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21/07/2022 | FRANCE | N°20NC03286

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 21 juillet 2022, 20NC03286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 2001007 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2

020, M. A..., représenté par Me Clémang, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté 22 juin 2020 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé.

Par un jugement n° 2001007 du 13 octobre 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Clémang, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2020 pris à son encontre par le préfet du Doubs ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges n'ont pas répondu à l'ensemble des moyens soulevés, notamment ceux tirés de la violation du contradictoire et des droits de la défense, et n'ont pas tenu compte de la production de documents légalisés par les autorités consulaires guinéennes ;

- le préfet a procédé à une analyse manifestement erronée de sa situation en droit et en fait en rejetant sa demande au motif que son identité n'était pas établie, alors qu'il remplit l'ensemble des conditions fixées par l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- d'une part, le rapport de la police aux frontières (PAF), pour conclure au caractère apocryphe des documents produits, se fonde sur des propos d'ordre généraux, qui sont la reprise de la note émise le 1er décembre 2017 par la division de l'expertise de la fraude documentaire ; les seules circonstances que le jugement supplétif ne fait pas état de la date et du lieu de naissance des parents et ait été rendu de façon expéditive ne sont pas de nature à établir son absence d'authenticité ; le caractère frauduleux de la légalisation de la signature des auteurs des documents produits par une juriste du ministère des affaires étrangères guinéen n'est pas établi et, en tout état de cause, les documents ont été légalisés par les autorités consulaires guinéennes compétentes postérieurement au rapport de la PAF le 4 juin 2020 de sorte qu'à ce jour leur authenticité ne peut plus être mise en doute ;

- d'autre part, s'il est également connu sous le patronyme de Amadou Diallo, cela résulte d'une erreur des services départementaux lors de son arrivée en France et corrigée depuis.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Picque, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen, qui déclare être né le 4 avril 2002 et être entré irrégulièrement en France au mois de janvier 2019, a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance du Doubs à compter du 12 février 2019. Le 24 février 2020, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 22 juin 2020, le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 13 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que, dans ses écritures de première instance, M. A..., a soulevé, à l'appui de sa contestation de la décision de refus de titre de séjour, deux moyens tirés de ce que le préfet avait inexactement apprécié sa situation et commis une erreur de droit en estimant que les documents d'état civil joints à sa demande n'étaient pas authentiques et que, pour ce motif, son identité n'était pas établie. Les points 2 à 6 du jugement indiquent les motifs de droit et de fait pour lesquels le tribunal a estimé que ces moyens n'étaient pas fondés. Dès lors, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments venant au soutien de ces moyens et n'était pas saisi d'un moyen tiré de la méconnaissance du principe général des droits de la défense et du contradictoire, a suffisamment motivé son jugement.

Sur l'arrêté attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Doubs s'est fondé sur les circonstances que, selon le rapport technique documentaire réalisé le 28 mai 2020 par le service territorial de l'antenne cellule fraude documentaire de la direction interdépartementale de la police aux frontières de Pontarlier, d'une part, les documents présentés par M. A... pour justifier de son identité étaient des faux et, d'autre part, l'intéressé était également connu sous l'identité de Amadou Diallo pour des faits de fraude et de fausse déclaration en vue de l'obtention de prestation indue par un organisme de prestation sociale.

5. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ". Selon l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". L'article 47 du code de civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'est produit devant l'administration un acte d'état civil émanant d'une autorité étrangère qui a fait l'objet d'une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l'a dressé et l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l'identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l'autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s'assurer de la réalité et de l'authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d'un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d'un acte d'état civil légalisé établi à l'étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, M. A... a présenté un jugement supplétif n° 9588/2019 du tribunal de première instance de Conakry II du 11 mars 2019 tenant lieu d'acte de naissance et un extrait du registre de l'état civil de la commune de Dixinn, ville de Conakry transcrivant ce jugement supplétif. Ces deux documents mentionnent qu'il est né le 4 avril 2002 à Conakry sous le patronyme de Moussa A....

8. Pour contester l'authenticité de ces actes, le rapport d'examen technique documentaire de la police aux frontières relève qu'aucune sécurité documentaire ne permet d'apprécier l'authenticité des supports sur lesquels ils sont rédigés, que les impressions réalisées au toner sont une technique accessible à une grande partie de la population, que les cachets humides et les cachets secs présentent plusieurs anomalies, que l'acte de naissance n'est pas complet puisqu'il ne reprend pas l'ensemble des informations nécessitées par les dispositions de l'article 175 du code civil guinéen et que la transcription de l'acte a été réalisée en violation de l'article 601 et 682 du code de procédure civile guinéen.

9. Toutefois, ni les éléments mis en avant par le rapport litigieux, ni la circonstance qu'à son arrivée en France, M. A... ait dans un premier temps été enregistré sous une autre identité, ne sont de nature à établir que les documents présentés par M. A... seraient irréguliers ou faux, ou que les mentions qu'ils contiennent ne correspondraient pas à la réalité, alors que ce dernier a produit en cours d'instance d'appel ces mêmes documents légalisés en date du 4 août 2020. Par suite c'est à tort que le préfet du Doubs, afin de lui refuser le titre de séjour sollicité, a estimé que M. A... ne justifiait pas de son état civil et en particulier de sa date de naissance.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'il soulève, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 22 juin 2020 et, par voie de conséquence, des décisions concomitantes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

12. Les motifs de l'annulation prononcée au point 10 impliquent uniquement que le préfet du Doubs réexamine la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans cette attente, du fait de l'annulation par voie de conséquence de l'obligation de quitter le territoire français, le préfet délivrera immédiatement à M. A... une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur les frais de l'instance :

13. M. A... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001007 du tribunal administratif de Besançon du 13 octobre 2020 et l'arrêté du préfet du Doubs du 22 juin 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'Etat versera à Me Clémang, avocat de M. A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Clémang renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Grossrieder, présidente,

- Mme Roussaux, première conseillère,

- Mme Picque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : A.-S. PicqueLa présidente,

Signé : S. Grossrieder

La greffière,

Signé : N. Basso

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N. Basso

2

N° 20NC03286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03286
Date de la décision : 21/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GROSSRIEDER
Rapporteur ?: Mme Anne-Sophie PICQUE
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : SCP CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 16/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-21;20nc03286 ?
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