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28/04/2022 | FRANCE | N°21NC01924

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 28 avril 2022, 21NC01924


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102448 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021, M. B... A...

, représenté par Me Gangloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2021 ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 4 février 2021 par lequel la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2102448 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021, M. B... A..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2021 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 4 février 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin de lui remettre une carte de séjour temporaire portant mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, ou de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lambing a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né en 1964 et de nationalité géorgienne, serait entré irrégulièrement en France le 26 juillet 2019 selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 9 octobre 2019 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 juin 2020. L'intéressé a obtenu une autorisation provisoire de séjour pour raisons de santé du 14 février au 13 mai 2020. Le 24 juin 2020, M. A... a déposé une demande de titre de séjour en faisant valoir à nouveau son état de santé. Par arrêté du 4 février 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 3 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 4 février 2021.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...). La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, en vertu des règles gouvernant l'administration de la preuve devant le juge administratif, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays de renvoi.

4. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... en raison de son état de santé, la préfète du Bas-Rhin s'est fondée sur l'avis du 23 octobre 2020 du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il est également précisé que l'intéressé peut voyager sans risque vers son pays d'origine.

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments médicaux produits par M. A..., qu'il souffre d'une cardiopathie ischémique sévère, du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) depuis 2017 ainsi que d'un état dépressif sévère. Le requérant bénéficie d'un traitement médicamenteux pour l'ensemble de ses pathologies et d'une surveillance régulière , tous les deux mois s'agissant de sa cardiopathie et tous les quatre mois s'agissant du VIH. Il est également suivi par un psychiatre une fois tous les quinze jours. Il a eu la pose de deux stents le 15 novembre 2019 à la suite d'un accident vasculaire en 2018. La praticienne hospitalière note dans son certificat médical destiné à l'(OFII) du 9 juillet 2020 que son état est instable sur le plan cardiovasculaire mais qu'il est stabilisé concernant le VIH et ses troubles psychiatriques. Le requérant se prévaut d'un rapport de l'(OFPRA) du 19 mars 2018 relatif à la situation des personnes séropositives en Géorgie. Cependant, s'il mentionne une discrimination à l'égard des personnes séropositives, ce rapport fait état des efforts importants de la Géorgie dans la lutte contre le sida avec notamment un accès universel à un traitement dispensé dans quatre villes du pays, dont Tbilissi, où résident l'épouse et les enfants de M. A.... La possibilité de prise en charge dans son pays d'origine de la séropositivité de M. A... par Eviplera, association d'antirétroviraux prescrite à l'intéressé, selon l'avis du collège de médecins de l'(OFII), est confirmée par les éléments issus de la banque mondiale de données médicales, dénommée MEDCOI (medical country of origin information), produits en première instance par la préfète. Concernant la pathologie psychiatrique, en se bornant à produire un document général de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés du 30 juin 2020, le requérant ne justifie pas qu'il n'aurait pas effectivement accès à un suivi régulier par un psychiatre et à un traitement médicamenteux identique ou équivalent à celui qui lui est prescrit en France. Enfin, s'agissant de sa pathologie cardiaque, si les certificats médicaux produits par le requérant des 9 juillet 2020 et 18 février 2021 mentionnent la nécessité d'une surveillance très régulière et d'un état non encore stabilisé, ces pièces n'indiquent cependant pas que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'une prise en charge similaire en Géorgie. Seule la nécessité de soins est mentionnée dans ces pièces médicales, ce que la préfète ne conteste pas dans la décision attaquée, à la suite de l'avis du collège des médecins de l'(OFII). En outre, pour contester la teneur de l'avis du collège de médecins de l'(OFII), M. A... se prévaut de l'absence de changement de situation du système de santé de Géorgie entre février et octobre 2020. Mais le collège s'est prononcé sur la disponibilité du traitement médical au regard de l'état de santé du requérant. L'avis du 14 février 2020, qui a donné lieu à une autorisation provisoire de séjour afin de poursuivre des soins pour une période de trois mois seulement, a été rendu quelques mois à peine après la pose de deux stents. L'avis du 23 octobre 2020 intervient au contraire presque un an après cette intervention. Dans ces circonstances, les éléments produits par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'(OFII), sur lequel s'est fondée la préfète, pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

8. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt. Par ailleurs, l'intéressé n'établit pas qu'il ne pourrait pas voyager sans risque.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

10. En second lieu, M. A... se borne à reprendre en appel, sans l'assortir d'éléments de droit ou de fait nouveaux, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie du présent arrêt sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.

La rapporteure,

Signé : S. LAMBING Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 21NC01924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC01924
Date de la décision : 28/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GANGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-28;21nc01924 ?
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