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03/02/2022 | FRANCE | N°20NC02412

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 03 février 2022, 20NC02412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Villers-Allerand l'a licencié et l'a radié des effectifs de la commune.

Par un jugement n° 1801583 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2020, M. A... B..., représenté par Me Janssens, demande à la cour :

1°) d

'annuler ce jugement du 4 février 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 11 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Villers-Allerand l'a licencié et l'a radié des effectifs de la commune.

Par un jugement n° 1801583 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 août 2020, M. A... B..., représenté par Me Janssens, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 février 2020 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 11 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Villers-Allerand de le réintégrer dans son poste, sous astreinte de cent cinquante euros par jour de retard dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de reconstituer sa carrière à compter du 11 juin 2018 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Villers-Allerand une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en évoquant des fautes, la commune ne démontre pas l'insuffisance professionnelle justifiant le licenciement ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la commune ne justifie pas de la réalité des griefs qui lui sont reprochés ;

- il ne peut lui être reproché le cumul de ses fonctions avec un emploi privé dès lors que la commune doit être regardée comme l'ayant tacitement autorisé ;

- il est victime de harcèlement moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 février 2021, la commune de Villers-Allerand conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... une somme de 4 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°2006-1691 du 22 décembre 2006

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lambing,

- et les conclusions de Mme Haudier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par la commune de Villers-Allerand à compter du 1er avril 2013 en qualité d'agent d'entretien polyvalent. Il a été nommé en qualité de stagiaire puis a été titularisé dans le grade d'adjoint technique territorial. Par un arrêté du 11 juin 2018, le maire l'a licencié et l'a radié des effectifs de la commune à compter du lendemain de la notification de sa décision. M. B... relève appel du jugement du 4 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 11 juin 2018.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 93 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. / Le fonctionnaire licencié pour insuffisance professionnelle peut recevoir une indemnité dans des conditions qui sont fixées par décret. ". Aux termes de l'article 3 du décret n°2006-1691 du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les adjoints techniques territoriaux sont chargés de tâches techniques d'exécution. / Ils exercent leurs fonctions dans les domaines du bâtiment, des travaux publics, de la voirie et des réseaux divers, des espaces naturels et des espaces verts, de la mécanique et de l'électromécanique, de la restauration, de l'environnement et de l'hygiène, de la logistique et de la sécurité, de la communication et du spectacle, de l'artisanat d'art. ". Aux termes de l'article 4 de ce même décret : " I. - Les agents relevant du grade d'adjoint technique territorial sont appelés à exécuter des travaux techniques ou ouvriers. (...) "

3. Le licenciement pour inaptitude professionnelle d'un agent public ne peut être fondé que sur des éléments révélant l'inaptitude de l'agent à exercer normalement les fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non sur une carence ponctuelle dans l'exercice de ces fonctions. Toutefois, une telle mesure ne saurait être subordonnée à ce que l'insuffisance professionnelle ait été constatée à plusieurs reprises au cours de la carrière de l'agent ni qu'elle ait persisté après qu'il ait été invité à remédier aux insuffisances constatées. Par suite, une évaluation portant sur la manière dont l'agent a exercé ses fonctions durant une période suffisante et révélant son inaptitude à un exercice normal de ses fonctions est de nature à justifier légalement son licenciement.

4. La fiche de poste de M. B... indique qu'il est chargé de l'entretien de la voirie communale, des espaces verts et naturels, de la réalisation de petits travaux et de la maintenance de premier niveau ainsi que de l'entretien courant du matériel et des engins de la commune. La décision de licenciement pour insuffisance professionnelle attaquée est fondée sur les motifs selon lesquels l'intéressé ne remplit pas convenablement ses fonctions, refuse le cycle d'horaires annuel, ne respecte pas ses heures de prise de service, refuse de remplir le planning hebdomadaire des tâches à effectuer, refuse de nettoyer le matériel municipal, ne respecte pas les règles de sécurité, a une conduite dangereuse dans la commune, a agressé verbalement le 24 juin 2016 la secrétaire de mairie, colporte des informations négatives sur la municipalité, manque de respect aux administrés, a des mauvaises relations avec la secrétaire de mairie, ses supérieurs et enfin cumule sans autorisation son poste avec un emploi privé. En outre, il aurait été surpris durant ses heures de service avec un collègue dans un café-tabac où il s'était rendu avec le camion de service. M. B... conteste la matérialité de ces faits et leur qualification juridique en faisant valoir qu'ils n'établissent pas une insuffisance professionnelle.

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Villers-Allerand n'apporte aucun élément justifiant que M. B... aurait eu une conduite dangereuse dans la commune. Le seul état récapitulatif des heures d'arrivée de M. B..., notées manuscritement, sans que son auteur soit clairement identifié, ne suffit pas à démontrer la réalité des retards de l'agent dans ses prises de service. De même, l'altercation entre la secrétaire de mairie et M. B..., qui se serait déroulée le 24 juin 2016 vers 14h30 dans les locaux de la mairie, ne peut être regardée comme suffisamment établie par l'attestation de la secrétaire de mairie, peu étayée, et la circonstance qu'elle ait déposé plainte auprès de la gendarmerie le 27 juin 2016. La suite donnée à cette plainte n'est au demeurant pas précisée par la commune en défense. S'agissant du comportement de M. B... à l'égard des habitants, la commune produit des attestations peu probantes, qui ne permettent de tenir pour établis les faits reprochés sur ce point et l'attitude désobligeante que l'agent aurait envers les administrés, notamment eu égard à l'attitude même de certains.

6. Toutefois, si la matérialité de l'ensemble des faits mentionnés au point précédent n'est pas établie, il ressort des comptes rendus des entretiens d'évaluation de M. B... au titre des années 2015, 2016 et 2017 que sa manière de servir s'est dégradée au fil des années. Au titre de l'année 2015, son évaluateur considérait qu'il n'avait pas le niveau de compétence attendu pour le nettoyage, l'entretien et le rangement du matériel et il lui était reproché de ne pas organiser son travail en fonction des priorités. Au titre de l'année 2016, pour la période travaillée du 5 janvier au 23 juin 2016, il est remarqué une " inadéquation entre les activités confiées et celles réalisées ". Seulement 5% de la fiche de poste a été respecté selon l'évaluateur. Il est reproché au fonctionnaire de ne pas être autonome et responsable dans la gestion de son travail et de ne pas assurer son rôle de veille pour la bonne tenue du village. L'appréciation du niveau des compétences de M. B... est très inférieure à ce qui est attendu de lui dans l'exécution de ses missions. La commune souligne avoir été contrainte d'avoir recours à des prestataires extérieurs pour des travaux de maintenance courant en raison des carences de M. B.... Au titre de l'année 2017, le manque d'entretien du matériel est à nouveau pointé et les autres missions sont considérées comme partiellement atteintes. L'évaluateur constate le refus de M. B... d'appliquer le cycle annuel d'horaires été/hiver ainsi que le défaut de retour de l'agent des fiches hebdomadaires de compte-rendu du travail. En outre, par courrier du 21 juillet 2016, le maire a reproché à M. B... de ne pas l'avoir informé de l'utilisation d'un extincteur dans l'atelier communal afin que celui-ci soit remplacé dans les meilleurs délais. Par courrier du 14 janvier 2017, le maire a demandé à l'intéressé de remettre les tableaux de suivi de ses activités hebdomadaires qu'il n'a pas adressés sur le mois de janvier 2017, ce qui confirme les appréciations portées dans le compte-rendu d'évaluation précédemment mentionnées. S'agissant des nouveaux cycles de travail entre l'été et l'hiver, il ressort des pièces du dossier qu'ils ont été mis en place à compter du 2 janvier 2017 et ont été évoqués avec M. B... lors de son entretien de reprise du travail après son arrêt de maladie du 27 décembre 2016. L'intéressé admet dans ses écritures n'avoir accepté l'annualisation de ses horaires que depuis le 2 mai 2018. Enfin, le requérant ne saurait se prévaloir de l'absence de formation sur les droits et les devoirs des fonctionnaires pour justifier de son oubli de mentionner l'exercice d'un emploi privé, quand bien même celui-ci serait rémunéré par avantage en nature.

7. Il résulte des éléments énoncés au point précédent que M. B... a manifesté de nombreuses carences dans l'accomplissement des missions qui lui étaient confiées à compter de l'année 2015. Il est vrai que M. B... connaissait des difficultés relationnelles persistantes avec la secrétaire de mairie, certains élus et habitants, reconnues par le maire qui a admis que quelques administrés avaient une attitude inadaptée avec les agents communaux et que l'intéressé a été en congé de maladie durant près de six mois en raison d'une dépression. Cependant, en dépit de plusieurs rappels à l'ordre, M. B... a manqué de diligence et de rigueur dans l'exécution de son travail. Ces faits révèlent l'incapacité de l'agent à accomplir correctement les missions qui lui sont confiées dans le cadre normal de ses fonctions pour lesquelles il a été engagé ou correspondant à son grade et non une carence ponctuelle dans l'exercice de ses fonctions. Enfin, la circonstance que certains des faits retenus pour justifier le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. B... seraient susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher cette mesure d'illégalité, dès lors que, comme il vient d'être dit, la commune se fonde sur des éléments avérés révélant l'inaptitude de l'agent au regard des exigences de capacité qu'elle est en droit d'attendre d'un fonctionnaire de son grade. Il s'ensuit que c'est à bon droit que, malgré l'avis défavorable au licenciement du conseil de discipline, le maire de la commune de Villers-Allerand, qui n'était pas lié par cet avis, a décidé de licencier M. B... pour insuffisance professionnelle. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.

8. En deuxième lieu, pour soutenir que la décision de le licencier a été prise dans un contexte de harcèlement moral, M. B... se prévaut d'un avis d'un praticien du service de médecine professionnelle et préventive du 30 juin 2016, qui se prononce sur un état de santé provisoirement incompatible avec le poste de travail. Cet avis du médecin de prévention, qui précise en outre que M. B... " peut être mis en arrêt afin de préserver sa santé psychologique et pour prendre le temps de se soigner (problème d'alcool) ", ne permet pas d'établir un lien direct entre la dépression de M. B... et le service dès lors que le praticien ne se prononce que sur la compatibilité de l'état de santé de l'agent avec une reprise du travail au 30 juin 2016 et qu'il est également évoqué d'autres problèmes de santé. Le requérant produit par ailleurs le courrier de démission de M. Berthelot, conseiller municipal, du 15 juin 2018, postérieur à l'arrêté attaqué, qui justifie sa décision de démissionner de ses fonctions d'élu notamment en raison de " l'acharnement " de l'équipe municipale pour parvenir au licenciement de M. B.... Le requérant produit par ailleurs l'attestation d'un ami du 16 mai 2018, qui relate la venue du maire de la commune de Villers-Allerand au domicile de M. B... en septembre 2016, en vue d'inciter ce dernier à quitter son poste. Cependant, si l'évaluateur a indiqué dans le compte-rendu d'évaluation du 20 mars 2017 relatif à l'année 2016 qu'une mobilité de M. B... vers un autre poste de la collectivité ou en dehors est " souhaitée et espérée et encouragée ", sans que l'agent ait fait de demande en ce sens, et à supposer même que les faits relatés dans la lettre de démission et l'attestation, évoqués ci-dessus, soient établis, ces éléments ne suffisent pas à caractériser des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral. De même, les différents courriers adressés par le maire à M. B... au cours des années 2016 et 2017, lui demandant de s'expliquer ou lui rappelant les règles à respecter, n'ont pas outrepassé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, compte tenu de la manière de service du fonctionnaire. Enfin, il n'est pas contesté que M. B... et son collègue ont subi la critique de certains habitants lors de l'exécution de travaux d'entretien et qu'ils en ont fait part au maire par courrier du 17 décembre 2015. Ce dernier a confirmé l'attitude de certains administrés par courrier en réponse du 23 décembre 2015. Le maire a également indiqué dans ce courrier que deux lettres recommandées ont été adressées à une habitante afin qu'elle cesse son comportement envers les agents techniques municipaux et qu'un rappel a été inséré dans le bulletin municipal. Dès lors, la commune a pris les mesures nécessaires en fin d'année 2015 pour soutenir son personnel. Il s'ensuit, qu'eu égard à ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle contestée participerait à un harcèlement moral dont l'intéressé aurait été victime.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.

Sur les frais de l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Villers-Allerand, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme que la commune de Villers-Allerand demande sur le fondement de ces dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Villers-Allerand sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Villers-Allerand.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président,

M. Agnel, président-assesseur,

Mme Lambing, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 février 2022.

La rapporteure,

Signé : S. LAMBING Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : C. SCHRAMM

La République mande et ordonne au préfet de la Marne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. SCHRAMM

2

N° 20NC02412


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02412
Date de la décision : 03/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Stéphanie LAMBING
Rapporteur public ?: Mme HAUDIER
Avocat(s) : JANSSENS VALÉRIE-ANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2022-02-03;20nc02412 ?
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