Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 25 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour en France pendant deux ans.
Par un jugement n° 2102123 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 juin 2021, sous le n° 21NC0175, M. B..., représenté par Me Kilinç, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 25 mai 2021 ;
2°) d'annuler la décision en date du 25 février 2021 par laquelle la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, moyennant la renonciation de son avocat à percevoir la contribution versée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- si M. B... a sollicité à tort une carte de résident de dix ans, la préfète du Bas-Rhin aurait dû automatiquement examiner sa situation à l'aune de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sa cellule familiale est désormais constituée en France ;
- que la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
- qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2022, la préfète du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,
- et les observations de Me Kilinç pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant turc né le 1er janvier 1969, est entré en France le 3 septembre 2000. Il a bénéficié d'un titre de séjour en raison de sa relation avec une compatriote à qui a été reconnue le statut de réfugiée. Le 8 janvier 2002, il a été incarcéré à la maison d'arrêt de Strasbourg et par une décision du 8 janvier 2002, le renouvellement de son titre de séjour a été refusé. Le 18 juin 2004, il a été condamné à une peine de dix ans de réclusion criminelle pour meurtre et violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours. Il a été libéré le 8 décembre 2008 et s'est vu délivrer un titre de séjour valable jusqu'au 4 mai 2012. Il a sollicité le 6 mai 2013, le renouvellement de son titre de séjour. Par un courrier du 22 décembre 2020, il a sollicité la délivrance d'une carte de résident en se prévalant de sa situation professionnelle. Par un arrêté du 25 février 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour en France pendant deux ans. M. B... relève appel du jugement du 25 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, lorsqu'elle est saisie d'une demande de titre de séjour sur le fondement d'une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète du Bas-Rhin n'est pas tenue, en l'absence de dispositions en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à un titre sur le fondement d'une autre disposition de ce code. Or, en l'espèce, il ressort des écritures de M. B... comme de ses déclarations à la barre que l'intéressé n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions et de ce que la préfète du Bas-Rhin n'a pas examiné la situation de l'intéressé à l'aune des dispositions ci-dessus mentionnées ne peuvent qu'être écartés.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
4. M. B... soutient que la majorité de sa famille vit en France, qu'il vit sur le territoire national depuis plus de 20 ans, que ses enfants vivent en France, que la cellule familiale ne peut se reconstituer en Turquie car il n'est pas marié à sa compagne. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé se maintient irrégulièrement en France depuis près de dix ans, que ses enfants, dont la présence sur le territoire avait pu justifier antérieurement la délivrance de titres de séjour, sont désormais majeurs, qu'il n'est pas établi par les seules allégations de M. B... que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans le pays de l'intéressé, qu'il a été condamné par la cour d'assises du Bas-Rhin à dix ans de réclusion criminelle pour meurtre et violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas 8 jours. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, l'arrêté litigieux du 25 février 2021 n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Ainsi, la préfète du Bas-Rhin n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement et de l'interdiction de retour sur le territoire français sur la situation personnelle de l'intéressé.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Agnel, président de chambre,
M. Sibileau, premier conseiller,
Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 novembre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-B. SibileauLe président,
Signé : M. A...
Le greffier,
Signé : J.-Y. Gaillard
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
J.-Y. Gaillard
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N° 21NC01755