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13/07/2022 | FRANCE | N°22NC00154

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 juillet 2022, 22NC00154


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100594 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées le

s 20 janvier et 20 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 29 janvier 2021 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2100594 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 20 janvier et 20 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 mai 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 29 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " avec autorisation de travailler ou, à tout le moins de réexaminer sa situation après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le tribunal a entaché son jugement d'une erreur d'appréciation en écartant ses moyens tirés de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité du refus de séjour :

- le préfet a commis une erreur d'appréciation des documents justifiant de son état-civil et de sa nationalité ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant de procéder à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique,

- et les observations de Me Martin, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., qui se déclare être né en 2002, et de nationalité guinéenne, serait entré irrégulièrement en France le 14 octobre 2018. Le 24 décembre 2018, il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance de Meurthe-et-Moselle. Le 29 octobre 2020, M. A... a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 29 janvier 2021, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 18 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 29 janvier 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Le requérant soutient que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en écartant ses moyens tirés de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce moyen, qui relève du bien-fondé du jugement, est sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé ".

4. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le cadre de l'examen d'une demande l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

5. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers du droit d'asile alors en vigueur, le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé ne justifiait ni de son état civil, ni de six mois au moins de formation professionnelle qualifiante à la date de la décision attaquée, et qu'il avait conservé des liens avec sa famille restée dans son pays d'origine.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance, a été inscrit à la rentrée de septembre 2019 dans un dispositif de mise à niveau des connaissances en français et en mathématiques, destiné aux élèves arrivants allophones. Cette formation, eu égard à son contenu, ne peut être regardée comme destinée à apporter à M. A... une qualification professionnelle au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'agissant des conventions de stage d'initiation en entreprises pour jeunes non rémunérés conclues avec M. A... dans les domaines de la maçonnerie, des travaux publics ou de la boucherie, du 17 au 28 février 2020, du 25 mai au 5 juin 2020, et du 24 juin et 13 août 2020, il ressort des articles 2 de ces conventions que ces stages ont pour objet de préparer l'intégration socio-professionnelle du jeune en lui faisant mieux approcher les conditions réelles du monde du travail. Si ces stages effectués par le requérant ont pu contribuer à le guider dans ses choix d'orientation professionnelle, ils ne sauraient toutefois être regardés, en eux-mêmes, comme une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, dès lors qu'ils ont été réalisés en dehors du cadre d'une telle formation. M. A... a ensuite conclu un contrat d'apprentissage du 1er septembre 2020 au 30 juin 2022, pour y préparer un certificat d'aptitude professionnel (CAP) production et service en restauration. Par conséquent, le requérant ne justifie suivre une formation professionnelle que depuis cinq mois à la date de la décision attaquée et ne remplit donc pas la condition de suivi d'une formation pendant six mois requise par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, dès lors que M. A... ne remplit pas l'une des conditions cumulatives de délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement, le préfet pouvait, pour ce seul motif, refusé le titre de séjour sollicité par le requérant sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables.

7. En deuxième lieu, M. A... était présent en France à la date de la décision attaquée depuis deux ans et demi. En se prévalant d'attestations de bénévoles accompagnant les jeunes étrangers mineurs isolés et de l'équipe pédagogique du CAP où il est inscrit, de ses résultats scolaires et de son inscription dans un club de football, le requérant ne justifie pas d'attaches personnelles suffisamment stables et intenses en France. En outre, il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent son père, son oncle qui a financé son départ de Guinée, sa belle-mère et deux demi-frères. Il s'ensuit que le refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux buts poursuivis par la mesure. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...)".

9. Il ressort des termes mêmes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de ce qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour, que le législateur n'a pas entendu imposer à l'administration, saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait entendu se prévaloir d'une telle admission, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, en se prévalant de son intégration scolaire réussie, du soutien de l'ensemble de ses professeurs et de la structure d'accueil qui l'a accompagné, et de son inscription dans un club de football, M. A..., célibataire sans enfant, dépourvu de lien familial en France, ne démontre pas que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard de motifs exceptionnels au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions est écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Pour les mêmes raisons que celles invoquées aux points précédents, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : S. C... Le président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 22NC00154


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NC00154
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-13;22nc00154 ?
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