieu le 22 septembre 1998 et a obtenu une carte de résident valable du 15 février 2005 au 14 février 2015. Il a été écroué le 24 mai 2012 pour une durée de 14 ans pour des faits de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de 15 ans par ascendant ou personne ayant autorité sur la victime et est actuellement incarcéré au centre pénitentiaire de Mulhouse Lutterbach. Par un arrêté du 13 janvier 2023, le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. C... fait appel du jugement du 20 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code, " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; ".

3. En premier lieu, d'une part, il est constant que M. C... a été bénéficiaire d'une carte de résident valable du 15 février 2005 au 14 février 2015 sans qu'il en ait sollicité par la suite le renouvellement. D'autre part, même si M. C... est entré une première fois sur le territoire français en compagnie de sa mère en 1989 sous couvert d'un visa, qu'il aurait été soigné pour une leucémie aigue myéloide sous un autre nom à partir de mars 2007 jusqu'au 12 novembre 2007 à l'hôpital Timone à Marseille et qu'il produit des attestations d'un éducateur bénévole, de la directrice de son école primaire à Bollène certifiant qu'il y a effectué sa scolarité de septembre 1990 à juin 1994 et des attestations de voisinage peu précises et circonstanciées, ces pièces sont cependant insuffisantes pour justifier de sa présence continue en France avant 1998 dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé AGDREF et de sa carte de résident délivrée le 15 février 2005, qu'il est à nouveau entré en France le 22 septembre 1998. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait commise par le préfet sur sa date d'entrée en France et la durée de sa présence sur le territoire français est écarté.

4. En deuxième lieu, même si la fille de M. C..., née le 10 avril 2001 de nationalité française ainsi que sa mère, Mme A..., titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2027 résident en France, les attestations qu'elles ont rédigées, très succinctes, ne permettent pas d'établir la réalité et l'intensité des liens affectifs les unissant à leur père et fils, ni n'établissent qu'elles aient gardé contact avec lui pendant la durée de sa détention. En outre, la simple attestation de la personne se présentant comme sa compagne et indiquant qu'il serait le père de sa fille née le 25 mai 2021 à Marseille pendant son incarcération à la maison d'arrêt de Nîmes ne suffit pas à établir le lien de filiation alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle lui aurait rendu visite ni qu'il aurait bénéficié d'une permission de sortie pendant la période de conception. Il en résulte que M. C..., célibataire et sans charge de famille, ne démontre ni l'existence ni l'intensité des liens affectifs et familiaux dont il se prévaut sur le territoire français. Au demeurant, M. C... a été condamné à une peine de quatorze années de prison, prononcée en 2012 pour des faits commis en décembre 2008 et dont il y a lieu, en dépit de leur caractère ancien, de souligner l'exceptionnelle gravité. Enfin, il a été de nouveau condamné récemment le 28 novembre 2022 à deux mois d'emprisonnement avec sursis en raison d'une évasion lors d'une permission de sortie. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale est écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...)3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; 3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ". D'une part, les condamnations rappelées au point 4 suffisent à caractériser l'actualité et la gravité de la menace à l'ordre public que représente M. C.... D'autre part, ce dernier n'établit pas plus en appel qu'en première instance disposer d'une habitation effective et permanente. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant un délai de départ volontaire méconnaitrait les dispositions précitées est écarté.

6. En quatrième lieu, dès lors qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que sa fille majeure et sa mère lui rendent visite en Algérie et pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans est écarté.

7. En cinquième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le fondement. Par suite, le moyen est écarté.

8. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dirigé contre les décisions fixant le pays de renvoi et portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé, alors en tout état de cause que le requérant n'allègue pas encourir des risques en cas de retour dans son pays d'origine.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bauer, présidente,

- Mme Brodier, première conseillère,

- Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.

La rapporteure,

Signé : S. RoussauxLa présidente,

Signé : S. Bauer

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00544


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00544
Date de la décision : 06/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BAUER
Rapporteur ?: Mme Sophie ROUSSAUX
Rapporteur public ?: M. MARCHAL
Avocat(s) : BOURCHENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-06;23nc00544 ?
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