La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°20NC00556

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20NC00556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, pour un montant total de 158 936 euros.

Par un jugement n° 1803408 du 18 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requê

te, enregistrée le 3 mars 2020, M. B..., représenté par Me Briclot, demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi que des pénalités correspondantes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013, pour un montant total de 158 936 euros.

Par un jugement n° 1803408 du 18 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a partiellement fait droit à la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 mars 2020, M. B..., représenté par Me Briclot, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 février 2020 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et des pénalités correspondantes restées à sa charge pour un montant de 95 648 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre à tous les moyens soulevés ;

- la charge de la preuve incombe à l'administration dès lors que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'a pas accepté tacitement les rectifications en litige ; or, le service, qui dispose des éléments permettant de s'assurer de la destination initiale des locaux, ne démontre pas que l'immeuble n'était pas, dès son origine, affecté à l'habitation ;

- il se prévaut de la doctrine BOI-CF-IOR-10-50 n° 400 du 4 février 2015.

- c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction du montant des travaux qu'il a réalisés au titre des années 2012 et 2013, dès lors qu'ils ont permis que l'immeuble retrouve son usage initial, à savoir l'habitation, les locaux litigieux étant initialement des logements de fonction ; l'occupation temporaire des locaux à un autre usage n'ôte pas la destination que l'immeuble avait sans contestation possible en 1951, si ce n'est à l'origine, en raison de l'absence de preuve apportée par l'administration ; les travaux n'ont pas eu pour effet de créer de nouveaux locaux d'habitation ; contrairement à ce que retient l'administration, le terme " originel " renvoie à la situation immédiatement antérieure à la période durant laquelle le bien a été affecté à un usage autre que l'habitation ; les recensements de 1936 et 1946 ainsi qu'un article publié en 2009 attestent de ce que la famille du receveur et celle du facteur vivaient dans l'immeuble en litige.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Par acte du 15 novembre 2012, M. et Mme B... ont acquis le premier étage et les combles de l'immeuble " Kaiserliches Postamt " (bureau de poste impérial) situé à Sélestat (Bas-Rhin), occupé par un bureau de poste jusqu'en 2012. Ils ont transformé ces deux étages en sept appartements locatifs. Ils ont déduit de leurs revenus fonciers les dépenses correspondant à ces travaux, pour des montants respectifs de 102 292 euros au titre de l'année 2012 et 270 463 euros pour l'année 2013. Par une proposition de rectification du 3 décembre 2015, établie selon la procédure de rectification contradictoire, l'administration a remis en cause la déduction de ces sommes aux motifs, d'une part, que l'affectation des locaux avait été modifiée et, d'autre part, que la surface habitable avait été augmentée. Elle a en conséquence assujetti le foyer fiscal de M. B... à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2012 et 2013 d'un montant total, en droits et pénalités, de 158 936 euros. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 février 2020 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité du jugement :

2. Si le requérant soutient que la motivation du jugement du tribunal administratif serait entaché d'irrégularité, il ressort toutefois des termes de celui-ci que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de reprendre l'ensemble des arguments des parties, ont répondu de manière suffisamment précise à l'ensemble des moyens soulevés par la société requérante. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation ou de défaut de réponse à certains moyens, soulevé à l'encontre de ce jugement ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions à fin de de décharge :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / Sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L 11, ce délai est prorogé de trente jours (...) / Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Selon l'article R* 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Aux termes de l'article R. 194-1 dudit livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré ".

4. Il est constant que M. B... n'a fait parvenir à l'administration fiscale que le 7 février 2016, par message, et le 8 février 2016, par courrier recommandé avec accusé réception, ses observations sur la proposition de rectification du 3 décembre 2015, soit au-delà du délai prorogé de trente jours en application des dispositions précitées, qui expirait en l'espèce le 3 février 2016. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que l'administration a irrégulièrement regardé ces observations comme tardives et a considéré à tort qu'il devait être regardé comme ayant tacitement accepté les rectifications en litige. Par suite, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, M. B... supporte la charge de la preuve et doit établir l'exagération de l'imposition à laquelle il a été assujetti. En outre, et de manière générale, il appartient au contribuable qui entend déduire de son revenu foncier brut les dépenses constituant, selon lui, des charges de la propriété, de justifier de la réalité, de la consistance et, par suite, du caractère déductible de ces charges, en produisant des pièces justificatives permettant d'établir avec précision la nature, le montant et la réalité de la charge supportée.

5. En second lieu, aux termes du paragraphe n° 400 de la doctrine administrative BOI-CF-IOR-10-50 dans sa version publiée le 4 février 2015 : " Une réponse parvenue après l'expiration du délai de trente jours, ou de soixante jours en cas de prorogation de délai, ne peut, en principe, être prise en considération. Cependant, le service se montrera compréhensif à l'égard des contribuables qui justifieront avoir été, en raison d'un empêchement caractérisé, dans l'impossibilité de donner suite dans le délai imparti aux propositions de rectification qui leur ont été adressées. Il en sera ainsi, notamment, en cas de maladie ou à l'occasion des congés. En outre, le service devra éventuellement tenir compte des observations présentées tardivement si elles sont de nature, au regard d'une instance ultérieure, à mettre en cause le bien-fondé des impositions ".

6. M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'instruction référencée BOI-CF-IOR-10-50 n°400 du 4 février 2015, dès lors que cette doctrine concerne la procédure d'imposition et ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale au sens des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne le bien fondé de l'imposition :

7. Aux termes de l'article 31 du code général des impôts : " I - Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : a) les dépenses de réparation et d'entretien (...) b) les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement (...) ". Au sens de ces dispositions, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d'habitation, ou qui ont pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d'agrandissement, ceux qui ont pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d'aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s'ils affectent le gros œuvre ou s'il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.

8. Lorsqu'un immeuble est, par sa conception, son aménagement et ses équipements, destiné originellement à l'habitation, son occupation temporaire pour un autre usage n'est pas de nature à elle seule à lui ôter cette destination, en l'absence de travaux modifiant sa conception, son aménagement ou ses équipements. Lorsque son occupation pour un autre usage que l'habitation a pris fin, il doit, en pareil cas, être regardé comme affecté de nouveau à usage d'habitation. Les travaux d'amélioration alors réalisés en vue de sa location à usage d'habitation ne contribuent pas, par suite, à la création de nouveaux locaux d'habitation. Leur montant est donc déductible des revenus fonciers, dans les conditions prévues au paragraphe b) du 1° de l'article 31 du code général des impôts.

9. Il résulte de l'instruction que les locaux en litige ont été construits au cours des années 1883 et 1884. Lors de la procédure de contrôle et de rectification, le service a, de lui-même, effectué des recherches et a récupéré les plans initiaux des combles, annotés en langue allemande, qui faisaient état de surfaces dédiées à l'habitation pour 109 m². L'administration a estimé, en s'appuyant sur un faisceau d'indices, qu'une surface de 173 m², déterminée selon les plans de 1950, " devait probablement " constituer originellement des logements au premier étage. Elle a par conséquent prononcé des dégrèvements partiels à concurrence de ces surfaces. Pour démontrer que les lots nos 63, 65, 66, 68, 69, et 70 constituent des dépendances des surfaces que l'administration a finalement regardées comme affectées originellement à l'habitation, M. B... invoque la présence d'une douche au premier étage, dont il affirme, au demeurant sans le démontrer, qu'elle était affectée à plusieurs logements. Par ailleurs, il ressort de la comparaison du plan du premier étage de l'immeuble en litige, établi en 1950, produit par M. B... en première instance, avec les extraits de l'étude volumétrique diligentée par la direction régionale des PTT en 2012, produits par l'intéressé en appel, que le volume AB dévolu " à usage de logement, de caves et de locaux à aménager ", présente deux sous-fractions au premier étage, dont la surface ABd correspond à la " salle du multiple ", identifiée sur le plan de 1950 et dédiée à diverses activités professionnelles. En outre, les locaux situés de l'autre côté du couloir central, identifiés sur le plan de 1950 comme " libres " et intitulé pour l'un " tables d'essais ", ne présentent aucune indication relative à leur affectation sur les extraits produits de l'étude volumétrique. Au demeurant, ce document, établi en 2012, ne saurait, eu égard à sa date d'édition, attester l'affectation originelle des locaux litigieux lors de la construction de l'immeuble en 1884, à l'instar des listes nominatives des recensements de la population de Sélestat de 1936 et 1946 et de l'article de presse de 2009 faisant état des logements de fonction situés aux étages de l'immeuble. Dans ces conditions, il n'est pas établi que les locaux restés en litige, pour une surface de 282 m², ont été destinés originellement à un usage d'habitation ni, à supposer que ces locaux aient effectivement été destinés dès l'origine à l'habitation, que les changements d'affectation, non contestés, intervenus depuis leur construction ne se sont pas accompagnés de travaux ayant modifié leur conception, leurs aménagements ou leurs équipements. Enfin, M. B..., qui ne conteste pas qu'à l'issue des travaux réalisés la surface habitable des locaux a été portée à 557,59 m², ne démontre pas qu'avant le début des travaux, la surface éligible était supérieure à celle retenue par l'administration, soit 282 m². Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé les travaux dont elle a remis en cause la déduction comme ayant conduit à un changement d'affectation des locaux en litige et ayant permis d'accroitre la surface habitable des locaux litigieux.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas entièrement fait droit à sa demande.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Agnel, président assesseur,

Mme Stenger, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

La rapporteure,

Signé : L. C... Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC00556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC00556
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : SAS IN EXTENSO AVOCATS ALSACE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-06-30;20nc00556 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award