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20/10/2022 | FRANCE | N°20NC02203

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 20 octobre 2022, 20NC02203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle le maire de Charleville-Mézières a rejeté sa demande en date du 6 mars 2018 tendant, d'une part, à obtenir la reconnaissance du statut d'agent de la commune ainsi que le bénéfice de l'ensemble des garanties applicables à la procédure de licenciement dont il estime avoir fait l'objet et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation, au regard des droits applic

ables aux agents contractuels de droit public, du 1er juillet 2018 au 30 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 5 avril 2018 par laquelle le maire de Charleville-Mézières a rejeté sa demande en date du 6 mars 2018 tendant, d'une part, à obtenir la reconnaissance du statut d'agent de la commune ainsi que le bénéfice de l'ensemble des garanties applicables à la procédure de licenciement dont il estime avoir fait l'objet et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation, au regard des droits applicables aux agents contractuels de droit public, du 1er juillet 2018 au 30 juin 2020.

Par un jugement n° 1801359 du 23 mars 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020 et des mémoires complémentaires enregistrés le 31 août 2020 et le 5 octobre 2021, M. C... E..., représenté par Me Lienhardt, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 mars 2020 ;

2°) d'annuler la décision du maire de Charleville-Mézières en date du 5 avril 2018 refusant de régulariser sa situation d'agent public et confirmant qu'il était mis fin à ses fonctions le 30 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Charleville Mézières de régulariser sa situation dans ses droits en qualité d'agent contractuel de droit public à compter du 1er juillet 2018 jusqu'au 30 juin 2020 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable dès lors que la décision lui fait grief ;

- la décision du 5 avril 2018 est entachée d'incompétence ;

- la décision du 5 avril 2018 méconnaît l'article 47 de la loi du 7 juillet 2016 ;

- le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a inexactement apprécié les faits de la cause ;

- il a en réalité fait l'objet d'un licenciement et celui-ci est illégal en raison de son absence de motivation en droit et, à titre subsidiaire, du non-respect de la procédure prévue par l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 et du non-respect des procédures en cas de fin de contrat d'un agent contractuel de la fonction publique territoriale.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 octobre 2020 et le 22 novembre 2021, la commune de Charleville-Mézières, représentée par Me Burel, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. E... au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable dans la mesure où elle est dirigée contre un acte non décisoire ;

- les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;

- le décret n°88-145 du 15 février 1988

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lienhardt pour M. E... et de Me Dumont pour la commune de Charleville-Mézières.

Considérant ce qui suit :

1. A compter du 1er septembre 2012, l'association " La Question du beurre ", qui a notamment pour objet la production, dans le cadre d'une compagnie de théâtre, de spectacles et évènements, a conclu avec la commune de Charleville-Mézières une convention de résidence théâtrale, renouvelée chaque année. La dernière convention, signée le 1er septembre 2017, expirait le 30 juin 2018. En dépit de la signature d'une attestation, établie le 27 septembre 2017 indiquant que cette convention serait de nouveau reconduite pour la saison suivante, le directeur du théâtre de Charleville-Mézières a verbalement annoncé, le 2 février 2018, que la convention ne serait pas reconduite à son échéance, la commune ayant fait le choix d'accueillir en résidence une nouvelle compagnie. Par un courrier du 6 mars 2018, M. E..., qui exerce, au sein de cette association, les professions d'auteur dramatique, de metteur en scène et d'acteur, a sollicité du maire de la commune la reconnaissance du statut d'agent de la commune ainsi que l'ensemble des garanties attachées à la procédure de licenciement dont il soutient avoir fait l'objet. Par un courrier du 5 avril 2018, le maire de la commune a indiqué à l'intéressé que la convention liant l'association " La Question du beurre " à la commune était arrivée à son terme et qu'il ne pouvait prétendre au bénéfice des règles régissant la situation des agents non titulaires. Par un jugement du 23 mars 2020 dont M. E... interjette appel, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté le recours formé contre la décision du 5 avril 2018.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, M. A... B..., septième adjoint au maire de Charleville-Mézières, disposait d'une délégation de signature prise par un arrêté du 8 septembre 2015 pour définir les orientations et conduire la politique municipale " en matière de vie, d'animation et de développement culturels " et de signer notamment " 1° Les décisions relatives au fonctionnement et à l'utilisation des établissements, locaux et équipements culturels, notamment les musées, le théâtre, l'école de musique et la salle du Forum [...] ". Le requérant soutient que la décision du 5 avril 2018 a été prise par une autorité incompétente car l'acte attaqué a pour objet la situation d'un agent contractuel de la commune et non le fonctionnement et l'utilisation des établissements culturels locaux comme le théâtre. Toutefois, la décision du 5 avril 2018 qui se fonde sur la fin de la convention de résidence théâtrale entre la commune de Charleville-Mézières et l'association " La Question du beurre " pour rejeter la demande présentée par l'intéressé relève du domaine de compétence de l'adjoint en charge de l'animation et du développement culturels. Par conséquent, contrairement à ce que soutient M. E..., M. B... était matériellement compétent pour prendre la décision attaquée. Il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article 47 de la loi du 7 juillet 2016 :" I. - Lorsque les collectivités territoriales ou leurs groupements, au sens du deuxième alinéa de l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, agissent en qualité d'entrepreneur de spectacles vivants, les artistes du spectacle vivant qu'ils engagent pour une mission répondant à un besoin permanent sont soumis aux dispositions applicables aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. / II. - Ces artistes sont soumis au code du travail lorsqu'ils sont employés dans les conditions prévues au 3° de l'article L. 1242-2 du même code. ". Aux termes de l'alinéa premier de l'article L. 7133-2 du code du travail : " Est entrepreneur de spectacles vivants toute personne qui exerce une activité d'exploitation de lieux de spectacles, de production ou de diffusion de spectacles, seul ou dans le cadre de contrats conclus avec d'autres entrepreneurs de spectacles vivants, quel que soit le mode de gestion, public ou privé, à but lucratif ou non, de ces activités. " Aux termes de l'article L. 1242-2 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : / [...] 3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ; / [...] ".

4. Par ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 7 juillet 2016, le législateur a adopté un dispositif écartant la solution retenue par le Tribunal des conflits dans sa décision n° C3792 du 8 juin 2011 dans laquelle il a estimé qu'il résulte des dispositions spécifiques des articles L. 620-9 et L. 762-1 du code du travail et 1-1 de l'ordonnance n° 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles que le contrat par lequel une collectivité publique gérant un service public administratif et agissant en qualité d'entrepreneur de spectacle vivant engage un artiste du spectacle en vue de sa participation à un tel spectacle, est présumé être un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail. En vertu de la loi du 7 juillet 2016, le législateur a entendu que les artistes du spectacle employés par des collectivités territoriales pour des missions répondant à un besoin permanent soient des agents contractuels de la fonction publique territoriale.

5. S'il est constant que M. E... exerce, au sein de l'association " La Question du beurre ", les professions d'auteur dramatique, de metteur en scène et d'acteur, il ressort des pièces du dossier que seules la commune de Charleville-Mézières et l'association sont liées depuis 2012 par une convention de résidence théâtrale, renouvelée chaque année jusqu'en 2018. Aux termes des stipulations de ces conventions il incombe à l'association d'assurer " la rémunération des artistes, personnel technique et administratif attachés à la résidence de création ". De même, les conventions d'ateliers théâtre et d'atelier d'écriture théâtrale ont été conclues avec l'association, l'article 2 énonçant que " la compagnie s'engage à rémunérer les intervenants et s'acquittera de l'ensemble des charges sociales et fiscales annexes ". M. E... ne peut donc être regardé comme avoir été engagé par la collectivité au sens de l'article 47 de la loi du 7 juillet 2016 et donc relever du régime applicable aux agents contractuels de la fonction publique territoriale. Par conséquent, les moyens tirés de la méconnaissance de ce régime doivent être écartés comme inopérants.

6. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Charleville-Mézières, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. E..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'appelant la somme demandée par la commune, au même titre.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Charleville-Mézières sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la commune de Charleville-Mézières.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

- M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 octobre 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. D...

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au préfet des Ardennes en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC02203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02203
Date de la décision : 20/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Jean-Baptiste SIBILEAU
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : LIENHARDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-10-20;20nc02203 ?
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