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27/06/2023 | FRANCE | N°23NC01845

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 juin 2023, 23NC01845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2203359 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 juin ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois.

Par un jugement n° 2203359 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 juin 2023 et le 23 juin 2023, M. A..., représenté par Me Delphine Noirot, demande au juge des référés de la cour

1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du jugement du 1er décembre 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de procéder au renouvellement du titre de séjour " vie privée et familiale " de M. B... A... ou à défaut réexaminer sa situation administrative dans l'attente de le mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à rester sur le territoire français, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

S'agissant de l'urgence :

- la condition d'urgence est présumée remplie en cas de refus de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, et qu'en l'espèce M. A... n'a pas pu voir sa famille depuis de nombreux mois ;

S'agissant de l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision :

- la décision est entachée d'un vice de forme pour défaut de motivation ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure, M. A... n'a pas eu le droit à un interprète ;

- la décision est entachée d'erreurs de faits ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-6 du CESEDA, M. A... pouvait bénéficier d'un titre de séjour de plein droit car il est marié, père de trois enfants, le préfet ne pouvait se fonder sur des motifs d'ordre public pour lui en refuser la délivrance ;

- M. A... ne représente plus une menace pour l'ordre public, il suit des formations psychologiques et a réglé ses problèmes d'addiction liés à l'alcool et qu'il a un comportement exemplaire en prison ;

- la décision méconnaît l'article L. 423-7 du CESEDA car il est marié à une française, père de trois enfants dont il participe à l'éducation, aux frais de charge et exerce son autorité parentale ;

- la décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'il est porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, il a le centre de ses intérêts familiaux en France avec son épouse et ses enfants, et a continué à travailler malgré le régime de semi-liberté auquel il est astreint et souhaite continuer à travailler mais sa situation irrégulière l'en empêche ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

S'agissant de la condition d'urgence :

- la condition d'urgence est présumée remplie en cas de refus de renouvellement de titre de séjour ou d'un retrait de titre de séjour, et en l'espèce M. A... n'a pas pu voir sa famille depuis de nombreux mois ;

S'agissant de l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de la décision :

- la décision est entachée d'un vice de forme pour défaut de motivation ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure, M. A... a reçu notification de la décision sans la présence d'une traduction par un interprète ;

- M. A... ne représente plus une menace pour l'ordre public, il suit des formations psychologiques et a réglé ses problèmes d'addiction liés à l'alcool et qu'il a un comportement exemplaire en prison ;

- la décision méconnaît l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif qu'il est porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale, il a le centre de ses intérêts familiaux en France avec son épouse et ses enfants, et a continué à travailler malgré le régime de semi-liberté auquel il est astreint et souhaite continuer à travailler mais sa situation irrégulière l'en empêche ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au motif que la durée d'interdiction est excessive et le priverait de sa famille, détruisant la cellule familiale.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 juin 2023 et le 26 juin 2023, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable ;

- la condition d'urgence n'est pas remplie ;

- il n'existe aucun moyen sérieux de nature à créer un doute sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois ;

- il y a lieu de rejeter la demande de condamnation de l'Etat à verser au requérant une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- la requête présentée par Me Noirot pour le compte de M. A..., enregistrée le 14 avril 2023 sous le n° 23NC01162, tendant à l'annulation du jugement du 1er décembre 2022 du tribunal administratif de Nancy et de l'arrêté du 18 novembre 2022 ;

- la décision du 1er septembre 2022 par laquelle la président de la cour a désigné M. Wallerich, président, juge des référés ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Une copie papier du mémoire en défense du 26 juin 2019 du préfet de Meurthe-et-Moselle a été remise au conseil du requérant avant l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président,

- et les observations de Me Noirot, représentante de M. A..., qui reprend les éléments développés dans ses écritures et fait valoir en outre les circonstances nouvelles telles la naissance de la fille du requérant le 22 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 19 octobre 1995 est entré en France le 6 mai 2019, muni de son passeport revêtu d'un visa long séjour valable jusqu'au 5 mai 2020. Il s'est marié le 22 septembre 2018 avec une ressortissante française. Il a bénéficié de deux cartes de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur une période allant du 29 juillet 2019 au 20 août 2021. Incarcéré le 10 février 2021 à la suite à deux condamnations pénales, il a été placé sous le régime de la semi-liberté du 23 mars 2021 au 12 novembre 2021. M. A... a été interpelé le 17 novembre 2022 en état d'ébriété pour ivresse publique lors d'une altercation avec l'un de ses voisins et placé en cellule de dégrisement. Par arrêté du 18 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a obligé l'intéressé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire d'une durée de trente-six mois. M. A..., incarcéré sous mandat de dépôt au centre pénitentiaire de Metz, a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler ces décisions. Par un jugement n° 2203359 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes. M. A... a relevé appel de ce jugement et, par sa requête, demande au juge des référés de prononcer la suspension de l'exécution du jugement du 1er décembre 2022 et de l'arrêté du 18 novembre 2022, jusqu'à ce que la cour statue au fond sur la légalité de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ces effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

En ce qui concerne les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du jugement du 1er décembre 2022 :

3. Les dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative citées au point 2, sur lesquelles se fonde expressément et exclusivement la requête de M. A..., permettent au juge des référés de prononcer uniquement la suspension de l'exécution d'une décision administrative et non d'un jugement. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à la suspension de l'exécution du jugement du 2 mai 2022 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées. M. A... doit être regardé comme demandant la suspension de l'arrêté du 18 novembre 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 36 mois.

Sur les conclusions tendant à la suspension de l'arrêté du 18 novembre 2022 :

4. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". Également aux termes de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions et délais prévus au présent chapitre, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation (...) de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant ". Enfin à l'article L. 614-6 du même code : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon le fondement de la décision portant obligation de quitter le territoire français, aux articles L. 614-4 ou L. 614-5 ".

5. Par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions permettant à l'autorité administrative de signifier à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Eu égard aux caractéristiques particulières de la procédure ainsi définie, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est justiciable de la procédure instituée par les dispositions de l'article L. 521-1 ni devant le juge des référés du tribunal administratif ni devant celui de la cour administrative d'appel. Il en va autrement dans le cas où les modalités selon lesquelles il est procédé à l'exécution d'une telle mesure relative à l'éloignement forcé d'un étranger emportent des effets qui, en raison de changements dans les circonstances de droit ou de fait survenus depuis l'intervention de cette mesure et après que le juge a statué, excèdent ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution.

6. A l'appui de sa demande M. A... se prévaut de la naissance de son troisième enfant né le 22 décembre 2022, qu'il exerce l'autorité parentale sur ses trois enfants et déclare participer à leur éducation et à leur entretien, sa compagne, de nationalité française et ayant un autre enfant d'une précédente relation. Il soutient que ces éléments constituent un changement de circonstances de fait et de droit depuis la mesure d'éloignement qui fait que l'exécution de la mesure comporte des effets qui excéderaient, selon lui, le cadre qu'implique normalement sa mise à exécution et que la décision de mise à exécution aurait pour effet de l'éloigner de sa compagne et de trois enfants, ainsi que de l'enfant de sa compagne né d'une précédente relation, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des dispositions de l'article L. 423-6 et de l'article L. 423-72 de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'atteinte à sa vie privée et familiale serait d'autant plus grave que, selon lui, les effets de son éloignement perdureraient et l'empêcheraient de revenir en France, la mise à exécution porterait aussi, selon le requérant, une atteinte grave et manifestement illégale à sa vie privée et familiale.

7. Toutefois, comme il a été indiqué ci-dessus, M. A..., a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une requête présentée sur le fondement de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sa requête, concernant les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois, a été rejetée par un jugement du 1er décembre 2022. Si le requérant se prévaut de la naissance de sa fille le 22 décembre 2022, postérieurement à la mesure d'éloignement et au jugement du magistrat désigné, il ressort du jugement du 1er décembre 2022 que la naissance prochaine de son enfant était connue à la date à laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal a statué, le requérant s'étant prévalu devant ce magistrat de la grossesse de sa compagne et de la naissance prochaine de son enfant, les éléments relatifs à sa relation avec femme de nationalité et ses liens avec ses deux enfants ainsi que l'enfant de cette dernière né d'une précédente relation dont fait état aussi le requérant n'ont pas connu de changement par rapport à la mesure d'éloignement et le jugement du 1er décembre 2022 qui les a examinés. Dans ces conditions, les circonstances et éléments ainsi exposés par le requérant ne revêtent pas, dès lors, le caractère de changements de circonstances de fait ou de droit de nature à démontrer que l'exécution de la décision d'éloignement emporterait des effets excédant ceux qui s'attachent normalement à sa mise à exécution. M. A... n'est pas ainsi recevable à en discuter devant le juge des référés saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative.

8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin de suspension présentées par le requérant sont manifestement irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. La présente ordonnance n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant doivent dès lors être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Le président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : E. Delors

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

E. Delors

2

N° 23NC01845


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23NC01845
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Avocat(s) : HAVEN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;23nc01845 ?
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