Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... E... a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 1er septembre 2020 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit.
Par un jugement n° 202188 du 24 novembre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée sous le n° 20NC03826 le 30 décembre 2020, M. E... représenté par Me Grosset, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 24 novembre 2020 ;
2°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour ou à tout le moins une autorisation provisoire de séjour ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Grosset sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente dès lors que le signataire n'avait pas reçu délégation pour signer les obligations de quitter le territoire français faute d'une délégation précise ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ;
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet ne pouvait fonder la décision litigieuse sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que l'arrêté du 25 mai 2018 portant refus de séjour a été annulé par la juridiction administrative et que le nouvel arrêté portant refus de séjour a été pris sur le même fondement ;
- le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;
- le préfet a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le tribunal n'a pas tenu compte de l'absence de décision concernant son épouse ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- son épouse est gravement malade et ne peut faire l'objet d'un éloignement en application de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :
- la décision relative au délai de départ volontaire repose sur les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, en prévoyant un délai automatique indépendant de la situation de l'intéressé et des circonstances propres à chaque cas, sont contraires aux articles 7 et 8 de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008 dite " retour " ; contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, ces dispositions sont d'application directe ;
- le préfet a commis une erreur de droit en ne motivant pas les raisons qui justifient qu'il ne soit pas dérogé au délai de départ volontaire ;
- le préfet n'a pas sérieusement tenu compte des éléments qui lui permettaient de prolonger le délai de départ volontaire qui tiennent à la situation de la requérante et au contexte de pandémie en Arménie ;
- la décision relative au délai de départ volontaire n'est pas suffisamment motivée sur ce point ;
- le délai de départ volontaire qui a été fixé n'est pas approprié à sa situation personnelle ;
- il a été fixé sans qu'il ait été mis à même de formuler des observations préalables, en méconnaissance du code des relations entre le public et l'administration et l'article 41-2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet ne s'est pas livré à une analyse de la situation et s'est contenté de reprendre l'avis de l'OFPRA.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2022, le préfet de Meurthe et Moselle conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Grossrieder a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant arménien né le 16 avril 1955 a déclaré être entré en France le 19 octobre 2015 avec son épouse. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 31 mars 2016 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 17 août 2016. Par courrier reçu en préfecture le 9 novembre 2016, M. E... a demandé au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour en raison de l'état de santé de son épouse. M. E... a sollicité le réexamen de sa demande d'asile qui a été rejeté par l'OFPRA le 10 mars 2017 et par la CNDA le 27 juin 2017. Par un arrêté du 25 mai 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 25 septembre 2018, le tribunal de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 25 mai 2018. Par un arrêt en date du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé l'arrêté du 25 mai 2018 au motif qu'il n'était pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical du 1er mars 2018, prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'avait pas siégé au sein du collège de médecins. Par un arrêté du 23 janvier 2020, le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait obligation au requérant de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Cet arrêté a été annulé par le tribunal administratif de Nancy, par un jugement en date du 25 juin 2020, au motif que le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est borné à relever l'absence d'éléments nouveaux dans la situation du requérant, sans se prononcer expressément sur la demande de titre de séjour de ce dernier et par conséquent sans lui opposer de refus de titre de séjour. Par un arrêté en date du 1er septembre 2020 le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit. M. D... relève appel du jugement du 24 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des termes mêmes de la décision de première instance qu'il a été répondu d'une part, au point 3. du jugement au moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte notamment en sa branche relative à l'irrégularité de la délégation de signature et d'autre part au point 8. au moyen tiré de la méconnaissance du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence le moyen tiré de ce que les premiers juges n'auraient pas répondu à ces moyens n'est pas fondé.
Sur le moyen commun aux décisions :
3. Il ressort des pièces du dossier que les décisions contestées sont signées par M. B... A..., directeur de la citoyenneté et de l'action locale, dont le préfet de Meurthe-et-Moselle établit qu'il disposait d'une délégation de signature suffisamment précise en date du 24 août 2020, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées n'est pas fondé.
Sur la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;(...) " et aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est arrivé en France avec son épouse le 19 octobre 2015 alors âgé de 60 ans. Si en première instance comme en appel, il allègue être inséré sur le territoire français où se trouvent toutes ses attaches, il n'en justifie pas par les lettres de recommandations et attestations d'embauche produites en janvier et février 2021 postérieures à la décision contestée. Il ressort également d'un jugement du 25 juin 2020 du tribunal administratif de Nancy rejetant la demande de son épouse que cette dernière a également fait l'objet d'une décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire national. En conséquence, la décision contestée n'a pas porté pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît, dès lors, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En second lieu, M. E... ne saurait utilement se prévaloir à l'appui de la décision portant refus de séjour de la méconnaissance des dispositions du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles concernant les fondements des décisions portant obligation de quitter le territoire français.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, par une décision du 4 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé l'arrêté du 25 mai 2018 portant refus de délivrer un titre de séjour à Mme C... au motif qu'il n'est pas établi que le médecin ayant rédigé le rapport médical du 1er mars 2018, prévu par l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas siégé au sein du collège de médecins. En conséquence, après avoir examiné une nouvelle fois si l'intéressé remplissait les conditions pour obtenir la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait, légalement fonder la mesure d'éloignement litigieuse sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En second lieu, si M. E... soutient que l'état de santé de son épouse fait obstacle à un éloignement du territoire national, il ne l'établit pas par de simples allégations qui ne sont assorties d'aucun justificatif permettant de remettre en cause l'avis de l'OFII sur lequel s'est fondé le préfet.
Sur la légalité de la décision fixant un délai de départ volontaire :
9. Devant la cour, M. E..., qui ne peut se prévaloir à l'encontre de l'arrêté contesté des dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dès lors que cette directive a fait l'objet d'une transposition en droit interne et qu'il n'est pas même allégué que cette transposition méconnaît les objectifs de cette directive, reprend ses autres moyens de première instance tirés de l'insuffisance de motivation de la décision, de la méconnaissance de la directive n° 2008/115/C du Parlement et du Conseil du 16 décembre 2008, de la brièveté du délai de trente jours qui lui a été accordé au regard de sa situation personnelle et de la situation en Arménie, et de la méconnaissance de son droit d'être entendu, sans critique pertinente du jugement. Par suite, ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la légalité de la décision fixant le pays d'éloignement :
10. Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
11. M. E..., qui se borne à alléguer, sans apporter aucune précision circonstanciée ni produire aucune pièce au soutien de cette assertion, qu'il ne saurait, sans mettre sa vie ou sa sécurité en danger, retourner dans son pays d'origine, n'établit pas ainsi de manière probante qu'il pourrait être actuellement et personnellement exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Arménie. Par suite, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation individuelle de l'intéressé, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, par voie de conséquence.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. E... demande au titre des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Grossrieder, présidente de chambre,
Mme Stenger, première conseillère.
Mme Barrois, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 avril 2022.
L'assesseure la plus ancienne,
Signé : L. StengerLa présidente-rapporteure,
Signé : S. Grossrieder
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso
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N° 20NC03826