Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 5 juin 2020, par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2001510 du 15 octobre 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2020, Mme B... A..., représentée par Me Metidji-Talbi, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2001510 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 15 octobre 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le refus de séjour a été pris en méconnaissance des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
L'instruction a été close le 16 avril 2021.
La procédure a été communiquée au préfet de la Marne, qui n'a pas présenté d'observation en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 15 décembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité centrafricaine, née le 5 mai 1973, est entrée en France le 12 juillet 2014. Elle a donné naissance à son fils le 24 septembre 2014. Celui-ci a été reconnu par un ressortissant français et Mme A... a bénéficié, du 17 juin 2015 au 8 août 2019, d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 5 juin 2020, le préfet de la Marne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du 15 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / Lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent, en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, justifie que ce dernier contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du même code, ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ; (...) ".
3. Le préfet de la Marne a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme A... sur le fondement des dispositions précitées aux motifs, d'une part, que la reconnaissance de l'enfant par un ressortissant français présentait un caractère frauduleux et, d'autre, part, que la contribution de ce dernier à l'entretien et à l'éducation de l'enfant n'était pas démontrée. Le tribunal a considéré que le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité n'était pas établi, ce qui n'est pas discuté devant la cour, mais que la décision n'en était pas moins légalement fondée dès lors que la contribution du père de l'enfant à son entretien et son éducation n'était pas non plus établie, ce que conteste Mme A....
4. Toutefois, les éléments produits par cette dernière à cet égard, du reste pour la première fois devant la cour, ne suffisent pas à établir la réalité de cette contribution alléguée : l'attestation d'un de ses voisins, indiquant qu'il a déjà croisé le père et l'enfant, a été établie en octobre 2020, postérieurement à l'arrêté contesté, et ne précise pas le nombre, la fréquence et la ou les dates de ces rencontres ; les versements de sommes en espèces de la part du père, mentionnés dans les différentes " attestations de décharge " établies par la requérante elle-même, ne sont corroborés par aucune pièce du dossier ; enfin, le transfert d'une somme d'argent par le truchement de la société Western Union est isolé et daté du 30 septembre 2020, postérieurement à l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Si Mme A... fait valoir la présence en France de nombreux membres de sa famille, pour la plupart de nationalité française, elle n'apporte aucune précision sur les relations qu'elle entretient avec eux, alors qu'il ressort des pièces produites qu'ils résident dans d'autres départements que celui de la Marne où elle est installée. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue de toute attache dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 41 ans, ni qu'il lui serait impossible d'y reconstituer sa cellule familiale avec son fils, lequel pourra y être scolarisé. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a refusé de renouveler son titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. L'arrêté contesté n'a pas pour objet ou pour effet de séparer la requérante de son fils mineur, lequel pourra être scolarisé dans son pays d'origine, et ne saurait porter atteinte à la relation de ce dernier avec son père, laquelle, ainsi qu'il a été dit précédemment, n'est pas établie par les pièces du dossier. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Rees, président,
- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.
Le président-rapporteur,
Signé : P. Rees L'assesseur le plus ancien,
dans l'ordre du tableau,
Signé : J.F. Goujon-Fischer
La greffière,
Signé : S. Robinet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
S. Robinet
N° 20NC03350 2