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07/07/2022 | FRANCE | N°20NC00695

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 20NC00695


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier.

Par un jugement n° 1801898 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 16 mars 2020 et le 3 novem

bre 2021, M. B..., représenté par Me Ledoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du t...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 9 juillet 2018 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Ardennes a autorisé la société Ardennaise Industrielle à le licencier.

Par un jugement n° 1801898 du 17 janvier 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire respectivement enregistrés le 16 mars 2020 et le 3 novembre 2021, M. B..., représenté par Me Ledoux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 17 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la Société Ardennaise Industrielle le versement d'une somme de 2 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- seule la société Electrolux Home Products France (EHPF) pouvait valablement solliciter le bénéfice d'une autorisation de licenciement et l'administrateur judiciaire de la Société Ardennaise Industrielle (SAI) n'avait, à la date de la demande, aucun mandat de représentation de la société EHPF ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation quant à la détermination des catégories professionnelles et l'application des critères d'ordre de licenciement qui révèle une discrimination liée à son mandat ;

- son poste de monteur retenu dans la décision de l'inspectrice du travail ne figure pas dans la liste des postes supprimés, ni dans le jugement du tribunal de commerce ;

- l'inspectrice du travail n'a pas vérifié que son licenciement a été valablement autorisé par le juge judiciaire ;

- son licenciement n'a pas été valablement autorisé par le juge judiciaire ;

- les mesures préalables à la demande d'autorisation de licenciement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi n'ont pas été respectées ;

- les propositions de reclassement interne lui ont été adressées tardivement et au-delà du délai de quatre jours prévu à l'article D. 1233-2-1 du code du travail et du délai de sept jours fixé par le plan de sauvegarde de l'emploi et n'ont pas été individualisées ;

- l'obligation de reclassement interne n'a pas été respectée aux motifs qu'aucune recherche individualisée n'a été réalisée celle-ci n'étant ni précise, ni sérieuse, que ni les accusés réception des courriers adressés le 21 février par l'administrateur, ni les réponses à ces courriers ne sont produits ;

- aucune recherche de reclassement n'a été effectuée entre le 26 février 2018 et la date de son licenciement ;

- le périmètre de l'obligation de reclassement est erroné dès lors qu'il ne tient pas compte de la situation de co-emploi avec la société EHPF ;

- l'obligation de reclassement a été méconnue dès lors qu'aucune recherche de reclassement n'a été effectuée au sein du groupe Electrolux alors même qu'il existait des relations étroites entre la société EHPF et SAI, ni au sein de la société Delta Doré, pourtant repreneur d'une des branches d'activités de la société SAI.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 17 novembre 2020 et le 19 novembre 2021, la Société Ardennaise Industrielle, représentée par Me Bordier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier :

Vu :

- le code de commerce ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Touchon, pour M. B..., ainsi que celles de Me Lafage, pour la Société Ardennaise Industrielle.

Considérant ce qui suit :

1. La Société Ardennaise Industrielle (SAI), créée en 2013 par la société Electrolux Home Products France (EHPF), a été cédée le 19 juin 2014 à la société Selni Investissement. Par un jugement du 3 janvier 2018, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société SAI. Par un jugement du 16 mai 2018, le même tribunal a arrêté la cession partielle de la société SAI à la société Delta Dore Finance, décidé que le plan de cession s'entendait de la poursuite de 24 contrats de travail dont il a autorisé le transfert, et autorisé la suppression des 157 postes non repris et le licenciement des salariés correspondants. Le 30 mai 2018, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement économique collectif donnant lieu à la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de la société SAI. Le 13 juin 2018, l'administrateur judiciaire de la société SAI a saisi l'inspectrice du travail de l'unité départementale des Ardennes d'une demande d'autorisation de licencier, pour motif économique, M. B..., membre titulaire du comité d'entreprise et délégué du personnel suppléant. Par une décision du 9 juillet 2018, l'inspectrice du travail a délivré l'autorisation sollicitée.

2. M. B... relève appel du jugement du 17 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles (...). L'employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l'ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises ". Par ailleurs, selon l'article 6.2.1 du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par une décision du 30 mai 2018 de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est : " A compter de la date de la proposition écrite de reclassement (adressée par lettre recommandée avec accusé réception ou remise en main propre), le salarié disposera d'un délai de réflexion de 7 jours calendaires à compter de la date d'envoi pour l'accepter ou la refuser. Le salarié devra faire connaître sa réponse par écrit ".

4. Il ressort du document unilatéral du plan de sauvegarde de l'emploi homologué par une décision de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Grand Est du 30 mai 2018, devenue définitive, que le périmètre de l'obligation de reclassement interne inclut, en l'espèce, les sociétés du groupe Selni, auquel appartient également la société Ardennaise Industrielle. Par un courrier du 21 février 2018, l'administrateur judiciaire de cette dernière a sollicité les autres sociétés de ce groupe en leur demandant de lui répondre au plus tard le 26 février. Seule la société Sourdillon lui a répondu, le 1er mars 2018, en lui indiquant qu'elle disposait de trois postes vacants.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 31 mai 2018, l'administrateur judiciaire de la société Ardennaise Industrielle a proposé ces postes à M. B.... Ce dernier n'a pas reçu d'autre proposition de postes. Le courrier du 31 mai 2018 précise que l'intéressé bénéficie " d'un délai de réflexion courant jusqu'au 6 juin 2018 à 17 heures pour formuler [sa] réponse sur les postes offerts en reclassement ", et que " l'absence de réponse réceptionnée dans ce délai équivaudra à un refus de la proposition de reclassement ". En l'absence de tout élément permettant de vérifier la date à laquelle ce courrier a été envoyé à M. B..., lequel indique d'ailleurs, sans que cela ne soit contesté, ne l'avoir reçu que le 7 juin 2018, il n'est pas établi que le délai de réflexion prévu par les dispositions de l'article 6.2.1 du plan de sauvegarde de l'emploi homologué précité a été respecté. Cette irrégularité faisait obstacle à ce que l'inspectrice du travail autorise le licenciement de l'intéressé.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande d'annulation de cette décision. Dès lors, il est fondé à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que de la décision de l'inspectrice du travail du 9 juillet 2018.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat et de la Société Ardennaise Industrielle le versement chacun de la somme de 1 000 euros chacun au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1801898 du 17 janvier 2020 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et la décision de l'inspectrice du travail du 9 juillet 2018 sont annulés.

Article 2 : L'Etat et la Société Ardennaise Industrielle verseront à M. B... une somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la Société Ardennaise Industrielle présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion et à la Société Ardennaise Industrielle.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Rees, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

- Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : P. Rees

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

2

N° 20NC00695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00695
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. REES
Rapporteur ?: Mme Marion BARROIS
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : CAPSTAN LMS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-07-07;20nc00695 ?
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