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17/10/2023 | FRANCE | N°22NC02950

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 17 octobre 2023, 22NC02950


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfe

t de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 3 novembre 2021 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

Par un jugement n°s 2108326 et 2108327 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 novembre 2022, M. B... et Mme A..., représentés par Me Grün, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2022 ;

2°) d'annuler les décision du 3 novembre 2021 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de leur délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer leurs situations dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Ils soutiennent que :

S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour :

- elle sont entachées d'un vice de procédure dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 425-13 le médecin rapporteur a également siégé au sein du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- les médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'ont pas été régulièrement désignés ;

- elles méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que non seulement les traitements nécessaires ne sont pas disponibles dans son pays mais également qu'il ne peut y accéder effectivement ;

- le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur leurs situations personnelles ;

- le préfet de la Moselle s'est estimé à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et a donc méconnu l'étendue de sa connaissance.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'interdiction de retour sur le territoire français : elles sont dépourvues de base légale en raison de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 janvier 2023, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... et Mme A... ne sont pas fondés.

M. B... et Mme A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 9 novembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Sibileau, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... B... et Mme E... A... sont deux ressortissants arméniens nés respectivement le 8 mars 1964 et le 1er août 1965. M. B... a formulé une demande de titre de séjour sur le fondement de son état de santé et son épouse a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant qu'accompagnant de personne malade. Par des arrêtés du 3 novembre 2021, le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement n°s 2108326 et 2108327 du 1er février 2022 dont M. B... et Mme A... interjettent appel, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes formées contre ces arrêtés.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 du même arrêté : " (...) un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé du demandeur nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

3. D'une part, il ressort des avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration que le médecin-rapporteur ayant rédigé le rapport préalable sur l'état de santé de M. B... n'a pas siégé au sein du collège de médecins de l'Office. D'autre part, contrairement aux affirmations de M. B... et Mme A..., les docteurs Mbomeyo, Mettais-Cartier et Delprat-Chatton ont été régulièrement désignés pour siéger au collège de médecins à compétence nationale de l'OFII par une décision du directeur général de cet Office du 7 juin 2021.

4. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

5. Dans son avis du 10 août 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de son pays d'origine, y bénéficier effectivement d'un traitement adapté et qu'au vu des éléments du dossier et à la date de l'avis, il pouvait voyager sans risque.

6. Les requérants soutiennent que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que non seulement les traitements nécessaires ne sont pas disponibles dans son pays et qu'il ne peut y accéder effectivement. Ce moyen, qui n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté. Par suite, M. B... et Mme A... ne sont pas non plus fondés à soutenir que le préfet de la Moselle a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions édictées sur leurs situations personnelles.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Moselle se serait estimé en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou aurait méconnu l'étendue de sa compétence.

8. En quatrième et dernier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par suite, leur requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles liées aux frais du litige.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. B... et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D..., Mme C..., à Me Grün et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Moselle.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président de chambre,

M. Sibileau, premier conseiller,

Mme Mosser, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. Agnel

Le greffier,

Signé : J.-Y. Gaillard

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

J.-Y. Gaillard

2

N° 22NC02950


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC02950
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : GRÜN

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-10-17;22nc02950 ?
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