Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon à titre principal, d'annuler l'arrêté, du 26 décembre 2019, par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé.
Par un jugement n° 2000310 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 août 2020, M. C..., représentée par Me Abdelli, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juin 2020 du tribunal administratif de Besançon ;
2°) d'annuler la décision du 26 décembre 2019 du préfet du Doubs ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ou, à défaut, dans le même délai, de procéder au réexamen de sa demande, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37-1 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation de son conseil au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le préfet a irrégulièrement qualifié de faux l'acte de naissance présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour ;
- l'avis défavorable des services de la police aux frontières ne saurait permettre d'écarter les documents d'état civil présentés par le requérant ;
- le préfet a méconnu les dispositions de l'article 1er du décret n° 2015-1710 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état-civil étranger, en s'abstenant de saisir les autorités guinéennes ;
- ses documents d'état-civil sont probants et authentiques et le préfet les a, à tort, écartés comme frauduleux ;
- il n'a plus de contact avec sa famille dans son pays d'origine ;
- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2021, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le décret n° 2015-1710 relatif aux modalités d'un acte de l'état civil étranger ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Roussaux, première conseillère,
- et les observations de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... de nationalité guinéenne, se disant né le 1er août 2001, est entré irrégulièrement en France le 24 août 2017. Il a fait l'objet d'un placement provisoire auprès du service d'aide sociale à l'enfance du département du Doubs par une décision du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Gap à compter du 4 septembre 2017, puis a été confié jusqu'à sa majorité à ce même service, par deux jugements en assistance éducative du juge des enfants près le tribunal de grande instance de Besançon en date des 18 octobre 2017 et 31 janvier 2018. M. C... a ensuite bénéficié d'un contrat pour jeune majeur, conclu le 1er août 2019, afin de poursuivre sa scolarité au lycée Duhamel de Dole. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 331-11-7° et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un arrêté du 26 décembre 2019, le préfet du Doubs a rejeté cette demande, a fait obligation à M. C... de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement n° 2000310 du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ". Lorsqu'il examine une demande d'admission au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
3. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...). ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Par ailleurs aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 2015 relatif aux modalités de vérification d'un acte de l'état civil étranger : " Lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. Dans le délai prévu à l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration, l'autorité administrative informe par tout moyen l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. "
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents. Par ailleurs, il résulte des dispositions précitées, d'une part, que, dans le cadre de l'instruction d'une demande de titre de séjour, les services préfectoraux sont en droit d'exiger que, sauf impossibilité qu'il lui appartient de justifier, l'étranger produise à l'appui de cette demande les originaux des documents destinés à justifier de son état civil et de sa nationalité et non une simple photocopie de ces documents et que, d'autre part, l'administration peut mettre en œuvre des mesures de vérifications et faire procéder à des enquêtes pour lutter contre la fraude documentaire des étrangers sollicitant un titre de séjour.
5. En outre, aux termes de l'article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019: " II. - Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet. / La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l'acte a agi et, le cas échéant, l'identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu (...)". Cette légalisation peut être effectuée, en France, par le consul du pays où l'acte a été établi ou par le consul de France dans le pays d'origine de l'étranger.
6. Le préfet du Doubs s'est fondé, pour refuser le titre de séjour à M. C..., sur le caractère non authentique des documents d'état civil fournis résultant du rapport d'examen technique documentaire du 11 décembre 2019 de la police aux frontière qui s'est prononcée au regard de l'extrait d'acte de naissance n° 55 du 7 aout 2001 de la commune de Forécariah et de la carte d'identité consulaire délivrée à M. C... le 27 avril 2018. Ce rapport conclut que l'extrait d'acte de naissance présente des cachets humides de très mauvaise qualité, avec des formes irrégulières, ce qui est incompatible avec les exigences d'un document officiel, que ces mêmes constats entachent la copie certifiée conforme établie par l'officier d'état-civil de la commune de Forécariah et que l'acte de naissance n'a pas fait l'objet d'une double légalisation.
7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'extrait d'acte de naissance a été légalisé par Mme D... B..., chargée des affaires consulaires au sein de l'ambassade de Guinée en France le 2 avril 2019. Par ailleurs, si le rapport technique documentaire relève la très mauvaise qualité des cachets humides apposés sur l'extrait d'acte de naissance et des mentions biographiques manuscrites, il ne relève aucune anomalie interne à l'acte de naissance. Enfin, si le rapport relève les mêmes constats en ce qui concerne le cachet humide de la photocopie certifiée conforme à l'original signée par l'officier d'état civil de la commune de Forécariah, qui ne constitue pas une légalisation au sens et pour l'application de la loi du 23 mars 2019, cet élément ne saurait également suffire à établir que cet acte d'état civil serait irrégulier, falsifié ou inexact. En conséquence, le préfet du Doubs ne renverse pas la présomption de validité qui s'attache, en vertu notamment de l'article 47 du code civil, aux mentions contenues dans l'extrait d'acte de naissance du 7 août 2001.
8. Par suite, M. C... est fondé à soutenir que la décision lui refusant un titre de séjour a méconnu les règles ci-dessus rappelées et à en demander l'annulation.
9. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".
11. Le motif de l'annulation prononcée au point 7 implique nécessairement que le préfet du Doubs réexamine la demande de titre de séjour de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et dans l'attente, lui délivre immédiatement une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur les frais liés à l'instance :
12. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Abdelli, conseil de M. C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 16 juin 2020 et l'arrêté préfectoral du 26 décembre 2019 du préfet du Doubs sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de procéder au réexamen de la demande de M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Abdelli, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Abdelli renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Grossrieder, présidente,
- Mme Roussaux, première conseillère,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juillet 2022.
Le rapporteur,
Signé : S. RoussauxLa présidente,
Signé : S. GrossriederLa greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC02337