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06/04/2022 | FRANCE | N°21NC02130

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2022, 21NC02130


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 26 mars 2021 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notificat

ion du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les décisions du 26 mars 2021 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 2103925 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée sous le n° 21NC02130 le 23 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Gangloff, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2021 ;

2°) d'annuler les décisions du 26 mars 2021 par lesquelles la préfète du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet l991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

s'agissant du refus de titre de séjour :

- cette décision est entachée d'erreur de fait en ce qu'elle indique qu'il ne justifie pas de trois années d'activité ininterrompue au sein de la communauté d'Emmaüs ; c'est à tort que le tribunal a jugé que la préfète aurait pris la même décision sans cette erreur de fait ;

- en lui refusant le bénéfice d'une admission au séjour, la préfète du Bas-Rhin a commis une erreur d'appréciation ;

- cette décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité du refus de séjour prive de base légale cette décision ;

- cette décision porte une atteinte à sa vie privée et familiale.

Un mémoire, présenté pour la préfète du Bas-Rhin, a été enregistré le 7 mars 2022, postérieurement à la clôture d'instruction et n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Goujon-Fischer premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant géorgien, est entré, en dernier lieu, le 30 juin 2014. Le 21 octobre 2020, il a sollicité de la préfète du Bas-Rhin la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 26 mars 2021, la préfète du Bas-Rhin a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté de l'arrêté du 26 mars 2021 :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public et à condition qu'il ne vive pas en état de polygamie, la carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2, à l'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles qui justifie de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration (...) ".

3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger justifie de trois années d'activité ininterrompue dans un organisme de travail solidaire, qu'un rapport soit établi par le responsable de l'organisme d'accueil, qu'il ne vive pas en état de polygamie et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré une première fois en France en 2013, sous couvert d'une carte de séjour délivrée par les autorités grecques valable jusqu'en 2016, a fait l'objet, le 19 mars 2014, à la suite d'un contrôle de police, d'une obligation de quitter le territoire français. Entré une nouvelle fois en France en juin 2014, il s'est vu refuser le bénéfice d'une carte de séjour pour raisons de santé et a fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français par un arrêté du 24 mars 2017. Il ressort des attestations de bénévoles ou de clients de la Communauté Emmaüs qu'il a produites devant le tribunal qu'il travaille depuis le 21 février 2017 comme Compagnon de la Communauté Emmaüs Haguenau-Saverne où il est en charge de l'espace de réparation des bicyclettes et motocyclettes ainsi que du hall électroménager et de la remise en état de tout appareil fonctionnant à l'électricité. Si les témoignages qu'il verse font état des compétences que lui reconnaissent, dans l'exercice de ces fonctions, les bénévoles et clients, notamment son sérieux, sa polyvalence, sa disponibilité, sa courtoisie, ainsi que sa volonté d'améliorer sa maîtrise de la langue française, il n'est fait état, au-delà des qualités personnelles dont il fait preuve dans son activité, que de son projet imprécis de travailler dans le secteur de la mécanique automobile. Dans ces conditions, en estimant que M. B... n'apportait pas d'élément de nature à établir l'existence d'un projet professionnel concret et plus généralement, des perspectives d'intégration, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, si, comme l'ont relevé les premiers juges, l'arrêté de la préfète du Bas-Rhin mentionne à tort que M. B... ne remplit pas la condition de trois années d'activité ininterrompue prévue par les dispositions précitées de l'article L. 313-14-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de titre de séjour pouvait être légalement fondé sur le seul motif tiré de ce qu'il ne présentait pas de perspectives d'intégration suffisantes et il résulte de l'instruction que la préfète du Bas-Rhin aurait édicté la même décision en se fondant uniquement sur ce motif.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France, en dernier lieu, le 30 juin 2014, s'y est maintenu en dépit de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 6 mars 2017. Vivant seul et sans charge de famille en France, il n'est en revanche pas dépourvu d'attaches familiales en Géorgie où résident en particulier ses deux enfants et sa mère. Dans ces conditions, le refus de séjour qui lui a été opposé n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été décidé et n'a ainsi pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, M. B... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui ayant refusé un titre de séjour, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3 du présent arrêt, il y lieu d'écarter le moyen tiré de ce que l'obligation faite au requérant de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

10. L'exécution du présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....

Sur les frais liés à l'instance :

11. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Bas-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Agnel, président,

M. Goujon-Fischer, premier conseiller,

M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. Goujon-FischerLe président,

Signé : M. Agnel

La greffière,

Signé : C. Schramm

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. Schramm

2

N° 21NC02130


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC02130
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Jean-François GOUJON-FISCHER
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : GANGLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-06;21nc02130 ?
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