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07/07/2022 | FRANCE | N°21NC03166

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 21NC03166


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500

euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2102067 du 23 novembre 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC03166 le 9 décembre 2021, Mme A..., représentée par Me Segaud-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 23 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2021 par lequel le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre au préfet des Ardennes de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet des Ardennes, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante camerounaise, est entrée en France, selon ses déclarations, le 21 juillet 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2019, confirmée la Cour nationale du droit d'asile le 25 mai 2021. Par un arrêté du 5 août 2021, le préfet des Ardennes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... relève appel du jugement du 23 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 5 août 2021 :

2. En premier lieu, l'arrêté du 5 août 2021 énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors à l'obligation de motivation.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. . 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 2018, alors âgée de 33 ans, et y a séjourné de manière régulière jusqu'en 2021 sous couvert de sa seule attestation de demande d'asile. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Si elle se prévaut de la naissance, le 9 août 2021, soit quelques jours après l'édiction de l'arrêté litigieux, de son enfant, reconnu par un compatriote titulaire de la qualité de réfugié, il ressort des pièces du dossier que celui-ci réside en Meurthe-et-Moselle tandis que la requérante réside avec son enfant à Charleville-Mézières, sans qu'il soit apporté d'élément de nature à justifier de la contribution du père de l'enfant à l'entretien et à l'éducation de celui-ci, ni même de la réalité de liens entre l'enfant et son père. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de la requérante, l'arrêté litigieux n'a pas porté au droit de celle-ci au respect de sa vie privée et familiale ou à celui de son enfant une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et n'a par suite pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. En l'absence d'élément de nature à justifier de la réalité des liens entre le père de l'enfant de la requérante et cet enfant, lesquels vivent au demeurant dans deux départements différents, éloignés de plus de deux cents kilomètres, il n'est pas établi qu'en faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français et en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, l'arrêté litigieux aurait porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant, protégé par les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l'enfant citées au point précédent. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par Mme A....

Sur les frais liés à l'instance :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : P. Rees

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03166


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03166
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : SEGAUD JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;21nc03166 ?
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