Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 14 décembre 2020, par lequel la préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence dans le département de la Marne pour une durée de 27 jours et l'a astreint à se présenter les mardis, mercredis et jeudis à la brigade de gendarmerie de Vitry-le-François.
Par un jugement n° 2002593 du 21 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Moselle de réexaminer sa situation et de faire procéder à la suppression par les services compétents dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Gabon en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à M. A... si l'admission définitive à l'aide juridictionnelle devait lui être refusée.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 janvier 2021 et 25 novembre 2021, la préfète du Bas-Rhin demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande de M. A....
Elle soutient que :
- si les délais de réadmission sont échus, le recours contre le placement en rétention n'est pas privé d'objet ;
- sa requête a été présentée dans le délai d'appel ;
- c'est à tort que le premier juge a estimé que l'assignation à résidence en litige devait être précédée d'une procédure contradictoire ; cette décision est suffisamment motivée.
Par un mémoire enregistré le 6 mars 2023, M. A..., représenté par Me Gabon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil.
Il soutient que l'appel est irrecevable, dès lors qu'il a perdu son objet puisque la cour a été saisie après l'expiration du délai de transfert et l'arrêté d'assignation ne peut plus produire d'effet.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Samson-Dye a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant afghan né le 27 novembre 1970, est entré en France en juillet 2020, selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Par un arrêté du 17 août 2020, le préfet de police de Paris a ordonné son transfert aux autorités autrichiennes. Par un arrêté du 14 décembre 2020, la préfète du Bas-Rhin l'a assigné à résidence, pendant une durée de 27 jours. Par un jugement du 21 décembre 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cette assignation à résidence. La préfète du Bas-Rhin relève appel de ce jugement.
Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A... :
2. La circonstance qu'à la date de la saisine de la cour, le délai de remise aux autorités autrichiennes serait expiré ne saurait avoir pour effet de priver d'objet la présente instance, contestant l'annulation d'une décision portant assignation à résidence, qui a de surcroît été exécutée. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'appel serait irrecevable pour avoir été privé d'objet dès son introduction.
Sur le moyen d'annulation retenu par le jugement attaqué :
3. Pour annuler l'arrêté litigieux, le premier juge a retenu que le défaut de mise en œuvre de la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration préalablement à l'édiction de l'assignation à résidence entachait cette décision d'un vice de procédure.
4. Toutefois, il résulte des dispositions des livres VI et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant assignation à résidence. Dès lors, les dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre de l'arrêté contesté. L'administration n'était donc pas tenue, sur le fondement de ces dispositions, d'inviter le requérant à faire valoir ses observations spécifiquement sur l'assignation à résidence dont il a fait l'objet.
5. Il suit de là que la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le défaut de procédure contradictoire pour annuler l'arrêté litigieux. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif.
Sur les autres moyens :
6. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. C... D..., chef du bureau de l'asile et de la lutte contre l'immigration irrégulière de la préfecture du Bas-Rhin, qui avait reçu délégation pour signer une partie des actes relevant de la compétence du préfet, et notamment, les assignations à résidence, en vertu d'un arrêté préfectoral du 17 novembre 2020, régulièrement publié, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme B.... Dès lors qu'il n'est pas établi que Mme B... n'aurait pas été effectivement empêchée, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
7. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux comporte un exposé suffisamment précis des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, de sorte que M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il est insuffisamment motivé.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ". Il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il résulte, toutefois, également de la jurisprudence de la Cour de Justice que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.
9. De plus si, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour, il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur les décisions accompagnant cette décision, et en particulier l'assignation à résidence, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.
10. En l'espèce, M. A... a bénéficié le 3 juillet 2020 d'un entretien individuel lors duquel il a été mis en mesure de présenter, de manière utile et effective, ses observations sur les mesures envisagées. En outre, il ne démontre pas qu'il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise la décision contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à cette décision. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que son droit à être entendu aurait été méconnu.
11. En quatrième lieu, les conditions dans lesquelles l'arrêté litigieux a été notifié à M. A... sont sans incidence sur la légalité de cette décision. Le moyen tiré de ce qu'il n'a pas été informé de ses droits lors de cette notification et n'a pas été assisté d'un interprète à cette occasion, en méconnaissance des articles R. 561-5 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est, de ce fait, inopérant.
12. En cinquième lieu, le délai de transfert de six mois mentionnés au point 1 du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 a commencé à courir à compter de l'acceptation par les autorités autrichiennes de la requête aux fins de reprise en charge de M. A..., adressée par leurs homologues français. Il ressort des pièces du dossier que cet accord est intervenu le 10 juillet 2020. Par suite, le délai de six mois n'était pas expiré à la date de la décision d'assignation à résidence, intervenue le 14 décembre 2020. De plus, et compte tenu de la limitation de la durée de l'assignation à 27 jours, ce délai n'est pas davantage parvenu à expiration au cours de la période de validité de cette mesure. M. A... n'est donc pas fondé à soutenir que l'assignation à résidence serait entachée d'une erreur de droit du fait de l'expiration du délai de transfert.
13. En sixième lieu, si le requérant se prévaut d'une atteinte à sa liberté d'aller et de venir, il rentre dans le champ d'application du 1° bis de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant l'édiction d'une assignation à résidence et il ne fait état d'aucune circonstance précise de nature à établir que sa situation personnelle serait incompatible avec l'assignation à résidence dans le département de la Marne dont il fait l'objet. S'il indique qu'il ne dispose pas des moyens financiers pour se conformer à l'obligation de présentation au commissariat de Vitry-le-François le mardi, le jeudi et le vendredi, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation, alors de surcroît qu'il dispose d'un logement dans la commune en question, selon les mentions non contestées de l'arrêté litigieux.
14. Aucun des moyens invoqués pour contester l'arrêté litigieux n'étant fondé, la préfète du Bas-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le premier juge a fait droit aux conclusions aux fins d'annulation et relatives aux frais d'instance de M. A.... Ce dernier ayant la qualité de partie perdante en appel, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant la cour ne peuvent également qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 2002593 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 21 décembre 2020 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Châlons-enChampagne et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, à M. E... A... et à Me Gabon.
Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Samson-Dye, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- M. Denizot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023
La présidente-rapporteure,
Signé : A. Samson-Dye
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : S. Roussaux La présidente,
V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. BassoLa greffière,
N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC00220