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06/04/2022 | FRANCE | N°21NC00556

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 06 avril 2022, 21NC00556


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 juin 2020 par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a délivré un titre de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée limitée à une année et ainsi valable du 31 mars 2020 au 30 mars 2021.

Par un jugement n° 2004693 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet du Haut-Rhin du 5 juin 2020 et a enjoint à ce même préfet de réexaminer la situation d

e M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2021,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 5 juin 2020 par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a délivré un titre de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée limitée à une année et ainsi valable du 31 mars 2020 au 30 mars 2021.

Par un jugement n° 2004693 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du préfet du Haut-Rhin du 5 juin 2020 et a enjoint à ce même préfet de réexaminer la situation de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2021, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 décembre 2020 et de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- l'efficacité des différents traitements dont bénéficie M. C..., à savoir l'ocrelizumab, la fampridine et la biotine n'est pas prouvée et il n'existe généralement aucun traitement décisif qui pourrait améliorer son état de santé ;

- l'avis rendu par le collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a été considéré comme restrictif par les premiers juges, alors qu'il est particulièrement bienveillant à l'égard de M. C....

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2021, M. C..., représenté par Me Bochnakian, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet du Haut-Rhin ;

2°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour pluriannuelle sur le fondement des dispositions des articles L. 313-17 et L. 313-18 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le collège des médecins de l'OFII a lui-même reconnu le caractère nécessaire des soins ;

- il n'est apporté aucun argument contredisant la solution retenue par le tribunal administratif.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marchal,

- et les observations de M. A... C..., frère du requérant, recueillies en vertu de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., ressortissant tunisien, est entré en dernier lieu sur le territoire français le 7 octobre 2016. En raison de son état de santé, il s'est vu délivrer en 2018 un titre de séjour d'une durée d'un an. Il a demandé, le 7 octobre 2019, le renouvellement de ce titre de séjour. Par une décision du 5 juin 2020 le préfet du Haut-Rhin lui a délivré un titre de séjour mention " vie privée et familiale " d'une durée limitée à une année et ainsi valable du 31 mars 2020 au 30 mars 2021. Par un jugement n° 2004693 du 28 décembre 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de M. C..., annulé la décision du préfet du Haut-Rhin du 5 juin 2020 et a enjoint à ce même préfet de réexaminer la situation de M. C.... Le préfet du Haut-Rhin relève appel du jugement du 28 décembre 2020 du tribunal administratif de Strasbourg.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".. Aux termes du I de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l'un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 311-1, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : / 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 311-9 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; / 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. (...) ". Enfin, l'article L. 313-18 du même code prévoyait, dans sa version alors applicable, que : " La carte de séjour pluriannuelle a une durée de validité de quatre ans, sauf lorsqu'elle est délivrée : (...) / 3° A l'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11. Dans ce cas, sa durée est égale à celle des soins. ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger ayant bénéficié d'un premier titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit se voir délivrer un titre de séjour de plein droit, dès lors qu'il satisfait aux conditions de renouvellement du titre prévues par les dispositions de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables. Dans une telle hypothèse, le titre délivré doit être d'une durée égale à celle des soins nécessaires au traitement de sa pathologie.

3. M. C... souffre d'une sclérose en plaque de forme primaire progressive et bénéficie en France d'un traitement composé de trois médicaments à savoir l'ocrelizumab, la fampridine et la biotine pour traiter cette pathologie inflammatoire et neurodégénérative du système nerveux central. En raison des conséquences d'une exceptionnelle gravité que pourrait entraîner la fin du traitement reçu par M. C... et de l'absence de possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Tunisie, le requérant s'est vu délivrer, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un titre de séjour d'une durée d'un an en 2018. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a sollicité, dans le cadre du renouvellement de ce titre de séjour, le 9 octobre 2019, la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel tel que le permettaient les dispositions alors applicables de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque les soins nécessaires sont d'une durée supérieure à une année. Le collège des médecins de l'OFII a, par un avis du 31 mars 2020, considéré que le défaut de prise en charge de M. C... pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Tunisie. L'avis précise néanmoins que les soins nécessités par son état doivent être uniquement poursuivis pendant une durée de douze mois et le collège des médecins n'a donc pas considéré qu'ils présentaient un caractère de longue durée. Le préfet du Haut-Rhin a, par la décision litigieuse, délivré un titre de séjour d'une durée d'un an et n'a ainsi que partiellement fait droit à la demande de M. C.... Or, il est constant que l'état de santé de M. C... s'aggrave et qu'il n'existe aucun traitement curatif à sa maladie. A ce titre, le traitement actuellement suivi, dont l'utilité et la nécessité sont non seulement justifiées par les pièces au dossier, mais ont été également reconnues par la délivrance du titre litigieux par le préfet, qui ne saurait utilement les remettre en cause dans le cadre de ce recours, n'a pas une vocation curative, mais permet de retarder la progression de la maladie. Dans ces conditions, en retenant que les soins nécessaires à M. C... ne devaient être poursuivis que sur une durée d'un an et en accordant ainsi un titre de séjour d'une durée limitée d'un an, alors que les soins nécessaires à M. C... présentent nécessairement un caractère de longue durée au vu de sa pathologie et du traitement dont il bénéficie, le préfet du Haut-Rhin a méconnu les dispositions de l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 5 juin 2020.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Il est constant que, dans le cadre de l'exécution du jugement du tribunal administratif du 28 novembre 2020, qui enjoignait au préfet du Haut-Rhin de réexaminer la situation de M. C..., ce préfet a délivré au requérant un titre de séjour pluriannuel valable du 18 juin 2021 au 17 juin 2023. Par suite, le présent arrêt confirmant l'annulation prononcée en première instance, les conclusions à fin d'injonction doivent être écartées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Haut-Rhin est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par M. C... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Agnel, président,

- M. Goujon-Fischer, premier conseiller

- M. Marchal, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 avril 2022.

Le rapporteur,

Signé : S. MARCHALLe président,

Signé : M. AGNEL

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 21NC00556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NC00556
Date de la décision : 06/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. AGNEL
Rapporteur ?: M. Swann MARCHAL
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : BOCHNAKIAN LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-04-06;21nc00556 ?
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