Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 17 mars 2022 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Par un jugement n° 2201420 du 29 septembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Cheron, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 septembre 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 17 mars 2022 pris à son encontre par le préfet de la Marne;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
s'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- en n'examinant pas sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ; le jugement est entaché d'une dénaturation des faits ;
- au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartenait au préfet, qui a entaché sa décision d'une erreur de droit, d'examiner non seulement l'ancienneté mais également l'intensité et la stabilité des liens familiaux ;
- en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ;
- en méconnaissance de l'article L. 435-1, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en ne régularisant pas sa situation à titre exceptionnel ;
- en méconnaissance des articles 3-1 et 9-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, la décision méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;
s'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision est illégale à l'instar du refus de titre de séjour ;
- elle peut obtenir la délivrance d'un titre de séjour au regard de sa vie privée et familiale.
Une mise en demeure a été adressée le 25 juillet 2023 au préfet de la Marne.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Denizot, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de nationalité camerounaise, née le 2 mai 1979 à Douala, est entrée en France le 23 juillet 2015 sous couvert d'un visa de court séjour et s'est maintenue sur le territoire à l'expiration de la durée de son visa. Le 13 août 2021, Mme A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 mars 2022, le préfet de la Marne a refusé de délivrer un titre de séjour à l'intéressée, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.
Mme A... relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ne ressort pas de la fiche d'examen de situation du 13 août 2021 que Mme A... aurait sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Au demeurant, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Marne a examiné la possibilité de faire bénéficier à Mme A... une mesure d'admission exceptionnelle au séjour. Le moyen tiré de l'absence d'examen de la situation de Mme A... au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort expressément des termes de la décision contestée que le préfet de la Marne a recherché, au regard des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, si l'intéressée justifiait de liens privés et familiaux stables, anciens et intenses en France. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen par le préfet de la Marne de l'ancienneté et de l'intensité des liens privés et familiaux de la requérante doit être écarté comme manquant en fait.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
5. Mme A... se prévaut de la conclusion d'un pacte civil de solidarité avec un ressortissant français le 16 décembre 2020. Mme A..., qui établit l'existence d'une communauté de vie avec l'intéressé depuis le mois de mars 2020, justifie également de sa présence, certes irrégulière, en France depuis l'année 2017. Toutefois, l'existence de cette communauté de vie présente un caractère trop récent à la date de la décision contestée pour caractériser, en tant que telle, une ancienneté et une stabilité de liens personnels et familiaux sur le territoire français. En outre, Mme A... n'établit pas l'existence d'autres liens privés et familiaux intenses et stables sur le territoire français dans la mesure où elle a indiqué que son fils, né le 6 janvier 2006, ainsi que ses parents, résident encore au Cameroun. Enfin, la promesse d'embauche et la conclusion d'un contrat à durée indéterminée sont postérieurs à la décision contestée. Ainsi, en dépit de la durée de présence de l'intéressée sur le territoire français et compte tenu du caractère récent d'une communauté de vie avec un ressortissant français, la décision de refus de séjour n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Mme A... se prévaut de l'inscription de son fils, B..., né le 6 janvier 2006, à l'EDC Business School de Paris, pour la période académique 2022/2023. Toutefois, en l'absence de liens attestés entre la requérante et son fils et au regard de la circonstance que l'intéressée avait mentionné que son fils résidait au Cameroun, la seule attestation d'inscription, au demeurant postérieure à la décision contestée, ne saurait caractériser une atteinte aux stipulations citées au point précédent.
8. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". Il appartient à l'autorité administrative, en application de ces dispositions, de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié" ou "travailleur temporaire".
9. Mme A... se prévaut d'une promesse d'embauche, postérieure à la décision contestée, qui s'est concrétisée par la conclusion d'un contrat à durée indéterminée le 1er août 2022. Au regard de ce seul élément, et compte tenu de ce qui précède, Mme A... ne peut pas être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées de l'article L. 435-1. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Marne aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de A....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, pour les mêmes motifs qu'exposés précédemment, il n'est pas établi que la décision de refus de séjour serait illégale. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de séjour.
12. En second lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, Mme A... ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit sur le fondement des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que Mme A... ne pouvait légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ne peut dès lors qu'être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
Signé : A. DenizotLa présidente,
Signé : A. Samson-Dye
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 22NC02769