Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS SOGEA Est BTP a demandé au tribunal administratif de Strasbourg à titre principal, de condamner la commune d'Audun-le-Tiche à lui verser la somme totale de 488 972,99 euros TTC, assortie des intérêts au taux de 8 % à compter du 1er juillet 2012 ainsi que la capitalisation des intérêts et à titre subsidiaire, de condamner la société EGIS Villes et Transports, venant aux droits de la société Lorraine d'Ingénierie, à lui verser la somme totale de 160 248,93 euros TTC assortie des intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de la présente requête ainsi que la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1606723 du 6 février 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 1901153 le 12 avril 2019, le 21 septembre 2021 et le 10 janvier 2022, la SAS SOGEA Est BTP venant aux droits de la société Jadot, représentée par Me Grange, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2019 ;
2°) à titre principal, de condamner la commune d'Audun-le-Tiche à lui verser la somme totale de 488 973 euros TTC, assortie des intérêts au taux de 8 % à compter du 1er juillet 2012 ainsi que la capitalisation des intérêts au titre des travaux réalisés et préjudices subis ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société EGIS Villes et Transports, venant aux droits de la société Lorraine d'Ingénierie, à lui verser la somme totale de 160 248,93 euros TTC assortie des intérêts à taux légal à compter de l'enregistrement de la présente requête ainsi que la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la société EGIS Villes et Transports la somme de 3 000 euros et à la charge de la commune d'Audun-le-Tiche une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est recevable ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l'entreprise n'avait pas qualité pour agir ;
- aucune disposition légale ou réglementaire ni aucune stipulation contractuelle ne fait obstacle à ce qu'une entreprise membre d'un groupement conjoint puisse s'adresser directement au juge du contrat afin d'obtenir la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le solde des travaux réalisés ;
- compte tenu des reports de travaux et allongement des délais d'exécution du marché, la société Jadot, à laquelle elle est venue se substituer, a dû réaliser des travaux en quantité supplémentaire, dans les conditions du marché non pris en compte par le maître d'œuvre ;
- la prolongation du délai d'exécution du chantier a entraîné pour la société Jadot des frais supplémentaires ;
- le marché prévoit sans aucune ambiguïté possible que les travaux sont rémunérés en application d'une formule mixte ;
- la commune a opéré une confusion entre le mode de rémunération des travaux et le contenu des prix unitaires d'où le refus du maître de l'ouvrage ;
- elle est fondée à demander l'actualisation des prix du marché ;
- la responsabilité du maître d'œuvre peut être reconnue en tout ou partie ;
- le plan produit par la commune ne correspond pas au plan de recollement définitif et ne mentionne donc pas la totalité des canalisations.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2019, la commune
d'Autun-le-Tiche, représentée par Me Gasse, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS SOGEA Est BTP les dépens et une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la demande de première instance était irrecevable ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 février 2020 et 20 août 2021, la SAS EGIS Villes et Transports, représentée par Me Keller, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la SAS SOGEA Est BTP les dépens et une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête d'appel est irrecevable car tardive ;
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- l'appelante ne démontre aucune faute commise par la société Egis ;
- faute d'avoir introduit un mémoire en réclamation à l'encontre de la société Egis l'appelante ne saurait rechercher sa responsabilité.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Grossrieder, présidente,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- et les observations de Me Perriez pour la société SOGEA Est BTP, celles de Me Mertz pour la commune d'Audun le Tiche, ainsi que celles de Me Keller, pour la société Egis Ville et Transports.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement en date du 2 octobre 2009, la commune d'Audun-le-Tiche a conclu le marché de " poursuite de l'aménagement urbain de la traverse de la commune " avec le groupement conjoint composé de la société Jadot et de la société Eurovia Lorraine, cette dernière étant désignée comme mandataire. Le prix prévisionnel du marché est fixé à 1 915 228,87 euros toutes taxes comprises (TTC). La réception des travaux a été prononcée avec effet au 26 octobre 2011. La société Eurovia a présenté un projet de décompte final le 19 avril 2012, distinguant les créances de deux entreprises membres du groupement. Le projet de décompte général du 16 octobre 2012 établit le montant dû au groupement à la somme de 1 922 377,59 euros TTC. La société Eurovia a présenté le 13 décembre 2012 le mémoire en réclamation de la société Jadot, réclamant une rémunération complémentaire de 570 364,69 euros TTC, qui a été rejeté. La société SOGEA Est BTP, venant aux droits de la société Jadot relève appel du jugement du 6 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à obtenir la condamnation de la commune d'Audun-le-Tiche à lui verser la somme de 408 840,30 euros hors taxes (HT) au titre du solde du marché, somme correspondant, d'une part, à la rémunération des quantités réalisées dans les conditions du marché et, d'autre part, à des travaux supplémentaires qu'elle indique avoir dû effectuer.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 51 du code des marchés publics dans sa version applicable au marché litigieux, " I. - Les opérateurs économiques sont autorisés à se porter candidat sous forme de groupement solidaire ou de groupement conjoint, sous réserve du respect des règles relatives à la concurrence. Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s'engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché. Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché. II. - Dans les deux formes de groupements, l'un des opérateurs économiques membres du groupement, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des membres vis-à-vis du pouvoir adjudicateur, et coordonne les prestations des membres du groupement. Si le marché le prévoit, le mandataire du groupement conjoint est solidaire, pour l'exécution du marché, de chacun des membres du groupement pour ses obligations contractuelles à l'égard du pouvoir adjudicateur. III. - En cas de groupement conjoint, l'acte d'engagement est un document unique qui indique le montant et la répartition détaillée des prestations que chacun des membres du groupement s'engage à exécuter. En cas de groupement solidaire, l'acte d'engagement est un document unique qui indique le montant total du marché et l'ensemble des prestations que les membres du groupement s'engagent solidairement à réaliser. ". Aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives générales " travaux " applicable au marché litigieux, " 2.31 (...) Les entrepreneurs groupés sont solidaires lorsque chacun d'entre eux est engagé pour la totalité du marché et doit pallier une éventuelle défaillance de ses partenaires ; L'un d'entre eux désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, représente l'ensemble des entrepreneurs, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, de la personne responsable du marché et du maître d'oeuvre, pour l'exécution du marché. Les entrepreneurs groupés sont conjoints lorsque, les travaux étant divisés en lots dont chacun est assigné à l'un des entrepreneurs, chacun d'eux est engagé pour le ou les lots qui lui sont assignés ; L'un d'entre eux, désigné dans l'acte d'engagement comme mandataire, est solidaire de chacun des autres dans les obligations contractuelles de celui-ci a l'égard du maître de l'ouvrage jusqu'à la date, définie au I de l'article 44, à laquelle ces obligations prennent fin. Le mandataire représente, jusqu'à la date ci-dessus, l'ensemble des entrepreneurs conjoints, vis-à-vis du maître de l'ouvrage de la personne responsable du marché et du maître d'oeuvre, pour l'exécution du marché. Il assure, sous sa responsabilité, la coordination de ces entrepreneurs en assumant les tâches d'ordonnancement et de pilotage des travaux. ". Aux termes de l'article 13.52 du même CCAG " Le mandataire ou l'entrepreneur est seul habilité à présenter les projets de décomptes et à accepter le décompte général ; sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par ses soins. ". L'article 50.5 du CCAG prévoit que " Lorsque le marché est passé avec des entrepreneurs groupés conjoints, le mandataire représente chacun d'eux pour l'application des dispositions du présent article jusqu'à la date, définie au 1 de l'article 44, à laquelle prennent fin les obligations contractuelles, chaque entrepreneur étant ensuite seul habilité à poursuivre les litiges qui le concernent. ". En vertu de l'article 1.8 du cahier des clauses administratives particulières applicable, en cas de groupement d'entreprises, le mandataire d'un groupement conjoint devra être solidaire de chacun des membres du groupement.
3. Les entreprises ayant formé un groupement solidaire pour l'exécution du marché dont elles sont titulaires sont réputées, dès lors qu'aucune répartition des tâches n'a été faite entre elles par le marché, se représenter mutuellement. Il en résulte que leurs conclusions doivent être regardées comme présentées au nom et pour le compte des membres du groupement et qu'elles peuvent tendre au paiement du solde global du marché. Toutefois, d'une part, la représentation mutuelle de membres de groupement cesse lorsque, présents dans l'instance, ils formulent des conclusions divergentes. D'autre part, un membre d'un groupement solidaire, qu'il en soit ou non le mandataire, est recevable à demander le paiement, pour son propre compte, des seules prestations qu'il a personnellement effectuées, y compris lorsque le marché ne précise pas la répartition des tâches entre les membres de ce groupement. Lorsque le maître d'ouvrage acquitte les sommes correspondant à ces prestations ou est condamné par le juge du contrat à les verser, il est libéré de sa dette à concurrence du montant des sommes correspondantes à l'égard de l'ensemble des membres du groupement.
4. Il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement du marché mentionne la prestation globale du groupement constitué par les entreprises Jadot et Eurovia Lorraine sans en distinguer la répartition des travaux, des montants ni même des délais entre chaque membre du groupement. En conséquence, il ressort des dispositions et stipulations précitées que les entrepreneurs qui ont constitué un groupement conjoint ont donc entendu constituer un groupement solidaire. En l'absence de stipulation particulière dans le contrat d'engagement, la désignation d'un mandataire pour représenter les membres du groupement auprès du maître de l'ouvrage n'a pas pour effet de confier à ce mandataire la représentation exclusive des autres entreprises solidaires devant le juge du contrat. Les entrepreneurs groupés de manière solidaire tiennent de leur qualité de membres d'un tel groupement intérêt pour saisir le tribunal d'une demande tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à payer le solde des travaux faisant l'objet d'un compte unique.
5. Par suite, la SAS SOGEA Est BTP est fondée à soutenir que le tribunal administratif ne pouvait pas déclarer sa demande de première instance irrecevable au motif qu'un entrepreneur membre du groupement ne peut demander la condamnation du maître d'ouvrage à payer le solde des seuls travaux qu'il aurait effectués. En conséquence, le jugement attaqué doit être annulé.
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il statue à nouveau sur la demande présentée par la SAS SOGEA Est BTP.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1606723 du tribunal administratif de Strasbourg du 6 février 2019 est annulé.
Article 2 : La SAS Sogea Est BTP est renvoyée devant le tribunal administratif de Strasbourg pour qu'il soit statué sur sa demande.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SOGEA Est BTP, à la commune d'Audun-le-Tiche et à la SAS EGIS villes et Transports.
Délibéré après l'audience du 28 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Grossrieder, présidente,
Mme Roussaux, première conseillère
Mme Picque, première conseillère.
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Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juillet 2022.
La présidente-rapporteure,
Signé : S. GrossriederL'assesseure la plus ancienne,
Signé : S. Roussaux
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 1901153