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13/07/2022 | FRANCE | N°20NC03506

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 13 juillet 2022, 20NC03506


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Holding C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2012.

Par un jugement n°1802302 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le s

urplus des conclusions de cette demande.

M. C... a demandé au tribunal administratif de Châl...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Holding C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés qui lui a été assigné au titre de l'année 2012.

Par un jugement n°1802302 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure des dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

M. C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui lui ont été assignés au titre de l'année 2012.

Par un jugement n°1802300 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, après avoir constaté un non-lieu à statuer dans la mesure de dégrèvements prononcés en cours d'instance, a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020, sous le n° 20NC03524, l'EURL Holding C..., représentée par Me Forget, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802302 du 1er octobre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de la décharger, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 975 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en se faisant communiquer par la SCEA C... B... les baux ruraux consentis à cette société, l'administration a méconnu l'article L. 85 A du livre des procédures fiscales rendant irrégulières les propositions de rectification des 14 décembre 2015 et 6 avril 2016 ;

- la valeur vénale des parts retenue pour l'apport correspond à la valeur retenue par les parents de M. C... lors de la donation du 14 juin 2012, fondée sur une évaluation réalisée par un expert indépendant, douze jours avant l'opération litigieuse, laquelle doit donc servir de terme de comparaison en vertu des règles issues d'une jurisprudence constante alors que cette valeur n'a jamais été remise en cause par l'administration et que les conditions et l'objet de l'opération étaient les mêmes ;

- s'agissant de la valeur mathématique retenue par l'administration, les avances aux cultures de la SCEA C... doivent être évaluées selon la méthode M1 propres aux entreprises agricoles en application du I de l'article 38 sexdecies de l'annexe III au code général des impôts et non pas selon la méthode propre aux bénéfices industriels et commerciaux et pas davantage en prenant en compte que la bénéficiaire de l'apport était soumise à l'impôt sur les sociétés ; il y aurait donc lieu, subsidiairement, de fixer la valeur mathématique à 560 747 euros ;

- s'agissant de la valeur de productivité, il y a lieu de réintégrer dans l'assiette du résultat moyen avant impôt de la SCEA C... B..., devant servir au calcul de l'impôt déductible du résultat, le cinquième des déductions pour investissements en instance d'affectation, sans égard pour le régime fiscal de l'acquéreur ; c'est à tort que l'administration estime qu'un taux réduit de 15 % d'impôt sur les sociétés sur la fraction du bénéfice de la SCEA C... B... qui n'excède pas 38 130 euros est un taux normal d'impôt sur les sociétés dès lors que cette société n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés et qu'en tout état de cause, les conditions de l'application de ce taux réduit ne seraient pas réunies ; il y aurait donc lieu, subsidiairement, de fixer la valeur de productivité à 314 873 euros ;

- la combinaison de ces valeurs et l'application de la décote de 30 % aboutit en conséquence à une valeur de la société de 306 467 euros et une valeur unitaire des parts de 770 euros ;

- en tout état de cause, en l'absence de toute intention libérale, l'administration n'est pas fondée à réintégrer dans son bénéfice la différence entre son évaluation et la valeur d'apport constatée par les parties puisqu'en l'espèce, les parties ont entendu se fonder sur l'évaluation faite par un expert indépendant et qui a été validée par le commissaire aux apports et non pas sur une intention libérale ; dans ces conditions, une éventuelle sous-évaluation d'un élément d'actif constitue une erreur comptable dont le contribuable peut demander la réparation, par le rehaussement au passif des capitaux propres excluent toute influence sur le bénéfice imposable, ainsi qu'il a été fait en l'occurrence dans la réclamation préalable du 8 juin 2018 ;

- l'administration n'a pas rapporté la preuve d'un manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par lettre du 12 avril 2022, les parties ont été informées de ce que la cour était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen relevé d'office de ce que l'EURL Holding C... n'était pas soumise à l'impôt sur les sociétés en l'absence d'option en ce sens.

Par un mémoire enregistré le 5 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique soutient que l'EURL Holding C... a régulièrement opté pour l'impôt sur les sociétés.

II. Par une requête enregistrée le 2 décembre 2020, sous le n° 20NC03506, M. C..., représenté par Me Forget, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802300 du 1er octobre 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de le décharger, en droits et pénalités, des impositions laissées à sa charge, y compris la pénalité pour paiement tardif de 10 % et les intérêts moratoires de l'article L. 209 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 800 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en se faisant communiquer par la SCEA C... B... les baux ruraux consentis à cette société, l'administration a méconnu l'article L. 85 A du livre des procédures fiscales rendant irrégulières les propositions de rectification des 16 décembre 2015 et 6 avril 2016 ;

- la valeur vénale des parts retenue pour l'apport correspond à la valeur retenue par les parents de M. C... lors de la donation du 14 juin 2012, fondée sur une évaluation réalisée par un expert indépendant, douze jours avant l'opération litigieuse, laquelle doit donc servir de terme de comparaison en vertu des règles issues d'une jurisprudence constante alors que cette valeur n'a jamais été remise en cause par l'administration et que les conditions et l'objet de l'opération étaient les mêmes ;

- s'agissant de la valeur mathématique retenue par l'administration, les avances aux cultures de la SCEA C... doivent être évaluées selon la méthode M1 propres aux entreprises agricoles en application du I de l'article 38 sexdecies de l'annexe III au code général des impôts et non pas selon la méthode propre aux bénéfices industriels et commerciaux et pas davantage en prenant en compte que la bénéficiaire de l'apport était soumise à l'impôt sur les sociétés ; il y aurait donc lieu, subsidiairement, de fixer la valeur mathématique à 560 747 euros ;

- s'agissant de la valeur de productivité, il y a lieu de réintégrer dans l'assiette du résultat moyen avant impôt de la SCEA C... B..., devant servir au calcul de l'impôt déductible du résultat, le cinquième des déductions pour investissements en instance d'affectation, sans égard pour le régime fiscal de l'acquéreur ; c'est à tort que l'administration estime qu'un taux réduit de 15 % d'impôt sur les sociétés sur la fraction du bénéfice de la SCEA C... B... qui n'excède pas 38 130 euros dès lors que cette société n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés et qu'en tout état de cause, les conditions de l'application de ce taux réduit ne seraient pas réunies ; il y aurait donc lieu, subsidiairement, de fixer la valeur de productivité à 314 873 euros ;

- la combinaison de ces valeurs et l'application de la décote de 30 % aboutit en conséquence à une valeur de la société de 306 467 euros et une valeur unitaire des parts de 770 euros ; la plus-value taxable ne saurait donc excéder 60 460 euros ;

- en l'absence d'intention libérale de sa part et de volonté de dissimulation, de prix, l'administration ne peut remettre en cause la valeur d'apport ;

- l'administration ne rapporte pas la preuve d'un manquement délibéré.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à la pénalité de 10 % pour paiement tardif visée à l'article 1727 du code général des impôts et intérêts de retard de recouvrement sont irrecevables dans le cadre du présent litige d'assiette ;

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Aubril, représentant l'EURL Holding C... et M. C....

Considérant ce qui suit :

1. L'Eurl Holding C..., dont les bénéfices sont imposables à l'impôt sur les sociétés à la suite de l'option que l'associé unique a exercée pour cet impôt le 2 juillet 2012 et figurant dans la déclaration d'existence adressée au service des impôts des entreprises de Troyes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité ayant porté sur la période du 1er juin 2012 au 31 décembre 2014. Par des propositions de rectification du 14 décembre 2015 et du 6 avril 2016, le service a porté à sa connaissance qu'il envisageait selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, un rehaussement de son bénéfice imposable de l'année 2012 portant sur la valeur d'un apport effectué par son associé unique. La société ayant refusé cette rectification, le service l'a maintenue dans sa réponse aux observations du contribuable du 19 mai 2016. La commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a rendu un avis partiellement favorable au redressement le 7 février 2018. Le supplément d'impôt sur les sociétés, assorti de la majoration pour manquement délibéré, a été mis en recouvrement le 13 mars 2018. La réclamation préalable de la société du 8 juin 2018 a été partiellement admise le 3 septembre 2018. Par des propositions de rectification du 16 décembre 2015 et du 6 avril 2016, notifiées selon la procédure contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales, l'administration, dans le cadre d'un contrôle sur pièces, a estimé que M. C..., associé unique de l'EURL Holding C..., avait réalisé une plus-value professionnelle à l'occasion de l'apport à sa société des 198 parts de la SCEA C... B... et lui a assigné en conséquence, au titre de l'année 2012, des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales assortis de la majoration pour manquement délibéré. Cette rectification ayant été refusée, le service l'a maintenue dans sa réponse aux observations du contribuable du 24 mai 2016. Les impositions supplémentaires ont été mises en recouvrement le 30 avril 2018 et la réclamation préalable du 8 juin 2018 a fait l'objet d'une décision d'admission partielle du 3 septembre 2018. Par les deux requêtes ci-dessus visées, qu'il y a lieu de joindre afin de statuer par un seul arrêt, l'EURL Holding C... et M. C... relèvent respectivement appel des jugements du 1er octobre 2020 par lesquels le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, après avoir contesté un non-lieu à statuer partiel, rejeté le surplus de leurs demandes.

Sur le bénéfice imposable de l'EURL Holding C... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 85 A du livre des procédures fiscales : " Les exploitants

agricoles, quelles que soient la forme et les modalités de l'exploitation, et les organismes, de

quelque nature juridique que ce soit, auxquels ils vendent ou ils achètent leurs produits, doivent communiquer à l'administration, sur sa demande, leurs documents comptables, pièces

justificatives de recettes et de dépenses et tous documents relatifs à leur activité ".

3. Les baux ruraux, qu'ils soient souscrits par l'associé personne physique d'une société à objet agricole ou d'un groupement agricole ou par des propriétaires tiers, au moyen desquels les terres exploitées par cette société ou ce groupement sont mises à sa disposition, constituent des documents relatifs à l'activité de cette structure dont l'administration peut requérir la communication en vertu des dispositions ci-dessus reproduites de l'article L. 85 A du livre des procédures fiscales. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est irrégulièrement que l'administration a obtenu de la SCEA C... B... la communication des baux ruraux souscrits pour l'exploitation des terres mises à sa disposition.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

4. Aux termes du 2 de l'article 38 du CGI : " Le bénéfice net est constitué par la

différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période

dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments

d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par

l'exploitant ou par les associés " . Aux termes de l'article 38 quinquies de

l'annexe III au même Code : " Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur

valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations

acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition°; / b. Pour les immobilisations

acquises à titre gratuit, de la valeur vénale'; / c. Pour les immobilisations apportées

à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport ". Il résulte de ces dispositions

combinées que si les opérations d'apport sont, en principe, sans influence sur la

détermination du bénéfice imposable, tel n'est toutefois pas le cas lorsque la

valeur d'apport des immobilisations, comptabilisée par l'entreprise bénéficiaire de

l'apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité

faite par l'apporteur à l'entreprise bénéficiaire. Dans une telle hypothèse,

l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine des immobilisations

apportées à l'entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi

l'actif net de l'entreprise dans la mesure de l'apport effectué à titre gratuit. La

preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par

l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif

entre la rémunération convenue pour l'apport et la valeur vénale du bien

apporté et, d'autre part, d'une intention, pour l'apporteur, d'octroyer et, pour la

société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l'apport.

Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts.

5. Il résulte de l'instruction que l'EURL Holding C... a été créée le 1er juin 2012 par M. B... C... qui en est l'associé unique. Par acte du 20 juin 2012, M. C... a fait apport à cette société de 198 parts de la société civile d'exploitation agricole (SCEA) C... B..., dont les bénéfices sont imposables entre ses mains dans la catégorie des bénéfices agricoles, pour la somme de 154 440 euros, reposant sur une valeur unitaire de la part de 780 euros, parts qu'il avait reçues pour cette valeur le 14 juin 2012 au terme d'un acte de donation effectué par ses parents. Estimant que cette valeur d'apport avait été minorée, le service a procédé à une évaluation de la valeur vénale des parts au 20 juin 2012 en combinant les méthodes de la valeur mathématique et de la valeur de productivité. A cet effet, le service a déterminé la valeur mathématique de la SCEA C... B..., qu'il a combinée, en dernier lieu à parts égales, avec la valeur de productivité et a pratiqué sur le résultat obtenu un abattement de 15 % afin de tenir compte de l'incidence des bénéfices sociaux et de la politique de distribution. Le service a ainsi déterminé une valeur unitaire des parts de 1 836 euros, valeur qui a été ramenée à la suite de la procédure retracée au point 1 à 1 077 euros.

S'agissant de la détermination de la valeur vénale des parts sociales :

6. La valeur vénale des parts sociales non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession ou l'apport est intervenu. Cette valeur doit être établie, en priorité, par référence à la valeur qui ressort de transactions portant, à la même époque, sur des titres de la société, dès lors que cette valeur ne résulte pas d'un prix de convenance. Toutefois, en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, l'administration peut légalement se fonder sur l'une des méthodes destinées à déterminer la valeur de l'actif ou sur la combinaison de plusieurs de ces méthodes.

7. Si la société requérante soutient que le service aurait dû faire application de la méthode par comparaison en se référant à la valeur des parts retenue lors de la donation, une telle transaction, qui n'a pas été effectuée à titre onéreux, ne saurait être regardée comme étant intervenue dans des conditions équivalentes à l'apport des parts à l'EURL Holding C.... Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la valeur vénale de la SCEA C... B... au 20 juin 2012 aurait dû être fixée par comparaison avec la valeur des parts retenues dans l'acte de donation du 14 juin 2012 quand bien même l'administration fiscale n'a pas remis en cause cette valeur pour le calcul des droits d'enregistrement.

8. La société requérante reprend en appel le moyen tiré de ce que le service aurait dû, dans le cadre de la méthode de la valeur mathématique, procéder à l'évaluation des avances aux cultures selon la méthode forfaitaire prévue au I de l'article 38 sexdecies de l'annexe III au code général des impôts et non pas sur la base de leur valeur vénale. Mais, la méthode de la valeur mathématique repose sur la valeur vénale des éléments d'actif et de passif de la société à évaluer ce qui exclut par principe tout recours à un procédé forfaitaire d'évaluation de ces éléments. Par suite, c'est à juste titre que, sans commettre aucune confusion quant aux régimes d'imposition des sociétés concernées, tant l'administration que les premiers juges ont écarté tout mode forfaitaire d'évaluation des encours de production de la SCEA C... B....

9. S'agissant de la méthode d'évaluation reposant sur la valeur de productivité, il résulte de l'instruction que l'apport des parts de la SCEA C... B... n'a porté que sur 198 parts du capital de cette société, M. C... conservant en propre 200 parts sociales. Il en résulte que la SCEA C... B... a poursuivi son activité agricole sans changement à la suite de l'opération d'apport litigieuse. Dès lors la fraction de dotation pour investissement de l'exercice 2011, non encore utilisée au 20 juin 2012, n'avait pas vocation à être réintégrée, sur le fondement de l'article 72 D du code général des impôts alors applicable, en l'absence de cession ou de cessation d'entreprise. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que la société n'aurait pas pu affecter la dotation conformément à son objet dans le délai prévu par les dispositions de l'article 72 D. Par suite, c'est à juste titre que l'administration a refusé de réintégrer dans le résultat courant avant impôt au 30 juin 2011 la dotation pour investissement de l'exercice 2011.

10. S'agissant toujours de la détermination de la valeur de productivité, la société requérante soutient que c'est à tort que l'administration a retenu un taux d'impôt sur les sociétés de 15 % sur la fraction de bénéfice jusqu'à 38 120 euros, correspondant au taux réduit de l'article 219 du code général des impôts, en ce qu'un tel taux dérogatoire ne saurait être regardé comme celui de droit commun en vigueur à la date de l'évaluation. Mais, le taux réduit d'impôt sur les sociétés de 15 % a vocation à s'appliquer à la majorité des petites et moyennes sociétés et ne concerne que la fraction de bénéfice inférieure à 38 120 euros. Dans ces conditions, pour les besoins de la méthode de la valeur de productivité, un tel taux de 15 % ne saurait être regardé comme n'étant pas celui en vigueur à la date de l'évaluation.

S'agissant de l'intention libérale :

11. M. C... étant l'associé unique de l'EURL Holding C..., les parties à l'apport du 20 juin 2012 se trouvaient ainsi en relation d'intérêts. La circonstance que la valeur d'apport des parts sociales, validée par le commissaire aux apports, est la même que celle retenue dans l'acte de donation du 14 juin 2012 et non remise en cause par l'administration pour l'application des droits d'enregistrement, laquelle avait été établie sur la base du rapport d'un expert-comptable, ne saurait établir que M. C... B... n'aurait pas eu l'intention d'accorder, et que l'EURL Holding C... n'aurait pas eu la conscience de recevoir, une libéralité égale à la différence entre la valeur vénale de l'apport et la valeur stipulée dans l'acte. La circonstance que la bénéficiaire de l'avantage litigieux est une EURL dont il est l'unique associé n'est pas de nature à remettre en cause cette qualification de libéralité. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la valeur d'inscription des parts sociales à l'actif procèderait d'une erreur comptable dont elle serait fondée à obtenir la réparation.

En ce qui concerne les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

13. L'évaluation des parts sociales litigieuses retenue par les parties à l'acte litigieux repose sur des éléments s'écartant des usages habituellement observés pour la mise œuvre des méthodes d'évaluation des titres de sociétés non cotée, tels qu'une minoration des stocks, un taux de capitalisation injustifié, une pondération des résultats des méthodes ne tenant pas compte des éléments incorporels et un taux d'abattement de 30 % non justifié par des circonstances particulières. En se fondant sur ces éléments retracés dans la proposition de rectification, l'administration rapporte la preuve que l'écart significatif existant entre la valeur vénale des parts sociales et celle inscrite au bilan de la société requérante, dont la preuve de l'existence a été admise ci-dessus, procède de l'intention délibérée de cette dernière d'éluder l'impôt sur les sociétés. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle se serait bornée à retenir la valeur des parts sociales ressortant de l'acte de donation du 14 juin 2012.

Sur la plus-value professionnelle de M. C... :

En ce qui concerne la régularité de la procédure :

14. M. C... reprend en appel le moyen tiré de ce que c'est irrégulièrement que l'administration a mis en œuvre, sur le fondement de l'article L. 85 A du livre des procédures fiscales ci-dessus reproduit, son droit de communication afin d'obtenir la copie des baux ruraux dont la SCEA C... B... était titulaire. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus en ce qui concerne la situation de l'EURL Holding C....

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

15. Aux termes de l'article 151 nonies du code général des impôts " I. - Lorsqu'un contribuable exerce son activité professionnelle dans le cadre d'une société dont les bénéfices sont, en application des articles 8 et 8 ter, soumis en son nom à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles réels, des bénéfices industriels ou commerciaux ou des bénéfices non commerciaux, ses droits ou parts dans la société sont considérés notamment pour l'application des articles 38,72 et 93, comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession ". Aux termes de l'article 38 du même code applicable aux bénéfices agricoles en vertu de l'article du 1 de l'article 72 du même code : " le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ". En vertu de ces dispositions, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

16. Il y a lieu d'écarter les moyens invoqués par M. C... tendant à contester le bien-fondé de la plus-value résultant de l'apport des parts litigieux par les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus en ce qui concerne l'EURL Holding C....

En ce qui concerne les pénalités :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

18. En retenant que M. C... s'est appuyé sur une valeur d'apport des parts sociales de la SCEA C... B... éloignée de manière significative de leur vénale en ayant recours à des éléments d'évaluation s'écartant des usages habituellement observés pour la mise œuvre des méthodes d'évaluation des titres de sociétés non cotée, tels qu'une minoration des stocks, un taux de capitalisation injustifié, une pondération des résultats des méthodes ne tenant pas compte des éléments incorporels et un taux d'abattement de 30 % non justifié par des circonstances particulières, l'administration rapporte la preuve de l'intention de l'intéressé d'éluder les impositions afférentes à la plus-value ainsi réalisée.

19. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir invoquée par le ministre en défense, l'EURL Holding C... et M. C..., ce dernier par les moyens qu'il invoque, ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes. Par suite, leurs requêtes doivent être rejetées en toutes leurs conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes ci-dessus visées présentées respectivement par l'EURL Holding C... et M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Holding C..., à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : M. AgnelLe président,

Signé : J. Martinez

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

N°s 20NC03506 et 20NC03524

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC03506
Date de la décision : 13/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SELARL TERRESA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-13;20nc03506 ?
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