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07/11/2023 | FRANCE | N°21NC00482

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 21NC00482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fleury-la-Rivière a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement les sociétés A..., Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et C... à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant la médiathèque municipale, la somme de 1 560 euros en réparation du préjudice constitué par la perte des loyers du garage, augmentée de la somme de 60 euros par mois pour la période courant de janvier 2018 jus

qu'au sixième mois suivant notification du jugement et la somme de 5 000 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Fleury-la-Rivière a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement les sociétés A..., Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et C... à lui verser la somme de 20 000 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant la médiathèque municipale, la somme de 1 560 euros en réparation du préjudice constitué par la perte des loyers du garage, augmentée de la somme de 60 euros par mois pour la période courant de janvier 2018 jusqu'au sixième mois suivant notification du jugement et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802620 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de la commune de Fleury-la-Rivière et a mis à sa charge la somme de 10 287,22 euros au titre des frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 février 2021, la commune de Fleury-la-Rivière, représentée par la SELARL A... Avocats Et Associes, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il écarte la responsabilité des sociétés Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et A... ;

2°) de condamner solidairement ces dernières à lui verser les sommes de 20 000 euros au titre du préjudice matériel et 1 560 euros au titre de la perte de jouissance, à parfaire à concurrence de 60 euros par mois à compter de janvier 2018 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de ces sociétés la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- à titre principal, d'une part, que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle ne rapportait pas la preuve du caractère décennal des désordres et d'autre part, que les autres conditions permettant d'engager la responsabilité décennale des sociétés intimées sont remplies ;

- à titre subsidiaire, qu'elle est fondée à solliciter la condamnation des sociétés intimées au titre de leur responsabilité contractuelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 avril 2021, la société A..., représentée par Me Raffin, conclut au rejet de la requête de la commune de Fleury-la-Rivière et à ce que soit mise à sa charge la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité décennale ne saurait être recherchée dès lors que la requérante, qui se borne à renvoyer au rapport d'expertise, n'établit pas que les désordres affectant l'ouvrage sont de nature décennale ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée en l'absence de toute démonstration de fautes de sa part et de lien de causalité avec les dommages relevés.

Par un mémoire, enregistré le 4 octobre 2023, la société Qualiconsult, représentée par la SCP Raffin et Associés, conclut :

- à titre principal, au rejet de la requête ou, à titre subsidiaire, à ce que le montant mis à sa charge soit minoré ;

- par la voie de l'appel incident, à ce que le jugement soit annulé en tant qu'il a rejeté sa demande présentée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- à titre infiniment subsidiaire, à la condamnation solidaire des sociétés Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils, A... et B... père et fils à la garantir de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

- en tout état de cause, à ce que la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de la commune de Fleury-la-Rivière au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle reprend les moyens soulevés en première instance et soutient d'une part, que les désordres ne sont pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs et d'autre part, que sa responsabilité contractuelle ne peut plus être engagée dès lors que la réception de l'ouvrage a été prononcée sans réserve sur les points litigieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2023 et non communiqué, la SAS Le Bâtiment associé, représentée par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Roger, conclut :

- au rejet de la requête ;

- subsidiairement à ce que les sociétés Qualiconsult, Carvalheiro et fils, C... et A... soient condamnées à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Elle soutient que :

- les désordres, très localisés, ne présentent pas de caractère décennal ;

- la réception des ouvrages, prononcée sans réserve, fait obstacle à la que sa responsabilité contractuelle soit engagée à l'égard du maître d'ouvrage ;

- les désordres ne lui sont pas imputables ;

- subsidiairement, la somme demandée au titre du préjudice matériel n'est pas justifiée ; les dommages immatériels devraient être indemnisés à la date du rapport de l'expert ;

- la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Qualiconsult, Carvalheiro et fils, C... et A... est engagée au regard des éléments retenus à leur encontre par l'expert judiciaire, s'agissant de manquements à leurs obligations contractuelles et aux règles de l'art constitutifs de fautes ; la part de responsabilité laissée à sa charge ne saurait excéder 10 %.

Par un courrier du 29 septembre 2023, les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la responsabilité contractuelle, qui n'a pas été soulevée en première instance, constitue une cause juridique distincte de la responsabilité décennale et doit être regardée comme une demande nouvelle irrecevable en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denizot,

- et les conclusions de M. Michel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 11 décembre 2007, la commune de Fleury-la-Rivière a confié la maîtrise d'œuvre des travaux de construction d'une médiathèque à un groupement solidaire auquel appartient la société Alain Laurent A.... Par acte d'engagement du 9 janvier 2008, le contrôle technique a été confié à la société Qualiconsult. Par actes d'engagement du 26 mars 2012, les lots de " gros œuvre et maçonnerie ", " ravalement " et " couverture et étanchéité " ont été confiés respectivement aux sociétés Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et B... père et fils. Postérieurement à la réception des travaux, la commune de Fleury-la-Rivière, le 30 mars 2015 a fait constater par un huissier l'existence d'infiltrations d'eau dans la cantine de la médiathèque et le garage. Le 2 novembre 2015, la commune de Fleury-la-Rivière a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la désignation d'un expert, lequel a déposé son rapport le 26 janvier 2018. Par un jugement du 18 décembre 2020 dont la commune de Fleury-la-Rivière relève appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, d'une part, rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés A..., Qualiconsult, Le Bâtiment associé, Carvalheiro et fils et C... et, d'autre part, mis à sa charge les dépens à hauteur de la somme de 10 287,22 euros.

Sur la responsabilité décennale des constructeurs :

2. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La responsabilité décennale du constructeur peut également être recherchée pour des dommages survenus sur des éléments d'équipement dissociables de l'ouvrage s'ils rendent celui-ci impropre à sa destination. Toutefois, la circonstance que les désordres affectant un élément d'équipement fassent obstacle au fonctionnement normal de cet élément n'est pas de nature à engager la responsabilité décennale du constructeur si ces désordres ne rendent pas l'ouvrage lui-même impropre à sa destination.

3. En premier lieu, lors de la réunion du 18 mai 2016, l'expert a relevé une humidité murale pouvant atteindre jusqu'à 25% dans la salle de la cantine de la médiathèque. L'expert, qui ne se prononce pas sur la nature des désordres, a constaté des coulures d'eau et des traces d'humidité sur le mur de façade au droit du balcon ainsi que sur le garage. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que ces désordres aient évolué postérieurement au rapport d'expertise. Ainsi, en raison du caractère très localisé de ces désordres, qui n'ont pas été aggravés, la commune de Fleury-la-Rivière, qui se borne à soutenir que l'humidité murale élevée au sein de la cantine rend nécessairement l'ouvrage impropre à sa destination, ne démontre pas que les désordres sont de nature décennale.

4. En second lieu, la porte de garage correspond à un élément d'équipement dissociable de la médiathèque. A ce titre, la commune de Fleury-la-Rivière ne démontre pas davantage que le dysfonctionnement de la porte de garage, à supposer même qu'il soit imputable aux infiltrations, est de nature à rendre l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ou à compromettre sa solidité.

Sur la responsabilité contractuelle :

5. Pour la première fois en appel, la commune de Fleury-la-Rivière entend rechercher, à titre subsidiaire, la responsabilité contractuelle des sociétés intimées. Toutefois, ce fondement juridique repose sur une cause juridique distincte de la responsabilité décennale qui avait été invoquée en première instance et constitue une demande nouvelle, qui, présentée pour la première fois en appel, est irrecevable.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Fleury-la-Rivière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais de la première instance :

7. Il résulte des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que le juge peut, pour des raisons tirées notamment de l'équité, dire qu'il n'y a pas lieu de condamner la partie perdante à payer à l'autre partie au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

8. Dans les circonstances de l'espèce, la société Qualiconsult n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais de l'instance d'appel :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des sociétés A... et Qualiconsult présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Fleury-la-Rivière est rejetée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Fleury-la-Rivière, la SARLCTB, la SAS Qualiconsult, la SAS Le Bâtiment associé, la SARL Carvalheiro et fils et la société C....

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- M. Denizot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

Signé : A. DenizotLa présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne à la préfète de l'Aube en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 21NC00482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00482
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: M. Arthur DENIZOT
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : RAFFIN ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-11-07;21nc00482 ?
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