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01/02/2024 | FRANCE | N°23NC00518

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 01 février 2024, 23NC00518


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai



Par un jugement n° 2207494 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annul

é l'arrêté du 27 juillet 2022 et enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. C... un titre de séj...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 27 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination duquel il pourra être éloigné d'office à l'expiration de ce délai

Par un jugement n° 2207494 du 1er février 2023, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 27 juillet 2022 et enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, la préfète du Bas-Rhin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2023 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C... devant les premiers juges.

Elle soutient que l'arrêté attaqué ne méconnaît pas la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mars 2023, M. B... C..., représenté par Me Perez conclut au rejet de la requête, à l'annulation de l'arrêté du 27 juillet 2022, à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard un titre de séjour temporaire portant la mention salarié et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que l'arrêté attaqué méconnaît la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 27 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995 ;

- l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant sénégalais né le 27 juillet 1985, déclare être entré en France le 13 mars 2018. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006. La préfète du Bas-Rhin, par un arrêté du 27 juillet 2022, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2207494 du 1er février 2023 dont la préfète interjette appel, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 27 juillet 2022 et enjoint à la préfète du Bas-Rhin de délivrer à M. C... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et de lui délivrer, dans l'attente et sans délai, une autorisation provisoire de séjour. Par une ordonnance n° 23NC00516 du 21 mars 2023, le président de la première chambre a suspendu l'exécution du jugement dont s'agit.

Sur le moyen retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 6 de de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal sur la circulation et le séjour des personnes du 1er août 1995 : " Les ressortissants de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle (...) doivent être munis du visa de long séjour prévu à l'article 4 (...) ". Aux termes du deuxième alinéa du paragraphe 321 de l'article 3 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006 relatif à la gestion concertée des flux migratoires, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'avenant du 25 février 2008, entré en vigueur le 1err août 2009 : " La carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", d'une durée de douze mois renouvelable, ou celle portant la mention "travailleur temporaire" sont délivrées, sans que soit prise en compte la situation de l'emploi, au ressortissant sénégalais titulaire d'un contrat de travail visé par l'Autorité française compétente, pour exercer une activité salariée dans l'un des métiers énumérés à l'annexe IV ". Il résulte des stipulations de l'article 6 de la convention du 1er août 1995 que la délivrance à un ressortissant sénégalais de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " est subordonnée à la production d'un visa de long séjour.

3. En l'espèce, il est constant que M. C... ne disposait pas d'un visa de long séjour au moment où il a sollicité son admission au séjour. Dès lors, l'appelant ne remplit pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ".

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu ce moyen pour annuler l'arrêté du 27 juillet 2022. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. La préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté que si l'intéressé a effectué des stages dans différents restaurants, cette situation n'est pas assimilable à un emploi salarié, qu'il a vécu 32 ans au Sénégal, pays dans lequel il est par ailleurs marié et père de deux enfants âgés de 5 et 8 ans, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. C....

6. En deuxième lieu, M. C... ne remplit pas les conditions posées par la convention du 1er août 1995 et par l'accord du 23 septembre 2006 susvisés pour la délivrance du titre de séjour sollicité. Par suite, il ne peut utilement se prévaloir, en tout état de cause, de la circulaire du 28 novembre 2012 et notamment de son article 2.2.1.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".

8. D'une part, M. C... soutient résider en France depuis quatre ans et huit mois au jour de la décision et bénéficier d'une promesse d'embauche à durée indéterminée en qualité de cuisinier émanant d'un restaurant qui l'a formé pendant deux ans et demi. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. C... est en France depuis moins de cinq ans au jour de la décision attaquée, qu'il ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative, qu'il est marié dans son pays d'origine et que des deux enfants respectivement âgés de cinq et huit ans y résident toujours avec leur mère. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 27 juillet 2022 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a ni méconnu les stipulations et dispositions précitées, ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de l'intéressé.

9. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment de la rédaction de l'arrêté attaqué que la préfète du Bas-Rhin a bien, contrairement à ce qu'affirme M. C..., examiné sa situation à l'aune de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite le moyen tiré d'une telle abstention doit être écarté car manquant en fait.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, par un arrêté du 4 mars 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Bas-Rhin le même jour, la préfète du Bas-Rhin a donné délégation à M. A... F..., directeur des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer tous actes et décisions relevant des attributions dévolues à la direction des migrations et de l'intégration, à l'exception de certaines décisions au nombre desquelles ne figure pas la décision en litige, et, en cas d'absence ou d'empêchement, à Mme E... D..., adjointe au chef du bureau de l'admission au séjour. Il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que M. F... n'aurait pas été absent ou empêché à la date de la signature de la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision, signée par Mme D..., aurait été prise par une autorité incompétente doit être écarté.

11. Il résulte en deuxième lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

12. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés des points 7 à 9 ci-dessus.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté pour les motifs exposés au point 10 ci-dessus.

14. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement d'une décision faisant obligation de quitter le territoire français illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. C... à fin d'annulation doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles présentées à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2207494 du 1er février 2023 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2024.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 23NC00518


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00518
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : PEREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;23nc00518 ?
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