La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°21NC03134

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 21NC03134


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou,

à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa situation,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa situation, dans chaque cas et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101376 du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC03134 le 7 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Bach-Wassermann, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 novembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 février 2021 par lequel le préfet du Doubs a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de procéder, dans le même délai, au réexamen de sa situation, dans chaque cas et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de renouvellement du titre de séjour est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur de droit dès lors que la communauté de vie entre les époux a repris ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité entachant la décision de refus de séjour ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité entachant la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 janvier 2022, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller,

- et les observations de Me Jacquin substituant Me Bach-Wassermann, pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante marocaine, est entrée régulièrement en France le 30 novembre 2017 sous couvert d'un visa D valable du 17 octobre 2017 au 17 octobre 2018 en faisant valoir son mariage, le 11 avril 2017, avec un ressortissant français. Mme C... a sollicité par un courrier du 16 octobre 2019 le renouvellement de son titre de séjour en qualité de salariée. Par un arrêté du 22 février 2021, le préfet du Doubs a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme C... relève appel du jugement du 9 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du 22 février 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11, repris à l'article L. 423-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., épouse C..., a épousé M. C..., de nationalité française, le 11 avril 2017. Elle est entrée en France sous couvert d'un visa D " famille de français ", valable du 17 octobre 2017 au 17 octobre 2018. Le couple a fixé sa résidence rue de la gare à Villers-le-Lac dans le Doubs. Le 3 septembre 2018, elle a quitté le domicile commun et engagé une procédure de divorce, au cours de laquelle une ordonnance de non-conciliation, datée du 28 mars 2019, a été prise par le juge aux affaires familiales. Par un courrier daté du 16 octobre 2019, Mme C... a, sous son nom de jeune fille, sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de salariée, en se prévalant de la conclusion en 2019 d'un contrat de travail, lequel mentionnait le domicile de l'intéressée comme étant situé à Morteaux et en précisant qu'elle était hébergée par l'ADDSEA dans le Haut-Doubs à la suite de son départ du domicile familial. Le préfet du Doubs, qui a rejeté la demande de titre de séjour formulée sur ce fondement, a par ailleurs examiné spontanément sa demande d'admission au séjour sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et l'a rejetée au motif que la communauté de vie entre l'intéressée et son époux avait été rompue.

4. Mme C... produit toutefois divers documents administratifs établis à son nom à l'adresse du couple, rue de la gare à Villers-le-Lac, notamment un certificat d'immatriculation de son véhicule établi le 28 mars 2020, une attestation d'EDF du 27 janvier 2021 et un avis d'imposition établi en 2020 et concernant les revenus de 2019. Elle produit en outre un courrier daté du 1er mai 2020 adressé au juge aux affaires familiales et signé des deux époux dans lequel ceux-ci déclarent souhaiter mettre fin à la procédure de divorce engagée. Si ce courrier ne présente pas, en lui-même, de garanties d'authenticité, il est constant que la procédure de divorce engagée n'est pas allée à son terme. Enfin, le préfet admet que lors du renouvellement du récépissé de demande de titre de séjour en février 2021, un changement d'adresse a été enregistré, faisant apparaître Mme C... comme résidant rue de la gare à Villers-le-Lac, à la même adresse que son époux. Ces éléments permettent d'établir qu'à la date du 22 février 2021, à laquelle le préfet du Doubs a opposé à Mme C... un refus de titre de séjour, celle-ci partageait le même domicile que son époux. Cette cohabitation des époux fait présumer la reprise d'une communauté de vie, sans que le préfet soutienne le contraire et sans qu'il puisse utilement faire valoir qu'il ignorait cette circonstance à la date de sa décision. Par suite, en refusant à Mme C... le bénéfice d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", le préfet a fait une inexacte application du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de la décision du refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, des autres décisions figurant dans l'arrêté du 22 février 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 4, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Doubs délivre à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à la délivrance de cette carte dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, à la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat à la somme demandée par Mme C... au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 novembre 2021 ainsi que l'arrêté du préfet du Doubs du 22 février 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à Mme C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : Ph. Rees

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 21NC03134


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21NC03134
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : BACH-WASSERMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;21nc03134 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award