Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020 prononçant sa révocation.
Par un jugement n° 2000588 du 26 juillet 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2021 et 11 mai 2022, M. B... A..., représentée par Me Roger, de la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les droits de la défense ont été méconnus, dès lors qu'il n'a pas bénéficié d'un délai suffisant pour organiser sa défense alors notamment qu'il était en détention provisoire et compte tenu du temps nécessaire pour la consultation de son dossier, qui ne pouvait s'effectuer que sur place, des mouvements sociaux et de l'importance des faits reprochés ; le choix de la date de la commission de discipline tenait à la volonté de lui infliger une sanction avant son départ en retraite ; son droit à être entendu par le conseil de discipline et d'obtenir un report a été méconnu, alors que l'administration a bénéficié d'un report ; la convocation devant le conseil de discipline n'indiquait pas les griefs retenus à son encontre ;
- la sanction est hors de proportion avec la faute commise.
Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Samson-Dye,
- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., commandant de police, a fait l'objet d'une révocation, par arrêté du ministre de l'intérieur du 20 janvier 2020. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.
Sur la légalité externe de l'arrêté portant révocation :
2. Aux termes de l'article 4 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception./ Ce conseil peut décider, à la majorité des membres présents, de renvoyer à la demande du fonctionnaire ou de son ou de ses défenseurs l'examen de l'affaire à une nouvelle réunion. Un tel report n'est possible qu'une seule fois. ".
3. Il est constant que le délai de 15 jours prévu par les dispositions citées au point précédent a été respecté, tant s'agissant de la convocation à la réunion du conseil de discipline initialement prévue le 9 janvier 2020 que pour la seconde convocation à la séance du 14 janvier 2020. Le requérant soutient toutefois que, dans les circonstances de l'espèce, la date retenue ne lui a pas laissé un délai suffisant pour préparer sa défense. Il critique également le rejet de la demande de report formulée par son conseil.
4. La circonstance que M. A... n'ait pas pu être entendu personnellement lors du conseil de discipline, en raison de son placement en détention provisoire, n'a pas pour effet d'entacher, par elle-même, la procédure d'irrégularité, quand bien même il avait exprimé le souhait de présenter ses observations et que les courriers l'informant de la date de ce conseil rappelaient, au titre des droits dont peut bénéficier la personne mise en cause, qu'il pouvait être entendu par la commission.
5. Par ailleurs, le conseil du requérant a sollicité le report de la procédure, par un courrier du 8 janvier 2020. Si l'avocat indiquait avoir pris connaissance seulement à cette date du report de la réunion au 14 janvier, il ressort des pièces du dossier que son client en avait été informé dès le 24 décembre 2019. Si le requérant évoque par ailleurs, pour contester le maintien du conseil de discipline au 14 janvier 2020, les difficultés de déplacement liées au mouvement de grève et aux manifestations qui ont eu lieu au cours de cette journée, ces difficultés ne pouvaient être regardées comme imposant un report de cette réunion, à laquelle les membres du conseil de discipline ont pu participer, à l'exception de ceux qui ont été excusés pour raison de service. De même, si M. A... relève que le conseil de discipline s'est réuni peu après les fêtes de fin d'année, il ne fait état d'aucune circonstance précise ayant rendu impossible pour lui la préparation de sa défense de ce fait, et notamment la consultation de son dossier, par l'intermédiaire de son avocat, quand bien même cette consultation ne pouvait se faire que sur place à Paris. Enfin, le courrier du conseil du requérant sollicitant le report évoquait une impossibilité pour les témoins que son client souhaitait faire entendre de se déplacer en raison de mouvements de grève, tout en mentionnant la " grève dure " des avocats, sans d'ailleurs préciser s'il la suivait lui-même et le conseil du requérant demandait le renvoi " à une date qui ne saurait être moindre que celle de la détention provisoire actuelle ". Au regard de la multiplicité des motifs invoqués, de leur nature et des circonstances de l'espèce, le conseil de discipline a pu légalement rejeter cette demande de report. La circonstance que l'administration ait souhaité achever la procédure disciplinaire avant la retraite de l'intéressé est sans incidence, par elle-même, sur la régularité de cette procédure. De même, M. A... ne saurait se prévaloir d'une rupture d'égalité tenant au fait que sa demande de renvoi a été rejetée alors que l'administration aurait bénéficié d'un tel report, dès lors que les dispositions citées au point 2 n'interdisent nullement à l'autorité qui a déclenché la procédure disciplinaire et qui conduit cette procédure de modifier la date à laquelle le conseil de discipline est appelé à se réunir.
6. Le requérant relève également que les convocations qui lui ont été adressées ne mentionnent pas les griefs retenus à son encontre. Il est vrai que les convocations adressées à l'intéressé indiquaient qu'il était susceptible de faire l'objet d'une des sanctions prévues par l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, et mentionnaient ses droits, et notamment celui d'obtenir communication de l'intégralité de son dossier individuel, mais ne précisaient pas les manquements qui lui étaient reprochés. Toutefois, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration de faire mention, dans la convocation devant le conseil de discipline, des faits reprochés à un fonctionnaire de l'Etat. En l'espèce, le requérant a été informé de certains des agissements justifiant l'initiation de la procédure disciplinaire au début de son audition dans le cadre de l'enquête administrative, avant de refuser d'y prendre part tant que la procédure pénale ne serait pas terminée. De plus, il a été mis en mesure de consulter son dossier qui, d'après les éléments transmis par l'administration, comprenait notamment une synthèse de l'enquête administrative énumérant les manquements susceptibles d'être retenus. Dans ces conditions, et comme l'ont retenu à juste titre les premiers juges, l'administration avait mis M. A... en mesure de prendre connaissance des manquements qui lui étaient reprochés et de préparer ainsi utilement sa défense.
7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été porté atteinte aux droits de la défense. Les moyens tirés de l'insuffisance du délai imparti pour assurer sa défense, de la violation des droits d'être entendu et d'obtenir un report du conseil de discipline et de l'absence de mention des motifs de la convocation devant le conseil de discipline doivent être écartés.
Sur la légalité interne de l'arrêté portant révocation :
8. La sanction prononcée est motivée par plusieurs faits, dont le ministre de l'intérieur estime qu'ils caractérisent un grave manquement aux obligations statutaires et déontologiques s'imposant aux fonctionnaires de police, en terme d'exemplarité, de protection des personnes, d'obéissance, de loyauté, d'obligation de rendre compte et de respect des règles d'utilisation des fichiers. L'arrêté litigieux retient que ces agissements portent une atteinte grave et publique au crédit et au renom de l'institution policière et sont incompatibles avec les fonctions et la qualité de fonctionnaire de police nationale, justifiant une mesure de révocation.
9. Les manquements reprochés à M. A... tiennent notamment au fait que l'intéressé a profité à plusieurs reprises de ses fonctions pour séduire, ou tenter de séduire, des jeunes femmes, parfois mineures, pour en tirer un avantage personnel, et notamment des faveurs sexuelles. Il est vrai que l'intéressé a été relaxé par les juridictions pénales des faits d'agression sexuelle et de viols, la condamnation prononcée à son égard portant sur les seuls délits de consultation régulière de sites pédopornographiques et de détention d'images pédopornographiques. Toutefois, la relaxe partielle dont il a bénéficié est sans incidence sur l'existence de la faute disciplinaire en question, qui n'est pas conditionnée par une telle qualification pénale.
10. L'arrêté litigieux reproche également à M A... d'avoir autorisé l'accès à des locaux ... à des personnes susceptibles d'être en lien avec des individus radicalisés, pour des motifs personnels, sans contrôle, au mépris des règles de sécurité, d'avoir procédé à des attouchements sur la fille de sa collègue, âgée alors de dix ans, d'avoir consulté sans nécessité de service un fichier confidentiel pour en montrer le fonctionnement à une personne non habilitée et de lui avoir révélé des informations concernant un individu fiché S, d'avoir utilisé son matériel professionnel pour consulter des sites pédopornographiques et télécharger des fichiers pédopornographiques, d'avoir photographié des mineurs à leur insu, d'avoir stocké à son domicile plusieurs ordinateurs contenant de très nombreuses notes et documents classifiés confidentiel défense, d'avoir effacé des données pour se prémunir de l'enquête judiciaire, et enfin d'avoir refusé de répondre aux questions posées dans le cadre de l'audition administrative. Au regard de la nature et du nombre des faits reprochés, dont l'existence n'est pas contestée et est au contraire corroborée par les pièces du dossier, et dont la qualification de fautes disciplinaires n'est pas davantage mise en cause par le requérant, la sanction de révocation infligée par l'administration n'est pas disproportionnée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée, dans toutes ses conclusions.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Samson-Dye
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : S. Roussaux La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC02606