Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur sa demande en date du 7 mars 2019 tendant au rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
Par un jugement n° 1903542 du 25 février 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 octobre 2021 et 16 février 2022, M. B... D... A..., représenté par Me Burkatzki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2021 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur sa demande en date du 7 mars 2019 tendant au rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil ;
3°) d'enjoindre à l'office français de l'immigration et de l'intégration de lui rétablir le bénéfice des conditions matérielles d'accueil dans le délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement :
- il n'est pas établi que la minute du jugement a bien été signée ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
- la décision est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation de vulnérabilité dès lors qu'elle est intervenue sans entretien préalable et sans aucune mesure d'instruction afin d'évaluer sa vulnérabilité ;
- la décision méconnait les dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation individuelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, l'Office français de l'immigration et de l'intégration conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 septembre 2021.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né en 1995 et de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement en France en 2017. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et a été pris en charge par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ayant déjà déposé une demande d'asile en Allemagne, par arrêtés du 3 août 2018, une décision de transfert vers les autorités allemandes a été prise à son encontre et l'intéressé a été assigné à résidence. Ne s'étant pas présenté aux pointages imposés dans le cadre de son assignation à résidence, M. A... a été déclaré en fuite et le délai de transfert a été prolongé. Par décisions des 1er octobre 2018 et 9 novembre 2018, l'OFII a suspendu le bénéfice des conditions matérielles d'accueil. A l'expiration du délai de transfert de dix-huit mois, M. A... s'est présenté en préfecture afin que sa demande d'asile soit instruite en France. Par courrier du 6 mars 2019, le requérant a saisi l'OFII d'une demande de rétablissement des conditions matérielles d'accueil. Une décision implicite est née de l'absence de réponse de la part de l'OFII à cette demande. M. A... a réitéré sa demande par courrier du 27 juillet 2020, qui a fait l'objet d'une décision de refus de l'OFII du 11 août 2020. M. A... relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite de rejet née du silence gardé par l'OFII sur sa demande en date du 7 mars 2019 tendant au rétablissement du bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il résulte de l'instruction que la minute du jugement, dont une copie est versée au dossier transmis à la cour, comporte la signature de deux magistrats et du greffier. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature de la minute doit être écarté et M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour ce motif.
3. En second lieu, le requérant soutient que les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation. Cette critique du jugement relève de son bien-fondé et non de sa régularité. Par suite, le moyen doit être écarté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction antérieurement applicable à la loi du 10 septembre 2018, la décision suspendant le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à M. A... étant antérieure au 1er janvier 2019 : " Le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être : / 1° Suspendu si, sans motif légitime, le demandeur d'asile a abandonné son lieu d'hébergement déterminé en application de l'article L. 744-7, n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités, n'a pas répondu aux demandes d'informations ou ne s'est pas rendu aux entretiens personnels concernant la procédure d'asile ;(...) La décision de retrait des conditions matérielles d'accueil prise en application du présent article est écrite et motivée. Elle prend en compte la vulnérabilité du demandeur. Elle est prise après que l'intéressé a été mis en mesure de présenter ses observations écrites selon des modalités définies par décret. ". Aux termes de l'article L. 744-6 du même code alors en vigueur : " A la suite de la présentation d'une demande d'asile, l'office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de procéder, dans un délai raisonnable et après un entretien personnel avec le demandeur d'asile, à une évaluation de la vulnérabilité de ce dernier afin de déterminer, le cas échéant, ses besoins particuliers en matière d'accueil. Ces besoins particuliers sont également pris en compte s'ils deviennent manifestes à une étape ultérieure de la procédure d'asile. Dans la mise en œuvre des droits des demandeurs d'asile et pendant toute la période d'instruction de leur demande, il est tenu compte de la situation spécifique des personnes vulnérables. / L'évaluation de la vulnérabilité vise, en particulier, à identifier les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. / L'évaluation de la vulnérabilité du demandeur est effectuée par des agents de l'office français de l'immigration et de l'intégration ayant reçu une formation spécifique à cette fin. (...) ".
5. Si les termes de ces articles ont été modifiés par différentes dispositions du I de l'article 13 de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, il résulte du III de l'article 71 de cette loi que ces modifications, compte tenu de leur portée et du lien qui les unit, ne sont entrées en vigueur ensemble qu'à compter du 1er janvier 2019 et ne s'appliquent qu'aux décisions initiales, prises à compter de cette date, relatives au bénéfice des conditions matérielles d'accueil proposées et acceptées après l'enregistrement de la demande d'asile. Les décisions relatives à la suspension et au rétablissement de conditions matérielles d'accueil accordées avant le 1er janvier 2019 restent régies par les dispositions antérieures à la loi du 10 septembre 2018.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a bénéficié, lors du dépôt de sa demande d'asile, d'un entretien destiné à évaluer ses besoins particuliers et son état de vulnérabilité en application de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, il ne résulte pas de ces dispositions ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que l'OFII soit tenu de réaliser un nouvel entretien pour l'instruction d'une demande de rétablissement des conditions matérielles d'accueil lorsque celles-ci ont été suspendues ou retirées. Par suite, l'absence d'entretien préalable à l'examen de sa demande de rétablissement n'a pas vicié la procédure à l'issue de laquelle la décision en litige a été prise. En outre, il ne résulte pas des dispositions de l'article L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, lorsqu'il est saisi d'une demande de rétablissement des conditions matérielles d'accueil, l'OFII devrait mettre l'intéressé en mesure de présenter des observations écrites, une telle procédure n'étant prévue uniquement que lorsque l'office prononce une décision de retrait. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'OFII n'aurait pas procédé à un examen particulier en refusant implicitement de faire droit à la demande de rétablissement de M. A....
7. En deuxième lieu, dans le cas où les conditions matérielles d'accueil ont été suspendues sur le fondement de l'article L. 744-8, dans sa rédaction issue de la loi du 29 juillet 2015, le demandeur peut, notamment dans l'hypothèse où la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile, en demander le rétablissement. Il appartient alors à l'office français de l'immigration et de l'intégration, pour statuer sur une telle demande de rétablissement, d'apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.
8. M. A... se prévaut de sa situation de vulnérabilité en invoquant les séquelles physiques et psychologiques qu'il aurait subies en Guinée. Il produit à l'appui de ses allégations un certificat médical d'un médecin généraliste du 27 février 2019 qui fait état de diverses cicatrices résultant, selon le praticien, de sévices subis dans le pays d'origine de l'intéressé, ainsi que des douleurs à la main et au pied droits. Toutefois, en se bornant à produire cette seule pièce, le requérant ne justifie pas se trouver dans un état de précarité matérielle et sanitaire qui caractériserait une situation de vulnérabilité. De plus, il ressort de la capture d'écran, produite en défense par l'OFII, que lors de l'entretien réalisé au moment du dépôt de sa demande d'asile, destiné à évaluer l'état de vulnérabilité de l'intéressé, ce dernier n'a pas déposé de document médical et n'a pas fait état de problème de santé. Sa situation a été évaluée à l'issue de cet entretien à un degré 1 au regard de son besoin d'hébergement. Par ailleurs, M. A... n'a pas respecté l'obligation de se présenter aux autorités et n'apporte aucun élément justifiant des raisons personnelles ayant conduit à sa situation de fuite, qui a fait obstacle à son transfert aux autorités allemandes en vue de l'instruction de sa demande d'asile. Enfin, M. A... n'apporte aucun élément concernant ses conditions d'existence à compter de la décision lui suspendant le bénéficie des conditions matérielles d'accueil. Il s'ensuit qu'aucun élément particulier de vulnérabilité au regard de la situation personnelle du requérant ne ressort des pièces du dossier. Par suite, en refusant de rétablir ses conditions matérielles d'accueil, l'OFII n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En dernier lieu, dans les circonstances de l'espèce, et pour les motifs exposés aux points précédents, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant implicitement de rétablir à son bénéfice les conditions matérielles d'accueil réservées aux demandeurs d'asile, l'OFII aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... A... et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président,
M. Agnel, président-assesseur,
Mme Lambing, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.
La rapporteure,
Signé : S. C... Le président,
Signé : J. Martinez
La greffière,
Signé : C. Schramm
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. Schramm
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N° 21NC02705