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16/11/2023 | FRANCE | N°22NC02919

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 16 novembre 2023, 22NC02919


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202579 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B...,

représenté par Me Goldberg, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202579 du 28 juin 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Goldberg, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 juin 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 16 décembre 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- les membres du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration auteurs de l'avis du 25 janvier 2021 n'ont pas apposé eux-mêmes le fac-similé de leur signature sur l'avis dont s'agit ;

- l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a ni mis en ligne ni communiqué les informations dont il dispose sur le système de soins au Kosovo ;

- il ne peut bénéficier du traitement rendu nécessaire par son état de santé dans son pays ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- la préfète du Bas-Rhin n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- son droit à être entendu a été méconnu ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.

Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 février 2023.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant kosovare né le 24 avril 1993, est entré en France selon ses dires le 10 juin 2015. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté le 29 juillet 2016 sa demande d'admission au statut de réfugié. Le 25 novembre 2016 la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé la décision de l'OFPRA. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour temporaire sur le fondement de son état de santé le 13 mars 2017. Il a bénéficié d'une première autorisation provisoire de séjour, délivrée le 13 décembre 2019, renouvelée à plusieurs reprises. Le 4 décembre 2020, il a sollicité un nouveau renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 16 décembre 2021, la préfète du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 28 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 décembre 2021.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 décembre 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur.

3. M. A... soutient que l'avis émis le 25 janvier 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas revêtu des signatures manuscrites de ses membres mais de fac-similés électroniques. Toutefois, à l'appui de ses prétentions, l'appelant verse une copie de l'avis du 25 janvier 2021 dont il ne ressort nullement qu'il ne soit pas revêtu des signatures manuscrites de ses auteurs. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'instruction comme le sollicite M. A..., le moyen ne peut qu'être écarté.

4. En deuxième lieu, la circonstance que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait ni mis en ligne l'intégralité des informations dont elle disposerait sur le système de santé kosovare ni accepté de communiquer de telles informations postérieurement à l'édiction de la décision est sans emport sur la légalité de la décision attaquée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / [...] ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Dans son avis du 25 janvier 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une scoliose dorsolombaire à double courbure très évoluée récusée chirurgicalement sur un rachis standard malformatif avec de façon associée l'existence d'un pied creux neurobiologique, d'une vessie neurologique qui nécessiterait la réalisation d'un auto-sondage cinq fois par jour. L'intéressé justifie, par les différents certificats médicaux et ordonnances produits, qu'il doit, en raison de ses pathologies, être pris en charge. Toutefois, aucun des éléments versés par l'appelant ne se prononce sur une éventuelle indisponibilité au Kosovo du traitement ou du suivi dont il doit bénéficier. Dans ces conditions, les éléments produits ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins selon laquelle l'intéressé pourrait bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. M. A... fait valoir résider en France depuis 2015 et avoir noué des liens personnels sur le territoire. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les autorités en charge de l'asile ont rejeté sa demande de protection internationale les 29 juillet 2016 et 25 novembre 2016. De surcroît, M. A... ne pouvait ignorer la précarité de sa situation administrative dès lors notamment que son droit au séjour dépendait de l'évolution de son état de santé et qu'il n'a bénéficié que d'autorisations provisoires de séjour. Enfin, il n'est ni marié ni père d'un enfant en France alors qu'il n'est pas contesté que son père et sa fratrie résident encore au Kosovo. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 16 décembre 2021 n'a pas porté au droit de l'appelant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'arrêté contesté, qui comporte l'exposé des faits et des considérations de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé. La préfète du Bas-Rhin, qui a mentionné dans son arrêté que M. A... était célibataire et sans enfant et qu'il n'était pas dépourvu de toute attache personnelle et familiale dans son pays d'origine, a procédé à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé.

12. Il résulte en second lieu de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

13. En premier lieu, en l'espèce, la décision fixant le pays de renvoi a été prise après le rejet de la demande de renouvellement de titre de séjour formulée par l'intéressé, de sorte que l'administration n'avait pas à le mettre à même de présenter spécifiquement des observations sur cette mesure. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... aurait été privé de la possibilité de présenter des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu de la décision en litige. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu doit être écarté.

14. En second lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, la décision fixant le pays de destination n'a pas été prise sur le fondement de décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français illégales. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Sibileau, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 22NC02919


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02919
Date de la décision : 16/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : GOLDBERG

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-16;22nc02919 ?
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