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19/05/2022 | FRANCE | N°21NC02801

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 19 mai 2022, 21NC02801


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part, l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'autre part, l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le préfet d

es Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler d'une part, l'arrêté du 5 juillet 2021 par lequel le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et d'autre part, l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges.

Par un jugement n° 2102719 du 30 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 5 juillet 2021 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de renvoi et lui fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ainsi que l'arrêté du 20 septembre 2021 par lequel le préfet des Vosges l'a assigné à résidence dans le département des Vosges.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2021, le préfet des Vosges demande à la cour d'annuler ce jugement du 30 septembre 2021.

Le préfet soutient que :

- le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a commis une erreur de droit en estimant qu'il n'était pas justifié de ce que le médecin ayant réalisé le rapport médical n'a pas siégé lors du prononcé de l'avis et que le requérant a par conséquent été privé d'une garantie ; aucun texte législatif ou règlementaire ne prescrit à l'autorité préfectorale de s'assurer de la régularité de la procédure devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- M. Percheron, secrétaire général de la préfecture des Vosges était bien compétent pour signer les actes attaqués ;

- il a correctement appliqué les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les caractéristiques du système de santé de l'Arménie au regard de la pathologie du requérant, ont été étudiées par le collège de médecins de l'OFII ; ce dernier n'a pas renversé la charge de la preuve qui lui incombe dès lors qu'il n'a jamais communiqué à l'administration préfectorale d'éléments relatifs à sa pathologie et n'a ainsi produit aucune information permettant d'apprécier l'existence ou l'absence d'un traitement approprié en Arménie ;

- il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination est légale par voie de conséquence de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en fixant à deux l'interdiction de retour sur le territoire français ;

- la décision portant assignation à résidence de l'intéressé a été signée par une autorité compétente, est suffisamment motivée et non stéréotypée et n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.

M. D... n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien né le 7 juillet 1983, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 23 juillet 2014, accompagné de son épouse, en vue de solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 16 juin 2017, le préfet des Vosges a fait obligation à M. D... de quitter le territoire français. Par un arrêté du 31 octobre 2017, le préfet du Haut-Rhin a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Après avoir quitté le territoire français en novembre 2017, M. D... est à nouveau entré en France à une date indéterminée et a sollicité le réexamen de sa demande d'asile. Sa demande a été rejetée comme étant irrecevable par une décision de l'OFPRA du 28 février 2019. Le 18 janvier 2021, M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 5 juillet 2021, le préfet des Vosges a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un arrêté du 20 septembre 2021, le préfet des Vosges a assigné M. D... à résidence dans le département des Vosges. M. D... relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé ces deux arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions de l'article L. 313-11 du même code: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable.

La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 de ce code, reprenant les dispositions de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.

Les orientations générales mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 425-9 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé. ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code, reprenant les dispositions de l'article R. 313-23 dudit code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. Le médecin de l'office peut solliciter, le cas échéant, le médecin qui suit habituellement le demandeur ou le médecin praticien hospitalier. Il en informe le demandeur. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code, reprenant les dispositions de l'article R. 313-23 de ce code : " (...) Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". En outre, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ".

3. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Il ne résulte d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou l'arrêté préfectoral refusant le séjour au titre de ces mêmes dispositions devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R. 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office.

5. Il résulte également de la combinaison des dispositions citées au point 2 que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 425-9 du même code. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.

6. En l'espèce, le préfet des Vosges n'a pas produit, ni en première instance, ni en appel, d'élément permettant l'identification du médecin qui a rédigé le rapport médical, ni d'ailleurs le rapport lui-même, au vu duquel le collège de médecins de l'(OFII) a émis l'avis en litige du 16 mars 2021. Dès lors, il n'est pas établi que le médecin rapporteur n'a pas siégé au sein du collège de médecins, nonobstant la circonstance qu'une décision du 7 juin 2021 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'(OFII), fait apparaître que les trois médecins signataires de l'avis en litige sont membres du collège de médecins et ne sont par conséquent pas médecins rapporteurs dès lors que cette décision est intervenue postérieurement à l'avis en litige. Dans ces conditions, cet avis doit être regardé comme étant intervenu en méconnaissance des dispositions des articles R. 425-11 et R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie, le préfet des Vosges n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement entrepris, le Tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés attaqués.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet des Vosges est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... D....

Une copie du présent arrêt sera adressée au préfet des Vosges.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

Mme Stenger, première conseillère,

Mme Roussaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Signé : L. C... Le président,

Signé : M. A...

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

C. SCHRAMM

N° 21NC02801 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02801
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: Mme Laurence STENGER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-05-19;21nc02801 ?
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