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27/06/2023 | FRANCE | N°22NC01782

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 27 juin 2023, 22NC01782


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2200847 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022

, Mme C..., représentée par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... née B... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er mars 2022 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement no 2200847 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2022, Mme C..., représentée par Me Grosset, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 1er mars 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence de son signataire ;

- la décision de refus de séjour est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendue garanti à l'article 41, paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par un principe général du droit de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation de son état de santé ;

- elle est entachée d'erreur de droit, le préfet s'étant cru lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ;

- elle est entachée de défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur l'Union européenne et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Brodier a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née en 1991 et de nationalité albanaise, est entrée en France le 11 mars 2017, avec son époux et leurs deux enfants mineurs, selon ses déclarations. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile le 20 décembre 2017. Elle a alors fait l'objet d'une mesure d'éloignement par un arrêté du 9 février 2018. Le 30 octobre 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant son état de santé. Par un arrêté du 1er mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme C... relève appel du jugement du 7 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté :

2. Par un arrêté du 8 septembre 2021, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 9 septembre 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a donné délégation à M. Julien Le Goff, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer, à l'exception des arrêtés de conflit, tous les arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, qui incluent notamment les décisions prises en matière de séjour et d'éloignement des ressortissants étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige manque en fait et ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision en litige, par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de délivrer à Mme C... le titre de séjour prévu par les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas une mesure entrant dans le champ d'application du droit de l'Union européenne. Par suite, la requérante ne saurait utilement se prévaloir du droit d'être entendu tel que garanti par un principe général du droit de l'Union européenne ni invoquer l'article 41, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui ne s'adresse pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / (...) ".

5. Il ressort des termes de la décision en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui s'est prononcé au vu des éléments du dossier, notamment des éléments médicaux communiqués par l'intéressée y compris postérieurement à l'avis émis le 22 juin 2020 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ne s'est pas estimé lié par cet avis. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En troisième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. Pour refuser d'admettre Mme C... au séjour en raison de son état de santé, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 22 juin 2020. Selon cet avis, l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces produites par l'intéressée, qui a été suivie en Albanie pour un épisode dépressif sévère à partir de 2014, qu'elle a été prise en charge sur le territoire français pour un état anxio-dépressif associé à des crises d'angoisse, un état d'épuisement psychologique, un état de stress post-traumatique et un deuil pathologique à la suite du décès de son nouveau-né en avril 2019. Toutefois, le certificat médical établi le 13 mai 2022, soit à une date contemporaine de la décision en litige, qui fait notamment état d'un état de santé qui reste vulnérable et d'une fragilité sévère, ne suffit pas à établir que le défaut de prise en charge médicale entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour la requérante. Quant à la circonstance que son état d'épuisement psychologique et de stress post-traumatique trouverait son origine dans un traumatisme subi en Albanie, ce qui ferait obstacle à la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, elle est sans incidence sur le motif de la décision en litige, de même que le fait que la requérante serait sans ressource. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour.

8. En quatrième lieu, il ressort de la décision de refus de séjour que le préfet de Meurthe-et-Moselle a tenu compte de la durée de présence en France de Mme C..., de son maintien irrégulier sur le territoire, de ce qu'elle ne justifiait pas d'une particulière insertion dans la société française ni même y avoir fixé le centre de ses intérêts, de ce que son époux ne possédait pas de titre de séjour et qu'il faisait également l'objet d'une mesure d'éloignement, enfin de ce qu'elle n'était pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine. Le préfet a considéré qu'elle ne pouvait pas se prévaloir d'une vie privée et familiale telle qu'un refus de séjour y porterait une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait entachée de défaut de motivation et de défaut d'examen de sa situation personnelle.

9. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Mme C... se borne à soutenir qu'elle ne dispose d'aucune attache dans son pays d'origine et à sa prévaloir de ce qu'elle réside depuis plus de cinq années en France avec son époux et leurs deux enfants mineurs. Ces circonstances ne permettent toutefois pas d'établir que le refus de lui délivrer un titre de séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, alors en particulier que son conjoint est également en situation irrégulière. Dès lors, et alors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne garantit pas à l'étranger le droit de choisir le lieu le plus approprié pour poursuivre sa vie privée, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaît ces stipulations.

11. En dernier lieu, aux termes du 1. de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

12. Si la requérante se prévaut de la scolarisation de ses enfants depuis cinq années sur le territoire français et de ce qu'ils ne sauraient pas écrire l'albanais, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas poursuivre une scolarité dans leur pays d'origine. Il n'est pas non plus établi que les attaches qu'ils auraient développées en France, lesquelles ne sont au demeurant étayées par aucune pièce, seraient telles qu'elles feraient obstacle au refus de titre de séjour qui lui a été opposé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... née B..., à Me Grosset et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 25 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Samson-Dye, présidente,

- Mme Bourguet-Chassagnon, première conseillère,

- Mme Brodier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2023.

La rapporteure,

Signé : H. Brodier La présidente,

Signé : A. Samson-Dye

La greffière,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

M. A...

2

N° 22NC01782


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC01782
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON-DYE
Rapporteur ?: Mme Hélène BRODIER
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-06-27;22nc01782 ?
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