Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une ordonnance du 25 mars 2021, le président du tribunal administratif de Montreuil a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la requête de M. B..., enregistrée le 17 mars 2021, au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2100705 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces enregistrées le 29 juillet 2021 et le 27 septembre 2021, ainsi que des pièces enregistrées le 8 mars 2022 et non communiquées, M. B..., représenté par Me Monconduit demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 25 juin 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer un titre de séjour " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour dans cette attente, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter du présent arrêt sous astreinte de 50 euros par jour de retard
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- Le préfet a commis une erreur de droit en examinant sa demande de titre de séjour comme une demande de renouvellement de sa carte pluriannuelle passeport talent sur le fondement de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle lui avait été délivrée par erreur ;
- Il aurait dû examiner sa demande de renouvellement de titre de séjour en qualité de commerçant ;
- Le préfet a omis d'examiner sa demande de titre de séjour en qualité de salarié alors qu'il avait communiqué à cet effet une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée en application de l'article 3 de l'accord franco-marocain et par conséquent, il aurait dû saisir la DIRECCTE ;
- Le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans le cadre de son pouvoir de régularisation en ne prenant pas en compte sa recherche active d'un fonds de boulangerie, sa promesse d'embauche à compter du 1er mars 2021 en qualité de boulanger ainsi que ses liens familiaux en France ;
- La décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle ;
- Elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Aube le 26 août 2021 qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Par ordonnance du 15 février 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Barrois, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain, est entré sur le territoire français le 31 août 2013 muni d'un visa D en qualité de commerçant et a résidé en France sous couvert d'une carte de séjour mention commerçant renouvelée jusqu'au 7 octobre 2016 puis d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention passeport talent valable du 8 octobre 2016 jusqu'au 7 octobre 2020 accordée par le préfet de Seine-Saint-Denis. Le 10 octobre 2020, M. B... a demandé le renouvellement de sa carte de séjour provisoire valable du 8 octobre 2016 au 7 octobre 2020. Par un arrêté du 15 février 2021, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. B... relève appel du jugement du 29 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " La carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent ", d'une durée maximale de quatre ans, est délivrée, dès sa première admission au séjour : 1° A l'étranger qui soit exerce une activité professionnelle salariée et a obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit est recruté dans une entreprise définie à l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts ou dans une entreprise innovante reconnue par un organisme public suivant des critères définis par décret et dont la liste est publiée par le Gouvernement pour exercer des fonctions en lien avec le projet de recherche et de développement de cette entreprise ou avec le développement économique, social, international et environnemental de ce projet ; (..) ". Il résulte de la demande de titre de séjour de M. B... du 10 octobre 2020 que celui-ci a sollicité le renouvellement de sa carte de séjour pluriannuelle portant la mention passeport talent valable du 8 octobre 2016 jusqu'au 7 octobre 2020. Dès lors, le préfet de l'Aube n'a pas commis d'erreur de droit en examinant sa demande sur le fondement de l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
3. En deuxième lieu et comme rappelé au point précédent, la demande de titre de séjour du requérant reposait exclusivement sur l'article L. 313-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que, malgré ses tentatives d'acquérir un fonds de commerce de boulangerie avec son beau-frère, M. B... aurait exercé des fonctions de gérant d'une boulangerie-pâtisserie depuis la cession de ce même fonds de commerce le 1er novembre 2016 qui aurait pu justifier l'octroi d'un tel titre. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait dû également examiner sa demande de titre de séjour en qualité de commerçant dès lors qu'il en avait bénéficié jusqu'au 7 octobre 2016 doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 9 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. " et de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ".
5. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour à raison d'une activité salariée, traitant ainsi de ce point au sens de l'article 9 de cet accord, il fait obstacle à l'application des dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lors de l'examen d'une demande d'admission au séjour présentée par un ressortissant marocain au titre d'une telle activité. Cet examen ne peut être conduit qu'au regard des stipulations de l'accord, sans préjudice de la mise en œuvre par le préfet du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité de délivrer à titre de régularisation un titre de séjour à un étranger ne remplissant pas les conditions auxquelles cette délivrance est normalement subordonnée, pouvoir dont les stipulations de l'accord ne lui interdisent pas de faire usage à l'égard d'un ressortissant marocain. Toutefois il ressort également de ces dispositions que l'article 3 de l'accord franco-marocain en imposant la présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, doit être regardé comme renvoyant aux dispositions du 2° de l'article L. 5221-1 du code du travail qui précise que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ".
6. M. B... soutient que son courriel du 3 février 2021 adressé à 21h08 aux services de la préfecture de l'Aube par lequel il transmet au préfet une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée dans une boulangerie aurait dû être interprété par le préfet comme une demande de changement de statut de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié. A supposer que ce courriel puisse être interprété comme une telle demande, ce qui ne résulte pas expressément de ses termes, il ressort des pièces du dossier que M. B... s'est prévalu uniquement d'une promesse d'embauche de la société " Le Fournil d'autrefois " en contrat à durée indéterminée à compter du 1er mars 2021, et n'a ainsi pas présenté, à l'appui de sa demande de titre de séjour en qualité de salarié, un contrat de travail visé par l'autorité administrative. Il ne remplissait en conséquence pas les conditions de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Si M. B... fait valoir qu'il est entré en France le 31 août 2013, que ses parents sont décédés, et que deux de ses sœurs résident régulièrement en France ainsi que ses nièces et neveux, il n'établit pas avoir tissé d'autres liens personnels en France, ni être dépourvu d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 47 ans. Dès lors, le moyen tiré de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. En cinquième lieu et comme exposé précédemment, les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". En l'espèce, toutefois, pour les raisons évoquées précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Aube aurait fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Aube
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Grossrieder, présidente de chambre,
- Mme Stenger, première conseillère,
- Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022 .
La rapporteure,
Signé : M. BarroisLa présidente,
Signé : S. Grossrieder
La greffière,
Signé : N. BassoLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 21NC02181