Vu la procédure suivante :
Par un arrêt avant-dire droit du 23 septembre 2021, auquel il est fait expressément référence, la cour, avant de statuer sur l'appel formé par Mme B... contre le jugement n° 1800429 du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu établies au titre des années 2012, 2013 et 2014 a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen une question de droit nouvelle.
Vu :
- l'avis du Conseil d'Etat n° 456995 du 29 novembre 2021 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- l'accord du 11 avril 1983 conclu entre le gouvernement de la république française et le Conseil fédéral suisse relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers, complété par l'échange de lettres des 5 et 12 juillet 2007 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience publique.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Agnel ;
- les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
Sur le principe de l'imposition en France des salaires de Mme B... :
1. Aux termes de l'article 17 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, relatif aux traitements et salaires privés : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 18 à 21, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat (...). / 4. Les dispositions de l'accord du 11 avril 1983 relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers, qui font partie intégrante de la présente convention, s'appliquent nonobstant les dispositions précédentes du présent article, mais sous réserve des dispositions des articles 18, 19 et 21 ". Ces derniers articles sont relatifs, respectivement, aux tantièmes et jetons de présence, aux artistes et sportifs et aux rémunérations et pensions publiques.
2. Aux termes de l'article 1er de l'accord relatif à l'imposition des rémunérations des travailleurs frontaliers conclu le 11 avril 1983 entre la France et le Conseil fédéral suisse agissant au nom des cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neuchâtel et Jura : " Les salaires, traitements et autres rémunérations similaires reçus par les travailleurs frontaliers ne sont imposables que dans l'Etat où ils sont les résidents, moyennant une compensation financière au profit de l'autre Etat ". L'article 3 du même accord stipule : " L'expression " travailleur frontalier " désigne toute personne résidente d'un Etat qui exerce une activité salariée dans l'autre Etat chez un employeur établi dans cet autre Etat et qui retourne, en règle générale, chaque jour dans l'Etat dont elle est le résident ".
3. Aux termes de l'article 31 de la convention du 9 septembre 1966 : " 1. Les autorités compétentes des Etats contractants déterminent les modalités d'application de la présente convention. (...) 2. Pour obtenir dans un Etat contractant les avantages prévus par la présente convention, les résidents de l'autre Etat contractant doivent, à moins que les autorités compétentes en disposent autrement, présenter un formulaire d'attestation de résidence indiquant en particulier la nature ainsi que le montant ou la valeur des revenus ou de la fortune concernée, et comportant la certification des services fiscaux de cet autre Etat ". Aux termes du i) du 1. de l'article 3 de cette convention : " L'expression "autorité compétente" désigne : i) dans le cas de la France, le ministre chargé du budget ou son représentant autorisé ; ii) dans le cas de la Suisse, le directeur de l'administration fédérale des contributions ou son représentant autorisé ".
4. Par un échange de lettres des 5 et 12 juillet 2007, publié le 10 décembre 2007 au bulletin officiel des impôts sous la référence 14 B-1-07 et repris au paragraphe n° 80 des commentaires administratifs publiés le 15 juillet 2013 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) - impôts sous la référence BOI-INT-CVB-CHE-10-20-60, les autorités compétentes française et suisse ont précisé, en application des stipulations précitées de l'article 31 de la convention du 9 septembre 1966, que pour bénéficier, à compter du 1er janvier 2008, de l'exonération de retenue à la source sur leur salaire, les salariés ayant la qualité de travailleurs frontaliers au sens de l'article 3 de l'accord du 11 avril 1983 devaient remettre, au plus tard le 1er janvier de l'année au titre de laquelle ils sollicitaient l'application du régime spécifique prévu par cet accord, une attestation de résidence fiscale à leur employeur et qu'à défaut de production de cette attestation, l'employeur était tenu de prélever la retenue à la source, conformément aux dispositions légales en vigueur.
5. Il résulte des stipulations précitées du 4 de l'article 17 de la convention du 9 septembre 1966 et de l'accord du 11 avril 1983 que, par dérogation à la règle énoncée au 1 de l'article 17 de cette convention selon laquelle les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat sont imposables concurremment dans cet autre Etat et dans l'Etat de résidence, les parties signataires ont entendu attribuer au seul Etat de résidence le pouvoir de taxer les revenus perçus par les travailleurs frontaliers à raison d'un emploi salarié exercé dans l'autre Etat, moyennant une compensation financière au profit de cet autre Etat.
6. La circonstance qu'un travailleur frontalier résident de France ait omis de remettre à son employeur suisse, avant le 1er janvier de l'année concernée, l'attestation de résidence fiscale prévue par le 2 de l'article 31 de la convention du 9 septembre 1966, selon les modalités précisées par l'échange de lettres des 5 et 12 juillet 2007, si elle est de nature à le priver, le cas échéant, de la possibilité d'obtenir l'avantage consistant en ce que la retenue à la source prévue par les dispositions du droit fiscal suisse ne soit pas pratiquée, ne saurait avoir pour effet de priver la France du pouvoir exclusif de taxer qu'elle tient des stipulations rappelées au point précédent et qui ne saurait être regardé comme un " avantage " prévu par la convention au bénéfice des résidents de l'un ou l'autre des Etats signataires. Par suite, c'est à juste titre que Mme B... a été imposée à l'impôt sur le revenu en France au titre des années litigieuses à raison des salaires qu'elle a perçus de son employeur suisse établi dans le canton de Vaud en dépit de ce qu'elle ne lui a pas remis l'attestation de résidence.
Sur le bénéfice du crédit d'impôt prévu par l'article 25 de la convention franco-suisse :
7. Aux termes de l'article 25 de la convention du 9 septembre 1966 ci-dessus visée : " Il est entendu que la double imposition sera évitée de la manière suivante : A. En ce qui concerne la France : 1. Nonobstant toute autre disposition de la présente convention, les revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'en Suisse conformément aux dispositions de la convention, et qui constituent des revenus imposables d'un résident de France, sont pris en compte pour le calcul de l'impôt français lorsqu'ils ne sont pas exemptés de l'impôt sur les sociétés en application de la législation interne française. Dans ce cas, l'impôt suisse n'est pas déductible de ces revenus, mais le résident de France a droit, sous réserve des conditions et limites prévues aux a et b, à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français. Ce crédit d'impôt est égal : a) Pour les revenus non mentionnés au paragraphe 1, b, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le résident de France soit soumis à l'impôt suisse à raison de ces revenus ".
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que les salaires de Mme B... n'étaient imposables qu'en France au titre des années litigieuses. Par suite, la requérante ne saurait revendiquer le bénéfice du crédit d'impôt institué par les stipulations ci-dessus reproduites lesquelles ont pour objet de régir la situation des résidents transfrontaliers dont le salaire est imposable en Suisse puis intégré dans la base imposable en France.
Sur la procédure de règlement amiable :
9. Aux termes de l'article 27 de la convention fiscale du 9 septembre 1966 ci-dessus visée : "1. Lorsqu'une personne estime que les mesures prises par un Etat contractant ou par les deux Etats contractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente convention, elle peut, indépendamment des recours prévus par le droit interne de ces Etats, soumettre son cas à l'autorité compétente de l'Etat contractant dont elle est un résident ou, si son cas relève du paragraphe 1 de l'article 26, à celle de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité. Le cas doit être soumis dans les trois ans qui suivent la première notification de la mesure qui entraîne une imposition non conforme aux dispositions de la convention. / 2. Ces autorités compétentes s'efforceront, si la réclamation leur paraît fondée et si elles ne sont pas elles-mêmes en mesure d'apporter une solution satisfaisante, de régler la question par voie d'accord amiable avec les autorités compétentes de l'autre Etat contractant, en vue d'éviter une imposition non conforme à la convention ".
10. Il résulte de l'instruction que Mme B..., dans sa réclamation préalable tendant par ailleurs au dégrèvement des impositions litigieuses, a saisi l'administration d'une demande tendant à la mise en œuvre de la procédure de règlement amiable prévue par les stipulations ci-dessus reproduites. Par sa décision du 3 août 2016, le directeur départemental des finances publiques du Jura, après avoir rejeté la réclamation, a également rejeté cette demande au motif que l'intéressée n'était pas encore en possession d'une décision de rejet de sa réclamation par les autorités helvétiques. Si Mme B... demande à ce qu'il soit enjoint à l'administration de mettre en œuvre cette procédure, en saisissant les autorités helvétiques compétentes, la violation de ces stipulations ne peut être invoquée devant le juge de l'impôt dans le cadre d'un litige tendant à la décharge d'impositions et il appartenait à l'intéressée, si elle s'y croyait fondée, de saisir le juge de l'excès de pouvoir du refus qui lui avait ainsi été opposé. Or, il est constant qu'elle n'a pas formulé de telles conclusions à fin d'annulation tant en première instance qu'en appel. Par suite, le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que les conclusions aux fins d'injonction de la requête de Mme B... sont irrecevables.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions y compris celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
M. Martinez, président de chambre,
M. Agnel, président assesseur,
Mme Mosser, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.
Le rapporteur,
Signé : M. AGNELLe président,
Signé : J. MARTINEZ
La greffière,
Signé : C. SCHRAMM
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
C. SCHRAMM
N° 20NC00819
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