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17/10/2023 | FRANCE | N°23NC00389

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 17 octobre 2023, 23NC00389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2206170 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, sous le numéro 23NC00389, Mme A..., représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2206170 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, sous le numéro 23NC00389, Mme A..., représentée par Me Mbousngok, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1er décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin du 21 juillet 2022 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous une astreinte de 100 euros par jours de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète du Bas-Rhin qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 14 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mai 2023 à midi.

Mme A... a produit un mémoire enregistré le 27 septembre 2023, soit après la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle de Nancy du 27 janvier 2023, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Barteaux, premier conseiller,

- et les observations de Me Mbousngok, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante tchadienne, née en 1967, est entrée régulièrement sur le territoire français le 24 juillet 2016. En raison de son état de santé, elle a été admise temporairement au séjour jusqu'au 13 janvier 2022. Le 7 janvier 2022, elle a sollicité le renouvellement du titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 21 juillet 2022, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Par un jugement du 1er décembre 2022, dont Mme A... fait appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision portant refus de renouvellement d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".

3. D'une part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

4. D'autre part, la partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tout élément permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Pour refuser de renouveler le titre de séjour en qualité d'étranger malade dont bénéficiait Mme A..., la préfète du Bas-Rhin s'est notamment fondée sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 26 avril 2022. Il résulte de cet avis que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et peut voyager sans risque.

6. Il ressort des pièces du dossier que la requérante a été admise au séjour à la suite du diagnostic, en 2016, d'un carcinome canalaire infiltrant de grade III, pour lequel elle a bénéficié de traitements curateurs par chimiothérapie, mastectomie et radiothérapie. Elle souffre, par ailleurs, d'un diabète de type II et d'hypertension artérielle. Elle a produit notamment des certificats médicaux, des convocations à des rendez-vous médicaux, des fiches du bureau exécutif de l'ordre national des médecins d'avril et d'octobre 2022 soulignant l'insuffisance des médecins spécialisés dans le diabète, l'absence de plateau technique et de moyens humains pour assurer le traitement des cancers ainsi que des documents généraux sur les plans mis en place au Tchad pour améliorer le système de santé. Toutefois, ces documents, par leur caractère très général, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII sur la disponibilité des soins nécessaires à ses pathologies, notamment pour son diabète. Si le système de soins au Tchad est moins performant que celui de la France, cette circonstance est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Enfin, l'intéressée n'établit pas qu'elle ne disposerait pas des ressources nécessaires pour suivre un traitement adapté à son état de santé. Enfin, s'agissant plus particulièrement du cancer du sein, pour lequel Mme A... a été admise au séjour, il ressort des pièces du dossier qu'il a été pris en charge et fait seulement, désormais, l'objet d'un suivi tous les six mois. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de renouveler son titre de séjour pour raison de santé, la préfète du Bas-Rhin a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En deuxième lieu, la circonstance que la préfète du Bas-Rhin a mentionné que Mme A... ne justifiait pas être entrée régulièrement sur le territoire français alors qu'elle bénéficiait d'un visa Schengen n'est pas, par elle-même, de nature à établir un défaut d'examen sérieux de sa situation. Il ressort, au contraire, des termes de la décision en litige, qui est motivée de manière circonstanciée, que la préfète du Bas-Rhin a procédé un examen sérieux et particulier de la situation de l'intéressée.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Mme A... se prévaut notamment de la durée de son séjour en France, de la présence sur ce territoire de sa sœur et de son état de santé. Toutefois, il résulte de ce qui précède que la requérante n'a été admise au séjour qu'en raison de son état de santé. Elle n'établit ni avoir tissé des liens d'une intensité, d'une stabilité et d'une ancienneté particulières sur le territoire français, ni être dépourvue d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu la majeure partie de sa vie et où résident ses frères et ses huit enfants. Dans ces conditions, la préfète du Bas-Rhin ne peut être regardée comme ayant porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision contestée a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

11. Mme A... se prévaut des risques pour sa santé en cas de retour au Tchad. Toutefois, il ressort de ce qui a été dit au point 6 du présent arrêt que l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 5 octobre 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Guidi, présidente,

- M. Barteaux, premier conseiller,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : S. BarteauxLa présidente,

Signé : L. Guidi

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

S. Robinet

N° 23NC0038902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC00389
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GUIDI
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : MBOUSNGOK

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;23nc00389 ?
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