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02/02/2023 | FRANCE | N°20NC02853

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 02 février 2023, 20NC02853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, dans une requête enregistrée sous le n° 1900086, d'annuler l'avis défavorable, émis par le maire de (ANO)Villard-sur-Bienne( /ANO) le 12 novembre 2018, relatif à son avancement au grade d'adjoint administratif territorial principal de première classe, d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2018 par lequel le maire de Villard-sur-Bienne a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de troi

s jours et de condamner la commune ... à lui verser une somme de 5 000 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, dans une requête enregistrée sous le n° 1900086, d'annuler l'avis défavorable, émis par le maire de (ANO)Villard-sur-Bienne( /ANO) le 12 novembre 2018, relatif à son avancement au grade d'adjoint administratif territorial principal de première classe, d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2018 par lequel le maire de Villard-sur-Bienne a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois jours et de condamner la commune ... à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon, dans une requête enregistrée sous le n° 1901339, de condamner la commune ... à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.

Par un jugement n° 1900086, 1901339 du 6 août 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les deux recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 septembre 2020, Mme B... A..., représentée par Me Stuckle, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 6 août 2020 ;

2°) d'annuler l'avis défavorable, émis par le maire de Villard-sur-Bienne le 12 novembre 2018, relatif à son avancement au grade d'adjoint administratif territorial principal de première classe ;

3°) d'annuler l'arrêté du 16 novembre 2018 par lequel le maire de Villard-sur-Bienne a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois jours ;

4°) de condamner la commune ... à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ;

5°) de condamner la commune ... à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont elle a été victime ;

6°) de mettre les dépens à la charge de la commune ... ;

7°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune ... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la légalité de l'arrêté du 16 novembre 2018 :

- il est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- la sanction infligée est disproportionnée ;

Sur la légalité du courrier du 12 novembre 2018 :

- il s'agit d'une sanction disciplinaire non prévue par le statut ;

- cette sanction repose sur des faits matériellement inexistants ;

Sur le harcèlement moral en tant que fait générateur de responsabilité :

- elle est victime de harcèlement moral ;

Sur l'évaluation du préjudice subi en raison du harcèlement moral :

- il peut être évalué à 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, la commune ... conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Clément, pour la commune ....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., adjointe administrative principale de deuxième classe, a été recrutée par la commune de Villard-sur-Bienne à compter du 1er octobre 2015 en qualité de secrétaire de mairie. Le 12 novembre 2018, le maire de Villard-sur-Bienne a informé la commission administrative paritaire qu'il émettait désormais un avis défavorable à l'avancement de Mme A... au grade d'adjoint administratif territorial principal de première classe. Par un arrêté du 16 novembre 2018, le maire de Villard-sur-Bienne a infligé à Mme A... la sanction disciplinaire de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours. Par un premier recours, enregistré sous le n° 1900086, la requérante a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler le courrier du 12 novembre 2018 et l'arrêté du 16 novembre 2018 et de condamner la commune ..., venue aux droits de la commune de Villard-sur-Bienne, à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Par un second recours enregistré sous le n° 1901339, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner la commune ... à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Par un jugement commun du 6 août 2020 dont Mme A... interjette appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces deux recours après les avoir joints.

Sur la légalité de la lettre du 12 novembre 2018 :

2. Mme A... conclut à l'annulation du courrier du 12 novembre 2018 par lequel le maire de Villard-sur-Bienne demande au président de la commission administrative paritaire compétente de réviser l'avis déjà émis par cette commission à l'occasion de l'avancement de l'intéressée au grade d'adjoint administratif territorial de première classe. Contrairement à ce que soutient la requérante, ce courrier, qui n'a pas pour effet de dégrader objectivement la situation professionnelle de l'agent, ne constitue pas une sanction. Par conséquent, Mme A... n'est pas fondée à soutenir, en tout état de cause, que l'acte attaqué constitue une sanction irrégulièrement émise à son encontre.

Sur la légalité de l'arrêté du 16 novembre 2018 :

3. En premier lieu, la décision du 16 novembre 2018 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle précise notamment qu'il est reproché à l'intéressée d'avoir manqué à plusieurs obligations professionnelles dont celle d'obéissance et de discrétion professionnelle notamment à l'occasion de la diffusion aux membres du conseil municipal d'une correspondance dans laquelle elle critique de manière véhémente le maire. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté du 16 novembre 2018 doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / l'avertissement ; / le blâme ; / l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ".

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

6. Il ressort des pièces du dossier que le 7 juin 2017 Mme A... a transmis aux membres du conseil municipal un courriel destiné au maire de la commune dans lequel l'intéressée conteste de manière directe et véhémente non seulement la manière dont celui-ci détermine les priorités de l'action communale ainsi que leur déclinaison pratique mais également de façon brutale et rude la manière dont certains de ses collègues accomplissent leur service. De surcroît, il ressort également des pièces du dossier et notamment du courrier de la requérante du 20 juin 2017 que cette dernière a refusé pendant une période courant au moins de mai 2017 à septembre 2017 de régler les factures de l'accueil de loisirs sans hébergement alors qu'elle accomplissait habituellement cette tâche depuis le mois d'octobre 2016. Enfin, il ressort des pièces du dossier et notamment d'un courrier électronique adressé à un conseiller municipal le 8 décembre 2017 que Mme A... a décrit, dans des termes injurieux, le travail et la personne de plusieurs collaborateurs, à l'occasion d'un entretien avec un des administrés de la commune.

7. Ainsi, eu égard à la nature, à la gravité et à la répétition des faits reprochés à Mme A... comme à la nature de ses fonctions de secrétaire de mairie, le maire de Villard-sur-Bienne qui n'a d'ailleurs infligé à l'intéressée qu'une sanction du premier groupe, n'a pas, adopté une sanction disproportionnée en prononçant la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois jours.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne l'illégalité fautive :

8. Les conclusions indemnitaires sont fondées sur l'illégalité fautive du courrier du 12 novembre 2018 et de l'arrêté du 16 novembre 2018. Il résulte de ce qui précède que cette illégalité n'est pas établie. Par suite, les conclusions indemnitaires en réparation du préjudice qui trouverait son origine dans l'illégalité de ces deux décisions doivent, dès lors, être rejetées.

En ce qui concerne le harcèlement moral :

9. Aux termes de l'alinéa premier de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 susvisé dans sa rédaction alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

10. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

11. Mme A... soutient faire l'objet d'une discrimination en raison de sa religion. S'il résulte de l'instruction que le maire de Villard-sur-Bienne a interrogé la requérante sur sa pratique religieuse lors de son embauche, cette circonstance regrettable est restée isolée et n'a pas eu de conséquences objectivement défavorable sur le recrutement de l'intéressée ou le déroulement de sa carrière au sein des services de la mairie. Par ailleurs, la requérante soutient avoir essuyé des réflexions qu'elle juge désagréables sur des absences rendues nécessaires pour des motifs médicaux. Toutefois, cette circonstance à la supposer établie n'est pas de nature à constituer une manifestation de harcèlement moral. De surcroît, si Mme A... soutient avoir été exclue de plusieurs évènements festifs ou officiels, il résulte de l'instruction et notamment d'un courrier électronique de l'intéressée en date du 29 mai 2018 que celle-ci a de sa propre initiative refusé de participer à l'inauguration d'un nouvel équipement public malgré une invitation expresse et personnelle. Si Mme A... soutient ne pas avoir été invitée aux vœux prononcés par le maire à l'occasion de la nouvelle année, il ne résulte pas de l'instruction que les agents de la commune aient bénéficié d'une invitation individuelle. Enfin, si Mme A... soutient que ces fonctions ont été amputées de certaines prérogatives comme sa participation aux réunions du conseil municipal, il résulte de l'instruction et notamment du courrier du 20 juin 2017 que c'est de sa propre initiative que la requérante n'a plus été présente lors des délibérations de l'assemblée territoriale.

12. Il résulte de ce qui précède que Mme A... ne peut être regardée comme apportant un faisceau d'indices suffisamment probants pour permettre de considérer comme au moins plausible le harcèlement moral dont elle s'est dit victime de la part du maire de Villard-sur-Bienne. Par suite ses conclusions à fin d'indemnisation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune ..., qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par la commune ..., au même titre.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune ... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la commune ....

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : S. RobinetLa République mande et ordonne au préfet du Jura en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC02853


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02853
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : DSC AVOCATS TA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2023-02-02;20nc02853 ?
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